Mitsuo

Sacha est un jeune garçon à l’imagination débordante. Tellement débordante qu’il ne communique avec personne en dehors de son univers, pas même avec ses propres parents. Après plusieurs tentatives d’intégration dans des écoles primaires, il est réorienté pour la quatrième fois vers le terrible centre des Augustins. Emma, sa mère, décide de s’enfuir avec lui pour lui éviter d’être interné.

Mitsuo : la puissance de l’imaginaire

Jérôme Hamon au scénario et Gijé au dessin proposent le premier tome d’un nouveau diptyque. Ils mettent en scène un jeune garçon de huit ans, Sacha, diagnostiqué neuroatypique. En décalage avec la réalité, il se réfugie dans son monde imaginaire, dans lequel il a une autre identité, et perd la communication avec son entourage. Son monde à lui, c’est celui de Mitsuo, un explorateur intergalactique à la recherche de la planète Neolia, en lutte contre l’Empire.

Ne correspondant pas aux attentes du système scolaire, les spécialistes pensent qu’il serait plus à sa place dans un centre où l’on « aide» les enfants différents à grand renfort de médicaments. Ce que sa mère refuse. Elle décide d’emmener Sacha à la campagne. Là-bas, peut-être trouveront-ils Neolia ensemble…

Se réapproprier son enfant intérieur

Avec cet album, Jérôme Hamon aborde subtilement le thème de l’éducation, notamment celle des enfants atypiques, qui ne rentrent pas dans les cases définies par la société. Il se concentre sur le personnage de la maman dont nous sentons tout l’amour qu’elle porte à son fils en même temps que sa détresse face à la situation. Pour elle, c’est le monde qui doit s’adapter à Sacha, et non l’inverse. Pour comprendre son fils et pouvoir communiquer avec lui, elle tente de rentrer dans son univers. Elle fait tout pour développer ce qui le rend unique, parfois trop, parfois mal, mais toujours avec bienveillance.

Gigé réussit à créer des ambiances graphiques très marquées, à nous immerger à la fois dans le quotidien pas toujours facile des parents de Sacha, mais aussi à nous embarquer dans le monde du petit garçon. Il alterne entre des illustrations pleines pages où l’imaginaire prend le dessus, entre science-fiction et aventure ; en parallèle, il dépeint la vie quotidienne de ses parents. Au fur et à mesure qu’Emma entre dans l’univers de Sacha, les codes des deux mondes se brouillent et on comprend qu’Emma se détache elle aussi peu à peu de la réalité. La douceur du trait et le choix des couleurs illuminent cette histoire et accompagnent cette évolution. Si les illustrations font davantage penser à une bande dessinée jeunesse, le sujet de l’album parlera aussi au grand-public.

On termine la lecture de cette BD le cœur serré, jusqu’au dénouement, où la révélation d’un secret va mettre en place une toute nouvelle dynamique pour la deuxième partie à venir.

Avec cette BD à la pagination conséquente, Jérôme Hamon (Emma et Capucine) et Gigé (La boite à musique) nous offrent une histoire poétique, touchante et émouvante oscillant entre le monde imaginaire de Sacha et la réalité du quotidien de ses proches. Mitsuo est un véritable plaidoyer pour un accompagnement individualisé et empathique des enfants neuroatypiques et nous renvoie, nous adultes, à notre enfant intérieur.