Rétro – Blue rétro – T18 des Tuniques bleues

Blutch barman, Chesterfield garçon boucher… Blue Retro, 18ème épisode de la saga des Tuniques Bleues par Willy Lambil et Raoul Cauvin, paru en 1981, nous propose un voyage dans le temps, à l’origine du mythe. Cet épisode, tout atypique qu’il soit, n’en reste pas moins une véritable aventure de nos yankees préférés, avec tous les ingrédients, et même une des toutes meilleures.  

Couverture de Blue rétro
© Les Tuniques bleues – Raoul Cauvin et Lambil – Dupuis

Il s’agit d’un des procédés les plus incontournables de la narration feuilletonnante : que ce soit « comment se sont-ils rencontrés », « comment est-il devenu un superhéros », « comment a-t-il adopté l’écureuil » ou « comment est-il tombé dans la marmite de potion magique », toute grande saga se doit d’avoir un épisode flash-back, un retour aux sources, un préquel, bref, un épisode atypique où les héros qu’on croit bien connaître dévoilent un peu plus de leur Histoire et de leurs mystères.  

Page 5 de Blue rétro
© Les Tuniques bleues – Raoul Cauvin et Lambil – Dupuis

Raoul Cauvin cède donc à la tradition et nous offre un des albums les plus attachants de sa série phare des Tuniques Bleues. En 1981, Blue Retro nous dévoila donc la clé du mystère qui nous taraudait tous : comment Blutch, antimilitariste notoire et déserteur invétéré, a-t-il bien pu finir caporal, et surtout quels aléas l’ont amené à se lier d’amour-vache avec le très rigoureux sergent Chesterfield ? 

Page 6 de Blue rétro
© Les Tuniques bleues – Raoul Cauvin et Lambil – Dupuis

Cornélius nous apparait donc comme un garçon boucher, célibataire endurci vivant encore chez ses parents, et dont la mère cherche à le caser avec la (peu gracieuse) fille de son patron. Tiraillé par la peur de décevoir sa mère et son appétence pour l’univers militaire (en tant que fils d’ancien combattant mutilé de guerre), il décide de noyer son dilemme dans le bar du village, tenu par un certain Blutch. Une soirée copieusement arrosée en compagnie de militaires en mission de recrutement, en ce début de guerre civile, se terminera sur la double signature d’un papier.  

Page 7 de Blue rétro
© Les Tuniques bleues – Raoul Cauvin et Lambil – Dupuis

Ce scénario de Cauvin est probablement l’un des mieux ficelés de la série. D’une cohérence à toute épreuve, aucun effet comique ne passe à côté de sa cible, l’espace rigoureux des 44 planches est parfaitement utilisé et équilibré. L’histoire ne se contente pas de raconter la genèse des personnages, mais nous gratifie bien de tous les ingrédients nécessaires à une bonne cuvée : batailles, mauvaise foi et tiraillements affectueux entre les deux protagonistes, coups de Trafalgar, regard cynique sur l’armée et son fonctionnement… tout y est pour une vraie belle et drôle aventure des Tuniques Bleues. Bien sûr, le parti-pris de la farce amoureuse et de l’amante éconduite ne parvient pas à déjouer quelques clichés : certaines saillies sur le caractère monumental (sic) de cette pauvre Charlotte sont très datées, manquent de finesse et sont susceptibles de heurter la sensibilité du lecteur du XXIème siècle biberonné au féminisme. Il convient donc, en abordant cette lecture, de se mettre dans l’esprit du début des années 80 où le rire gras et pataud un brin misogyne ne menait pas directement au lynchage médiatique.  

Page 8 du T18
© Les Tuniques bleues – Raoul Cauvin et Lambil – Dupuis

Un Lambil en vitesse de croisière nous offre une mise en image soignée, découpée au cordeau. Les riches décors extrêmement documentés et les costumes – forcément plus variés que les seules fameuses tuniques – garantissent une immersion totale dans l’époque, le jeu des acteurs et leurs expressions impayables emportant l’adhésion et l’attachement immédiats du lecteur.  

Cet épisode retro, parfaitement représentatif du talent et du savoir-faire de ses auteurs, est donc une réussite totale qui le classe parmi les grands classiques du catalogue Dupuis. 

Chronique écrite par Philippe BARRE

Informations sur l’album

  • Scénario : Raoul Cauvin
  • Dessin : Lambil
  • Couleurs : Colette De Gieter
  • Éditeur : Dupuis « Tous publics »
  • Date de sortie : 1er août 1984
  • Pagination : 48 en couleurs
  • Format : 218 x 300

Vous pouvez discuter de l’album « Blue rétro » sur notre groupe Facebook des Amis de la bande dessinée.