Ces dernières années, les récits de pirates ont fait leur grand retour dans le neuvième art et ont, aujourd’hui, le vent en poupe. Glénat a rapidement su saisir la marée avec notamment le somptueux 1629, Black Beard, la Buse ou les récents Anne Bonny et Kernok. Avec Skull and Bones, l’éditeur de One Piece poursuit son partenariat avec le studio vidéoludique Ubisoft, après notamment Assassin’s Creed, Far Cry ou encore les Lapins Crétins, avec l’adaptation de leur nouveau jeu événement Skull and Bones, à la conception des plus chaotiques.

Couverture de l'album Skull et Bones
© Skull et Bones – Nicolas Jarry, Marco Pelliccia et David Courtois – Glénat

Le jeune Waleran fait partie de l’équipage d’un impressionnant navire de guerre britannique au bord duquel est retenue prisonnière la capitaine pirate Dalal Al’Quasim, aussi belle que dangereuse. Lorsque des pirates attaquent le navire anglais et parviennent à la libérer, Waleran décide de suivre Dalal, subjugué à la fois par le magnétisme de la capitaine, mais aussi par la promesse d’une vie riche d’aventure et de liberté.

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© Skull et Bones – Nicolas Jarry, Marco Pelliccia et David Courtois – Glénat

À LA VITESSE D’UN BOULET DE CANON

Comme l’annonce sa superbe couverture, avec son navire à l’improbable figure de proue (un bateau qu’on ne verra d’ailleurs jamais dans les pages de la BD), Skull and Bones ne sera pas un récit réaliste mais bel et bien une adaptation de jeu vidéo. Le rythme du récit va vite, très vite, trop vite. On assiste à une suite d’événements et de péripéties qui s’enchaînent des révélations sorties du tricorne. Au scénario, on retrouve le prolifique Nicolas Jarry, spécialiste des récits fantastiques et épiques (les Brumes d’Asceltis, Castlewitch, les différentes séries des mondes d’Arran…), aidé, comme sur le récent Guerres et Dragons, de David Courtois. Le duo semble plier devant un cahier des charges contraignant : beaucoup de choses à raconter en un seul volume. Ainsi, le récit avance principalement via des cartouches omniprésents qui entraînent le lecteur de scènes d’action en scènes de dialogues, avec son lot de grands moments classiques à tout récit de pirates (l’abordage, le risque de mutinerie, la descente à terre…), sans prendre le temps d’installer la moindre tension, rendant la narration souvent frustrante.

Page 4 de l'album Skull et Bones
© Skull et Bones – Nicolas Jarry, Marco Pelliccia et David Courtois – Glénat

C’est un assez triste constat tant l’histoire que nous conte Nicolas Jarry, bien que très ordinaire dans sa globalité, se serait révélée passionnante à suivre sur deux ou trois tomes, notamment grâce à des personnages charismatiques qui auraient pu facilement susciter l’empathie du lecteur en gagnant en profondeur. Hélas, dans Skull and Bones, chaque protagoniste est réduit au rôle basique de son archétype et il devient très rapidement difficile de s’attacher à lui. Et pourtant que la galerie était prometteuse : une capitaine magnétique et son fidèle second, la snipeuse borgne, l’arrogant maître artilleur. Vient s’ajouter à cela un héros assez plat, symbolisant sans doute le joueur de Skull and Bones qui, devant son écran, découvre un univers qui lui est inconnu. Dès les premières pages, il agace, notamment avec cette phrase tellement caricaturale : « Je l’ignorais encore, mais ma vie allait prendre une tournure beaucoup plus sombre et aventureuse (…) », une promesse qui ne sera tenue que très partiellement…

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© Skull et Bones – Nicolas Jarry, Marco Pelliccia et David Courtois – Glénat

C’EST UN FAMEUX TROIS MÂTS…

À l’inverse des probables contraintes qui ont dû peser sur le duo de scénaristes, Marco Pellicia semble prendre un immense plaisir à mettre en image l’âge d’or de la piraterie. Si le principal atout du récit réside dans les personnages de l’équipage de Dalal, le dessinateur italien leur rend parfaitement hommage. Dalal est charismatique et magnétique au possible, son graphisme justifiant ainsi la réputation que la narration lui donne : regard profond et perçant, coiffure et tatouages, expressions faciales et corporelles… Les personnages secondaires, bien que, logiquement, en retrait, ont reçu le même soin graphique : le second Orimbato, colosse à la fois menaçant et rassurant, la snipeuse Najwa, mystérieuse et flegmatique, le maître artilleur Boniface dont le physique transpire la manigance et la fourberie, le rondouillard gouverneur North, faible et lâche mais très humain. Le reste de l’équipage, anecdotique dans l’histoire n’en reste pas moins très élégant dans son rendu graphique, ainsi que chaque personnage croisé à terre ou sur les autres navires : mention spéciale pour l’énigmatique Madame de Willem. Malgré le manque de consistance de son personnage, même Waleran parvient presque à devenir charismatique et intéressant sous le crayon de Marco Pelliccia.

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© Skull et Bones – Nicolas Jarry, Marco Pelliccia et David Courtois – Glénat

Autre point fort du dessin de l’Italien, les décors sont somptueux. Que ce soit les bateaux, en pleine mer ou sur le pont, ou les différents environnements visités, villes ou îles inhabitées, chaque case est un réel plaisir pour les yeux. Les décors intérieurs sont riches et détaillés, les villes sont variées et immersives, les paysages naturels sont majestueux ou, au contraire, oppressants. Il est ici aussi très frustrant de seulement effleurer tous ces endroits, chaque environnement aurait mérité des cases en plus. Quant aux scènes en mer, si elles font tout l’intérêt du jeu vidéo, elles sont, dans la bande-dessinée, magnifiques, que ce soit dans le rendu visuel de l’eau, le soin du détail des navires ou les cadrages originaux. Ces moments forts sont également sublimés par les couleurs de Mauro Gulma du studio Arancia (un collectif italien œuvrant à la fois dans l’illustration et le web et qui a notamment travaillé sur les bandes-dessinées Hawkmoon, Terra Prohibita, Daisy les mystères de Paris…). Feu, mer, ciel, pluie, bois, verdure, le coloriste maîtrise tous les environnements et parvient également à donner un vrai caractère aux personnages avec un travail sur les ombres et lumières et une palette variée mettant à l’honneur les contrastes. Les cases, malgré leur richesse, sont alors parfaitement lisibles et jamais l’action ne devient brouillonne.

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© Skull et Bones – Nicolas Jarry, Marco Pelliccia et David Courtois – Glénat

En refermant ce Skull and Bones, les sentiments peuvent être mitigés et contradictoires. Si visuellement la copie du dessinateur Marco Pelliccia et du coloriste Mauro Gulma est un quasi sans faute, le récit est quant à lui très frustrant. On sent le désir de Nicolas Jarry, dont le talent d’écriture n’est plus à prouver, de présenter une histoire riche avec des personnages forts, mais des contraintes liées au format one shot et à une narration très vidéoludiques ont sans doute poussé le scénariste à accélérer son récit et le limiter à une suite de scènes liées par des cartouches envahissants. Les amateurs de récits de pirates prendront tout de même plaisir à cette aventure très classique aux superbes images.

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© Skull et Bones – Nicolas Jarry, Marco Pelliccia et David Courtois – Glénat

Chronique écrite par Cédric SICARD

Informations sur l’album

  • Scénario : Nicolas Jarry et David Courtois
  • Dessin : Marco Pelliccia
  • Couleurs : Mauro Gulma
  • Éditeur : Glénat « Ubisoft »
  • Date de sortie : 22 mai 2024
  • Pagination : 88 en couleurs

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