Révolutionnaires ! - tome 4 : Tous à Machecoul !

Après La Guerre des Lulus, Régis Hautière place de nouveau un groupe d’enfants au cœur de la tourmente historique, en faisant un grand bond dans le passé jusqu’à 1793, à l’aube des guerres de Vendée. Accompagné du prolifique et talentueux dessinateur Xavier Fourquemin, lui aussi habitué aux récits historiques, le scénariste poursuit les aventures de ses protagonistes dans ce quatrième tome de Révolutionnaires ! où, plus que jamais, la grande Histoire va malmener la petite.

Révolutionnaires tome 4 Le Lombard couverture

1793, la France, pas encore remise des troubles internes, a de nombreux ennemis extérieurs, et donc besoin de soldats à envoyer aux fronts. La Convention décide alors une levée de 300.000 hommes. Un décret qui va mettre le feu aux poudres aux quatre coins de la France, et notamment à Nantes et dans la campagne vendéenne. C’est justement dans ce coin que se sont réfugiés Mélina, Léocadie et son père. À Nantes, Célénie est toujours entre les griffes de Mange-Doigts, le chef d’une bande de truands, qui semble réellement déterminé à aider la fillette. Dans les prisons de la cité, Titor et Pince-Mitraille vont être enrôlés en tant que tambours dans l’armée républicaine. Ainsi éparpillés, les jeunes héros convergent vers la Vendée où se trouve déjà le fourbe Marquis de Valoire qui compte bien tirer profit de la colère paysanne.

Révolutionnaires tome 4 Le Lombard planche

Ah ça ira, ça ira, ça ira !

Dans ce quatrième tome de Révolutionnaires !, les personnages passent quelque peu au second plan, afin de laisser la grande Histoire mettre en place les enjeux dans lesquels ils devront se dépatouiller pour conclure leurs aventures. Sans être trop envahissantes, les références aux grands événements sont abordées assez simplement pour ne pas perdre le jeune lectorat tout en offrant une bonne remise en contexte aux plus grands. Les intrigues des protagonistes étant relativement tributaires de ces faits historiques, le récit avance de façon fluide et logique, imbriquant à la perfection la petite histoire dans la grande. Tous les acteurs se dirigeant vers Machecoul et ses environs, la suite de la série promet des retrouvailles haletantes.

Régis Hautière place à la perfection les pièces d’un puzzle relativement simple mais totalement efficace. L’intrigue principale, autour de Célénie, continue de progresser sans que l’auteur ne se perde avec les destins des personnages secondaires. Péripéties et rebondissements s’enchaînent sans précipitation, au gré des rencontres et des décisions, des trahisons et des moments de bravoure. La grande Histoire est vue par des enfants qui essaient d’y survivre, d’être libres, d’être justes. Si les acteurs de l’histoire sont relativement manichéens, à part certaines figures qui gagnent en profondeur au fil des tomes, Régis Hautière fait le choix judicieux de poser un regard plus neutre sur l’Histoire : il y a des gens honnêtes et des pures ordures arrivistes dans les deux camps, royalistes comme républicains. Un court dossier historique en fin d’album, clairement fait pour le jeune public, permettra à celui-ci de mieux appréhender les enjeux et comprendre la lourdeur de l’ambiance du récit.

Bellissima ciao

L’atmosphère est pesante dans cette série, et ce quatrième tome ne fait qu’intensifier la noirceur du récit. Drames humains, répression, désespoir sont au menu et le dessin de Xavier Fourquemin parvient à rendre palpable cette ambiance, notamment par sa mise en scène, lorgnant parfois vers l’horrifique, ou l’action pure, dans laquelle l’urgence du moment se fait parfaitement sentir. Avec son style si particulier, mêlant les traits légèrement caricaturaux d’un album jeunesse à des scènes graphiquement assez dures, le tout parsemé de bonnes gueules amochées, l’illustrateur propose des personnages expressifs et attachants ou, au contraire, méprisables. Chacun porte son caractère sur son physique, de la candide Célénie au fourbe Valoire en passant par la déterminée Léocadie ou le débonnaire Titor. Une caractérisation qui permet, notamment aux plus jeunes, de mieux appréhender les enjeux et les péripéties.

De même, les décors semi-réalistes s’adaptent parfaitement au ton du récit, comme l’architecture, simplifiée mais fidèle, de la célèbre place du Bouffay de Nantes, la campagne sereine ou encore des intérieurs, sobrement détaillés, des riches notables ou des pauvres villageois. Il devient donc très facile de plonger aux cœurs de l’histoire et de l’Histoire. Aussi à l’aise dans les teintes chaleureuses que dans les ambiances sombres, la coloriste Amparo Crespo Cardenete, déjà à l’œuvre sur des séries aussi différentes que Millénium ou La Forêt du Temps, rempile pour ce quatrième tome toujours aussi abouti.

En faisant intervenir la grande Histoire de façon plus prégnante que dans les précédents tomes, Régis Hautière n’en rend ses protagonistes que plus héroïques. Même s’ils sont, ici, plus effacés que par le passé, les troubles que vit l’Ouest de la France en cette fin de XVIIIe siècle leur compliquent encore la tâche. Mêlant habilement faits historiques et enjeux personnels à taille d’enfants, la série gagne aussi bien en intensité qu’en qualité d’écriture. Le dessin, toujours impeccable de Xavier Fourquemin, soutenu par les couleurs de AmparoCrespoCardenete, accentue encore l’intérêt d’une série dont on a hâte de découvrir la suite.

Une chronique écrite par : Cédric « Sedh » Sicard

Informations sur l’album :