Scarlet Queen, volume 1

Duo italo-américain pour le nouveau diptyque fantasy de Drakoo, avec l’illustratrice romaine Noemi Tedeschi qui, pour sa première bande dessinée, s’associe au scénariste Kurt McClung pour ce premier tome de Scarlet Queen. Le tandem réinvente la fantasy romantique dans un univers où l’amour et l’affection sont des armes redoutables, parfois à double tranchant.

Scarlet Queen Drakoo couverture

© Scarlet Queen – McClung/Tedeschi/Guillé – Drakoo, 2025

Lorsque la légitimité et la magie d’une souveraine dépend des liens, affectifs et amoureux, de son peuple et de ses proches, il devient assez aisé de démanteler d’éventuels complots. Puisque la reine ressent les sentiments de ses sujets envers elle, les traîtres sont faciles à identifier. Pourtant, la reine Lizaru, puissante et aimée de tous, ne parvient pas à déterminer la source du danger qui la guette, elle et les siens. Manigances, jeux de dupes et manipulations politiques font partie du quotidien de la souveraine qui peut compter sur l’affection sans borne de ses gardes, notamment le redoutable et fidèle Oswell que Lizaru charge d’enquêter, en secret, sur les assassins qui sont parvenu à pénétrer la capitale du monde de Calice, avec l’aide indéniable d’un ou plusieurs traîtres…

Scarlet Queen Drakoo planche 13

© Scarlet Queen – McClung/Tedeschi/Guillé – Drakoo, 2025

Je t’aime, moi non plus

S’inscrivant dans le style « romantasy », très populaire ces derniers temps en littérature « young adult », le premier tome de Scarlet Queen parvient rapidement à se détourner des poncifs du genre. Point d’histoire d’amour dangereuse aux amants torturés, ici, le romantisme sert à la fois de source de pouvoir mais aussi d’arme à double tranchant. Si l’amour de son peuple donne à Lizaru une grande puissance qu’elle peut, notamment, transmettre à son armée lors de batailles. Une reine n’est rien sans l’affection de ses sujets et Lizaru est tellement aimée qu’elle en est devenue la souveraine la plus puissante de l’histoire de Calice. Kurt McClung dépeint alors une protagoniste des plus intéressantes, à la fois aimante et aimée, reconnaissante et sans pitié, manipulatrice et altruiste.

Scarlet Queen Drakoo planche 14

© Scarlet Queen – McClung/Tedeschi/Guillé – Drakoo, 2025

Si le concept du « don de dévotion » peut paraître pour le moment assez abstrait, faute de réelle explication, il pourrait se révéler au centre de l’intrigue lors du prochain, et dernier, tome. Cette transmission de magie, qui semble donner, entre autres, un pouvoir de guérison, mais serait également susceptible de se retourner contre la reine si la mauvaise personne en bénéficie. Le lecteur a alors tout le loisir de parcourir la galerie de personnages afin de déterminer les éventuels suspects. Manoeuvre isolée ou complot ? L’intrigue multiplie les pistes et chaque protagoniste se révèle moins lisse qu’il ne le laisse paraître. Si le scénario est très classique dans ses enjeux, Kurt McClung parvient à tordre suffisamment son récit pour en faire une introduction relativement convaincante à défaut de réellement captivante.

Scarlet Queen Drakoo planche 45

© Scarlet Queen – McClung/Tedeschi/Guillé – Drakoo, 2025

C’est bien beau, mais…

Si ce premier tome ne parvient pas à être une franche réussite, il le doit à deux aspects primordiaux : l’attachement aux personnages et le dessin. Si Lizaru est une protagoniste très réussie, son entourage peine à passionner et susciter l’empathie. Certes, Kurt McClung ne rend pas les seconds rôles trop manichéens mais ils manquent clairement de substance. C’est sans doute dû au parti pris de présenter une large galerie de potentiels suspects, ne laissant que peu de place pour construire chacun. En résulte un gros risque de manque d’implication, voir même d’intérêt, envers des acteurs d’une intrigue aux enjeux qui auraient pu devenir palpitants. Impossible, en effet, de s’émouvoir de la menace qui pèse sur les enfants de Lizaru. Oswell en est également une parfaite illustration, le garde faisant office de « héros », mais qui n’est jamais à la hauteur de son statut, n’étant jamais réellement crédible ni charismatique.

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© Scarlet Queen – McClung/Tedeschi/Guillé – Drakoo, 2025

Ce manque de stature est également dû au graphisme de Noemi Tedeschi : des muscles saillants et une barbe ne suffisent pas à faire un héros. On sent toutefois l’envie de bien faire et la créativité, notamment sur les habits mais l’ensemble est un peu trop simpliste pour immerger le lecteur dans l’univers de Scarlet Queen. Dans certaines cases, les protagonistes, lorsqu’ils sont au second plan, sont même très simplifiés, parfois juste esquissés. Cette certaine platitude des personnages se ressent aussi dans les décors, assez chiches, de l’album. Là encore, la recherche d’originalité est indéniable mais manque clairement de détails immersifs, et la colorisation, généralement assez plate et artificielle, n’aide pas vraiment. Le talent de Yoann Guillé n’est pourtant plus à prouver, comme peuvent l’attester des titres comme Manon des Sources, Klaw ou Bolchoi Arena. Il faut toutefois rappeler que Scarlet Queen est la première œuvre d’une jeune illustratrice. À défaut d’être abouti, son trait est très prometteur, notamment par sa grande créativité.

Scarlet Queen Drakoo planche 17

© Scarlet Queen – McClung/Tedeschi/Guillé – Drakoo, 2025

Bien que son titre soit, étonnamment, en anglais, Scarlet Queen, s’inscrit dans une esthétique plutôt méditerranéenne. Malgré des personnages peu attachants, une intrigue assez classique et un graphisme assez peu abouti, ce premier tome n’en reste pas moins une très bonne introduction à une intrigue bien ciselée qui n’a pas livré tous ses secrets, notamment par le nombre de suspects potentiels sans qu’un ne se détache pour le moment. Le réel point fort de Scarlet Queen est clairement son univers original et captivant, que viennent encore enrichir quelques pages encyclopédiques insérées intelligemment dans le récit, généralement lors de scènes de tension. Si le dénouement au second tome est à la hauteur des promesses du présent album, le diptyque pourrait se révéler être une petite friandise très agréable à défaut d’être inoubliable.

Une chronique écrite par : Cédric « Sedh » Sicard

© Scarlet Queen – McClung/Tedeschi/Guillé – Drakoo, 2025

Informations sur l’album :

  • Scénario : Kurt McClung
  • Dessin : Noemi Tedeschi
  • Couleurs : Yoann Guillé
  • Éditeur : Drakoo
  • Date de sortie : Le 2 juillet 2025
  • Pagination : 64 pages en couleurs

© Scarlet Queen – McClung/Tedeschi/Guillé – Drakoo, 2025

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