Les vents ovales tome 2 : Monique

Il existe, dans l’histoire des hommes, des périodes dites « charnières », où un monde disparait, cède sa place à un autre pour le meilleur et pour le pire, mais en tout cas, pour créer « autre chose ». Dans la France de la fin des années 60, alors que les « Trente Glorieuses » sont à leur apogée et que le pays semble calme et prospère, les mentalités évoluent, la jeunesse veut aller vers un chemin différent de celui qui leur est promis par leurs aînés, attachés à un univers qu’ils ont bâti avec courage et difficultés. D’octobre 1967 à avril 1968, le 2^ème tome de la trilogie des Vents Ovales nous fait vivre ce changement en marche.

Les vents ovales tome 2 Aire Libre couverture

©Aire Libre – Les vents ovales tome 2 : Monique – Horne, Mermilliod et Tripp

Octobre 1967. Alors que la guerre du Viet-Nam fait rage, que Che Guevara est abattu et que Denny Hulme devient champion du monde de Formule 1, une nouvelle vie s’ouvre pour Yveline, jeune fille originaire du sud-ouest de la France, partie étudier à l’université de Nanterre. La découverte de Paris, des communautés d’étudiants politisés et l’ouverture à un monde qu’elle ne connaissait pas creuse un certain fossé avec sa province. Elle visite de plus en plus rarement son petit village de Larroque où la vie continue paisiblement. Ce calme n’est cependant qu’apparent car, dans cette campagne française comme en région parisienne, un changement s’opère peu à peu. S’ils continuent à aimer le rugby, les jeunes s’opposent de plus en plus fréquemment aux adultes, attachés à une existence rude, qu’ils veulent éternelle. Monique, plus que tout autre, incarne une nouvelle façon de vivre. Enceinte d’un enseignant communiste, cette fille d’entrepreneur, bien que bannie par son père, continue à bâtir une vie qu’elle a voulu, plutôt que de rentrer dans les cases qu’on souhaiterait lui imposer. Alors qu’Yveline, Monique et leurs amis entrent dans l’âge adulte en même temps qu’ils souhaitent moderniser un univers qu’ils n’estiment plus le leur, que leur réserve le destin et l’avenir ?

Les vents ovales tome 2 Aire Libre planche 6

©Aire Libre – Les vents ovales tome 2 : Monique – Horne, Mermilliod et Tripp

Un monde s’en va, un autre arrive

Dans le concert bruyant et parfois inquiétant du monde de la guerre froide, la France du général de Gaulle semble épargnée, du moins en apparence. Si les campagnes, où la vie est rude, montrent des apparences de villages heureux, des signes d’émancipation viennent déchirer les contours d’un monde qu’on imaginait pourtant simple et sans histoire. En décrivant le quotidien de deux villages du sud-ouest de la France, les scénaristes Jean-Louis Tripp et Aude Mermilliod nous montrent avec émotion et sensibilité le changement de mentalité et de paradigme qui aboutira aux évènements de mai 1968. Ils le font en s’attachant aux destinées de personnages attachants, vivant une vie ordinaire, c’est-à-dire confrontés au quotidien et à son lot de joie, d’inquiétude, de bonheur mais aussi de peine.

En suivant pas à pas l’entrée d’Yveline dans le tourbillon de sa vie d’étudiante à la fac de Nanterre ; les tourments de son petit ami Pascal, rompu à son boulot de mécanicien modeste dans son petit village, qui voit, impuissant, la relation s’étioler, ou celui de Monique, luttant face à un père qui ne comprend pas que sa fille puisse décider de sa vie, le lecteur vit, rit et pleure avec des personnages auxquels il arrive à s’identifier. Dans le monde de la guerre froide, de plus en plus dangereux, la jeunesse, les ouvriers, ceux qui s’estiment peu écoutés, veulent un changement, à l’heure où de grandes avancées se font, notamment la légalisation de la contraception féminine. Les scénaristes décrivent la fin d’une époque sans brutalité ni manichéisme, sans jugement hâtif, en s’imprégnant de l’existence de chacun de leurs personnages et en montrant aussi que l’avenir qu’ils se promettent n’est pas uniquement fait de beaux lendemains qui chantent.

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©Aire Libre – Les vents ovales tome 2 : Monique – Horne, Mermilliod et Tripp

Les vents ovales : un album choral, la douce nostalgie d’une vie

Qui n’a pas ouvert un beau livre ou un album photo familial en ressentant, sans l’avoir vécu, un sentiment aigre-doux entrainant vers un passé idéalisé ? Cette impression, à la fois belle et cruelle, le lecteur en est imprégné en feuilletant ce deuxième tome des Vents ovales. Les personnages simples, humains, vivant la plus belle et la plus grande des aventures, c’est-à-dire leur propre vie, sont représentés avec justesse et sans fioriture par Horne. En croquant des gens comme les autres, il arrive à montrer que les hommes et les femmes sont les vrais héros du quotidien et que le monde évolue grâce à eux. Le dessinateur, par son style à la fois réaliste et peu détaillé, parvient à représenter le monde des années 60 telle qu’un lecteur d’aujourd’hui peut se l’imaginer : aux contours assez nets, mais où les détails restent parfois flous et sans précisions. Les couleurs de J. Maffre, peu appuyées, presque pastels ou délavées, sont parfaitement adaptées à ce récit à la fois heureux et nostalgique, fort et léger, racontant les existences d’anonymes des 60s. Horne place ça et là les marqueurs d’une époque qui changent et on découvre, amusés et émus, l’apparition des jeans, du Monopoly ou bien encore les posters des Beatles accrochés aux murs des jeunes adultes.

Les vents ovales tome 2 Aire Libre planche 8

©Aire Libre – Les vents ovales tome 2 : Monique – Horne, Mermilliod et Tripp

Monique, deuxième tome des Vents ovales, continue le récit débuté avec Yveline. Il emmène avec bonheur, tendresse et émotion le lecteur dans la France de la fin des années 60, à la croisée des chemins. Le lecteur fait ce voyage dans le passé accompagné de personnages qui lui ressemblent et auxquels il fait confiance pour se laisser porter dans cette belle lecture.

Une chronique écrite par : Mathieu Depit

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