Rancune – T39 de Jeremiah

Kurdy et Jeremiah, les yin et yang de l’univers post-apocalyptique du génial Hermann, sont de nouveau dans la panade. Le premier est au placard avec une folle envie de prendre la poudre d’escampette, tandis qu’un groupe de malfrats met la main sur le second en vue de le livrer à un mystérieux commanditaire. “Rancune”, le T39 de Jeremiah, place les deux tonitruants compères sur la route d’un vieil ennemi.

Couverture du T39 de Jeremiah
Couverture du T39 de Jeremiah © Jeremiah – Hermann – Dupuis

Qu’il s’agisse de Kurdy ou de Jeremiah, dès que l’un des deux à des ennuis, l’autre rapplique aussi sec en prenant des risques démesurés pour le secourir. C’est qu’ils en ont parcouru du chemin dans cet univers sombre et angoissant nos deux inséparables. “Rancune” démarre tambour battant : Kurdy est en tôle, “j’ai déconné”, et ni Jeremiah, ni le lecteur, ne posera de question sur les raisons qui l’ont conduit, une nouvelle fois, dans une cellule. L’homme au casque à plume n’est pas du genre à rester derrière des barreaux. Peu après la visite de courtoisie de son vieux pote, il échafaude un plan pour sortir de ce croupier en compagnie d’un autre camarade de cachot. De son côté, Jeremiah tombe dans une embuscade menée par un policier véreux, bien aidé par les malfrats du clan de “Madame”. Les tourments distincts des deux acolytes ont un lien : un énigmatique commanditaire cherche à se venger.

Page 5 du T39 de Jeremiah
Page 5 du T39 de Jeremiah © Jeremiah – Hermann – Dupuis

Hermann nous plonge de nouveau dans un univers sombre bourré de criminels sans scrupule, de flics corrompus et de types franchement répugnants. Une ambiance “Jeremiesque” sans foi, ni loi dans laquelle ne survivent que les plus forts… ou les plus malins. Les personnages brossés par le dessinateur belge – vainqueur du Grand prix de la ville d’Angoulême pour l’ensemble de sa carrière en 2016 – ont des caractères forts et des physiques généreux qui rythment le récit. C’est du grand art ! Des filles de joie un brin vulgaires, un gangster obèse au visage difforme et detesté par sa propre soeur, la “Madame”, cheffe d’un clan qui trafique la misère de ce monde féroce et brutal. Chez Hermann, c’est une habitude de nous dépeindre, album après album, le pire du pire des âmes les plus noires de l’espèce humaine.

Page 6 du T39 de Jeremiah
Page 6 du T39 de Jeremiah © Jeremiah – Hermann – Dupuis

En dépit de cette manie de nous embarquer dans un monde de violence et de racisme provoqué par les hommes, toujours plus rapaces et avides de pouvoir et d’argent, le créateur de Bernard Prince nous délivre parfois quelques passages positifs en plaçant quelques amourettes sur la route de Kurdy et Jeremiah. Avec “Rancune”, aucune fille à aimer, mais bien au contraire le retour d’un ennemi encombrant que les deux copains connaissent depuis une éternité.

Page 7 du T39 de Jeremiah
Page 7 du T39 de Jeremiah © Jeremiah – Hermann – Dupuis

Hermann, c’est Hermann… Un style inimitable, tant dans l’écriture de ses scénarios que de la conception de ses planches. Ces dernières sont toujours aussi magnifiques que sombres. Le lecteur chemine dans un univers fascinant, aux atmosphères sublimées par des aquarelles toujours exceptionnelles, cases après cases. Les pages se succèdent, alternant scènes aux couleurs prenantes et séquences où le gris prédomine, ce qui renforce le suspens du scénario : on ne sait plus qui est qui et où. Les personnages s’entremêlent, les sentiments alternent entre joie de retrouver un copain et déception de l’avoir confondu avec un autre quidam qui passait par là. Comme toujours, Hermann nous gratifie de moments de castagnes homériques superbement mis en scène : les corps volent dans la pénombre et parfois l’hémoglobine apporte une touche de couleur dans la grisaille des coups, plus ou moins fourrés.

Cela fait plus de 40 ans que Hermann ne cesse de nous surprendre avec sa série post-apocalyptique. “Rancune” est au minimum un diptyque. Le titre du 40e album, à paraître, “Celui qui manque” est une indication précieuse de la conclusion du 39e, mais chut.

Chronique écrite par Bruce RENNES

Informations sur l’album

  • Scénario : Hermann
  • Dessin : Hermann
  • Couleurs : Hermann
  • Éditeur : Dupuis « Grand public »
  • Date de sortie : 2 septembre 2022
  • Pagination : 48 en couleurs
  • Format : 218 x 300

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