Suède : le festival de la bande dessinée d’Ystad 2024
En ce début de mois de septembre 2024, dans la ville de l’inspecteur Wallander, s’est déroulé pour la première fois le festival de la Bande Dessinée d’Ystad.
Ce qui a tout d’abord commencé comme une réunion annuelle d’auteurs-dessinateurs suédois à Skillinge en 2018, est devenu au fil des ans, un festival plus important s’ouvrant au public. L’organisateur, Rolf Classon, est une figure iminente de la bande dessinée suédoise : il est l’un des fondateurs du magazine de bande dessinée Galago et le créateur de la maison d’édition Kartago förlag.
Afin d’ouvrir et de développer davantage le festival, Rolf Classon a décidé de déplacer l’événement de Skillinge, un village isolé et non accessible en train, à Ystad, une ville touristique pleine de charme située à 1 heure de Malmö et 1 heure 30 de la capitale danoise, Copenhague.
Un festival qui s’étale sur trois jours
Le programme s’est étalé sur 3 journées :
- Un vendredi dit “académique” organisé par Serieskolan, l’école de bande dessinée de Malmö avec de nombreuses interventions par des professeurs et académiciens.
- Un samedi dédié à la bande dessinée adulte, journée la plus longue présentant une quinzaine d’auteurs-dessinateurs suédois et une invitée allemande, Mia Oberländer, ainsi que des intervenants venus de Norvège, de Danemark et de Finlande.
- Et enfin, un dimanche pour les enfants, avec pour focus la BD jeunesse en invitant des dessinateurs-phares dans ce domaine et en organisant un workshop pour créer son propre fanzine.
Des artistes internationaux
Lors du samedi, nous avions eu la chance d’écouter des auteurs-dessinateurs et chercheurs connus à l’international et publiés en français comme :
- Pelle Forshed, auteur-dessinateur de Pendant ce temps et Histoires de famille publiés chez l’Agrume. Le bédéiste était d’ailleurs présent au festival pour la publication de son 3e roman graphique pour adulte Lonely Club qui a “de fortes chances, lui aussi, d’être publié en français” selon l’auteur.
- Knut Larsson, auteur-dessinateur avant-gardiste et fantastique, publié en français chez PLG éditions avec Triton.
- Max Andersson, figure incontournable de la bande dessinée alternative, paru en français avec la traduction de ses livres L’Excavation, Pixie et La mort &cie (L’Association). Il est également le créateur de divers courts-métrages qui furent diffusés le dimanche lors du festival dans le cinéma d’Ystad.
- Fredrik Strömberg, écrivain et journaliste, auteur du livre La bande dessinée suédoise des origines à nos jours (Mémoires vives, 2015).
- Joakim Pirinen, à l’origine de l’affiche du festival et auteur-dessinateur de Le couple mort et ses “amis” (L’Association), bédéiste populaire en Suède et créateur de Socker-Conny, personnage iconique de la bande dessinée suédoise.
Une nouvelle génération d’artistes féminines
Deux invitées au festival d’Ystad viennent à peine de faire leurs débuts retentissants en ce début d’année 2024 : Ditte Lindroth (avec Flickvänsprovet ou “le test de la petite amie”) et Matilda Josephson (avec Mjölk och människor ou “Du lait et des gens”).
On compte de très nombreuses BD autobiographiques en Suède, c’est même un des genres le plus populaire et ces deux romans graphiques tout frais ne font pas exception ! Malgré leur jeune âge (Ditte a 26 ans et Matilda 27 ans), les deux dessinatrices ont toutes les deux su utiliser leurs expériences personnelles pour réaliser deux œuvres captivantes.
Ditte Lindroth nous fait part de son voyage en Russie avec son petit ami de l’époque. Malgré l’anxiété provoquée par l’événement, elle accepte de le suivre et d’effectuer un long trajet en train “que peut-il t’arriver de mal ? tu es avec Axel !” qui deviendra pourtant catastrophique pour le jeune couple.
Matilda, caissière dans une supérette ICA, est en contact au quotidien avec des individus plus ou moins… originaux et fait des rencontres plutôt cocasses. Elle s’est servie de son job alimentaire pour raconter des situations absurdes et comiques.
Un dimanche pour les enfants
La journée du dimanche mit à l’honneur la bande dessinée jeunesse. Des classiques intemporels comme des œuvres modernes très populaires ont été abordées :
Bamse et ses amis : Bamse est “le plus fort des ours”, créé en 1966, il n’a cessé de plaire aux enfants et se lit désormais sous forme de périodique.
Hoku Pokus, les aventures d’une petite sorcière, créée par Fabian Göranson et distribué en français par Komics Initiative.
Siri et les Vikings, une série de Patric Nyström et Per Demervall raconte les aventures d’une jeune viking. La série, populaire, a été traduite dans diverses langues scandinaves mais également en chinois et en anglais puisqu’elle est diffusée en Australie.
Le Prix Urhunden
Le samedi après-midi, le prix Urhunden fut remis par l’Association de la Bande Dessinée suédoise. Ce prix, créé en 1987, récompense deux artistes.
La première catégorie du prix récompense la meilleure bande dessinée originellement publiée en suédois de l’année précédente. Ce titre fut remis à Ulla Donner pour Den Naturliga Komedin (ou La Comédie Naturelle).Si ce titre n’est pas encore disponible en français, Ulla Donner vient d’être publiée dans notre langue chez Atrabile avec Saleté.
La deuxième catégorie récompense la meilleure bande dessinée traduite en suédois l’année précédente et fut remis à l’autrichienne Ulli Lust pour son roman graphique Alors que j’essayais d’être quelqu’un de bien.
Un festival en développement
La bande dessinée ne jouit pas en Suède du prestige ni du succès qu’on lui accorde en France. Il est encore difficile d’attirer de nombreux visiteurs, en dehors des passionnés. Il s’agit par contre d’une communauté soudée et bienveillante d’artistes qui se soutiennent, et les événements autour de la BD et du fanzine fleurissent : en effet, une semaine avant avait lieu le “seriefest” de Malmö, mini festival de la BD et du fanzine rassemblant surtout des amateurs passionnés. Rolf Classon, l’organisateur, a pour ambition de faire du festival d’Ystad un “Angoulême suédois” et son équipe dynamique ne vise que le progrès et le développement de leur festival en pleine croissance !
Toutes les photos, sauf mention contraire, ont été prises par l’autrice de cet article.