San Francisco 1906, tome 2 : La part du feu

Une muse revancharde, une femme de ménage acculée, un général corrompu, une guerre des gangs, une cité en proie aux séismes et aux flammes et un tableau de Klimt au centre des attentions, la Part du feu conclut le diptyque thriller catastrophe de Damien Marie et Fabrice Meddour San Francisco 1906. Une histoire dans l’Histoire dont le premier tome se terminait sur une ambiance de chaos à la suite de la terrible catastrophe qui secoua la cité californienne.

Alors que les habitants d’un San Francisco empli de poussière se relèvent dans la stupeur, Judith, à qui le séisme a sauvé la vie, est poursuivie par les mafias italiennes et chinoises mais aussi par le général Funston pour le chef d’œuvre qu’elle porte comme un fardeau. Mais à force d’être menacée et persécutée, au cœur d’une cité en pleine loi martiale, la petite femme de chambre pourrait se révéler un adversaire plus dangereux que son apparente fragilité pourrait le laisser croire…

Pendant l’enfer à San Francisco

Après un premier tome qui prenait le temps de poser ses enjeux, avant que le séisme vienne fracasser le rythme dans les dernières planches, cette conclusion promettait un récit haletant et oppressant. Et force est de constater que ces adjectifs ne sont pas usurpés tout au long des 54 planches de ce La part du feu. Après deux pages d’une intro qui contextualise l’intrigue, tout en révélant une des zones de mystère du premier épisode, le récit nous plonge au cœur de l’action et du drame. La narration passe alors d’un protagoniste à l’autre dans une double course contre la montre : celle de Judith pour sauver sa peau et, bien sûr, celle des autorités de San Francisco pour stopper les incendies et gérer les urgences sanitaires.

À la jonction de ces deux intrigues, le général Funston apparaît comme un personnage ambigu montrant la richesse du scénario de Damien Marie. Judith, quant à elle, est un premier rôle très classique, une jeune femme de caractère à l’apparence fragile mais qui dépassera ses limites physiques par une volonté implacable. Cet aspect, presque banal aujourd’hui, de l’héroïne bad-ass n’empêche jamais la jeune femme de susciter l’empathie, notamment grâce à une progression très bien écrite et au charisme impressionnant que son dessinateur lui offre.

De larmes, de sueur et de sang

Si le trait de Fabrice Meddour est toujours aussi plaisant, c’est bien avec ses couleurs que le dessinateur se démarque. Pouvant rappeler parfois le style de Hermann, son travail des ombres et lumières est très contrasté et tranché, semblant laisser vivre son aquarelle avec des zones et des nuances très peu diluées. À l’image de la couverture de l’album, sa palette très riche en bleus, verts et gris, tous assez ternes, est perturbée par des fulgurances de jaunes et de rouges lors des scènes de tension (feu et sang), et lorsque le tableau de Klimt est au centre de l’action.

Comme on a pu le voir dans ses précédentes publications, notamment le diptyque Après l’enfer, déjà sur un scénario de Damien Marie, l’une des grandes forces de Fabrice Meddour est dans la construction graphique de personnages charismatiques. Judith est un modèle du genre, notamment avec son regard clair et profond des plus hypnotisants. Les émotions de la jeune femme sont bouleversantes ou inspirantes, à l’image de celles de tous les personnages, même secondaires ou simples figurants. Le récit est dramatique et chaotique, l’illustrateur parvient parfaitement à rendre les ambiances avec ses protagonistes, mais également avec des décors somptueux dont on ressent toute la poisse et l’oppression.

Après le diptyque déjà remarqué et passionnant Après l’enfer, le duo Damien Marie et Fabrice Meddour renoue avec la formule « personnages féminins d’apparences fragiles dans une situation chaotique » dans San Francisco 1906. Avec un récit haletant et oppressant, un dessin agressif aux couleurs immersives, cette mini-série se révèle captivante et surprenante jusqu’à un final à la fois grandiose et pathétique très intelligent.

Chronique écrite par Cédric « Sedh » Sicard