Nestor Burma : Du Rififi à Ménilmontant

Tardi avait lancé la série Nestor Burma en 1982. Jusqu’en 2000, il réalisera quatre albums supplémentaires dont un hors-série avant de laisser la place à de nouveaux auteurs. Le créateur d’Adèle Blanc-Sec revient, en 2024, avec un nouvel hors-série.

Du Rififi à Ménilmontant Casterman couverture

©Casterman – Nestor Burma : Du Rififi à Ménilmontant – Tardi

Décembre 1957. Nestor Burma est grippé mais se rend à son bureau où l’attend une nouvelle cliente : madame Manchol. Cette dame explique qu’elle a tué son mari et laissé le cadavre dans leur appartement du XXe arrondissement de Paris avant de… se suicider devant le malheureux détective privé. Celui-ci part alors enquêter.

Du Rififi à Ménilmontant Casterman planche 55

©Casterman – Nestor Burma : Du Rififi à Ménilmontant – Tardi

Une ballade à Ménilmontant

Si Tardi est un excellent adaptateur (voir le Cri du peuple d’après Jean Vautrin ou le magnifique M’as-tu vu en cadavre dans la série Nestor Burma), il faut reconnaître que lorsqu’il doit écrire une histoire originale, ce n’est pas toujours une réussite. Il suffit de lire le dernier Adèle Blanc-Sec pour s’en convaincre. Alors, si le lecteur pouvait se réjouir de voir Tardi reprendre le personnage de Léo Malet, il pouvait aussi avoir quelques craintes en découvrant qu’il s’agissait d’une histoire inédite issue de la plume de Tardi.

Des craintes peu justifiées dans les premières planches de l’album : l’intrigue proposée est rapidement mise en place, le trait de Tardi est toujours aussi affûté, le rythme est maîtrisé… Non, vraiment tous les voyants sont au vert. Malheureusement, cela ne dure pas ! La suite de l’album pourrait se résumer à : « Nestor Burma se promène dans le XXe arrondissement en manquant de se faire écraser par une voiture verte » ! 

Tardi aime Paris, aime la dessiner et donc transforme son album en une espèce de ballade contemplative guidée par les pas de Nestor et par ses monologues parfois reliés à l’enquête, parfois pas. 

Et c’est un autre défaut de l’album : la narration passe trop souvent par le dialogue et pas par le dessin. Ainsi, il est question un moment d’une agression menée par un homme déguisé en père Noël sur les personnes du commissaire Faroux et de l’inspecteur Grégoire. Cette scène ne sera jamais montrée mais évoquée par les dialogues entre les personnages ! C’est bien dommage quand il s’agit d’un album de bandes dessinées !

Du Rififi à Ménilmontant Casterman planche 159

©Casterman – Nestor Burma : Du Rififi à Ménilmontant – Tardi

Du noir et blanc et de la couleur dans Du rififi à Ménilmontant

Comme dit plus haut, le trait de Tardi est toujours bien là ! C’est un vrai plaisir de revoir Nestor Burma, Hélène, Covet et Faroux prendre vie sous son crayon.

Cela dit, le découpage ne rend pas toujours compte de l’action. Encore une fois, à différents moments de l’album, Nestor Burma est attaqué par une puissante voiture verte ! Lors de la première tentative, la seule chose qui fait comprendre au lecteur que Burma a failli y passer c’est parce qu’il le dit ! Rien dans le découpage ne montre le danger et l’esquive du détective de choc ! Et donc, la scène n’a aucune intensité dramatique !

Jean-Luc Ruault a été chargé des couleurs. Tardi est plus un adepte du noir et blanc, ce qui sur une série comme Nestor Burma pouvait se justifier : un hommage aux films de truands en noir et blanc des années cinquante. Ici, des touches de couleurs sont ajoutées dans la plupart des cases (le vert sur la grosse voiture qui attaque Burma, le rouge sur les costumes de père Noël, etc…). Si c’est bien le noir et blanc qui prédominent, les couleurs permettent de mettre en avant certains objets ou personnages importants pour l’intrigue. C’est loin d’un Sin City, mais le mélange est plutôt réussi.

Du Rififi à Ménilmontant Casterman planche 162

©Casterman – Nestor Burma : Du Rififi à Ménilmontant – Tardi

Pas le Nestor Burma espéré

Il y avait une certaine joie à l’annonce du retour de Tardi dans l’univers de Nestor Burma. Une joie qui a aussi créé de grandes espérances. La lecture de cet album ne permet pas de les rencontrer. En cause : un scénario qui ressemble plus à une visite guidée qu’à une enquête policière, trop de dialogues qui décrivent des événements que l’auteur aurait dû nous montrer et un découpage qui annihile toute intensité. 

Et cela sans parler d’un humour potache auquel Tardi n’est pourtant pas un habitué, une intrigue confuse et une fin peu satisfaisante.

Cette nouvelle enquête dessinée de Nestor Burma n’est pas celle que les lecteurs attendaient ou espéraient. Ils auront désormais une requête : que Tardi revienne à une adaptation des livres de Léo Malet. 

Du Rififi à Ménilmontant Casterman planche 63

©Casterman – Nestor Burma : Du Rififi à Ménilmontant – Tardi

Une chronique écrite par : Frédéric P.

Informations sur l’album :

  • Scénario : Jacques Tardi d’après les personnages de Léo Malet
  • Dessins : Jacques Tardi
  • Couleurs : Jean-Luc Ruault
  • Éditeur : Casterman
  • Date de sortie : Le 06 novembre 2024
  • Pagination : 192 pages en couleurs

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