Née de l’imagination de l’Argentin Joaquin Salvador Lavado Tejon, alias Quino, en 1964, l’éternelle fillette désabusée Mafalda est toujours dans l’actualité. Pour ses 60 bougies, Glénat propose en effet deux publications : une nouvelle intégrale* ainsi que ce recueil hommage. Dans ce dernier, treize autrices s’emparent du personnage de Quino en modernisant son propos, en la confrontant à notre monde actuel.

Mafalda mon héroïne couverture

© Glénat, Mafalda, mon héroïne, 2024

Découpé en huit parties, sous forme de récits, de strips ou de dessins, ce recueil nous montre Mafalda entrer dans les quotidiens de Florence Dupré La Tour et Maëlle Réat, rêver de notre monde moderne puis en être contemporaine. La fillette en rouge pose son regard profondément humaniste, féministe et écologiste sur toute l’absurdité de notre XXIe siècle. Et il y a encore beaucoup à dire…

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© Glénat, Mafalda, mon héroïne, Florence Dupré La Tour, 2024

Mafalda, notre héroïne à tou.te.s

Tout le monde connaît Mafalda, au moins son apparence. La voir dans cet album sous les crayons et pinceaux d’aussi talentueuses artistes est un indéniable plaisir. Loin de copier le trait de Quino, chaque autrice assume son style graphique, mais aussi narratif. Commençant de façon étonnante par deux récits qui mettent en scène leurs autrices (Florence Dupré La Tour, née en Argentine, et Maëlle Réat), Mafalda mon héroïne déstabilise : ici la fillette en rouge n’est pas vraiment le personnage principal et les autrices semblent plus parler d’elles-mêmes que s’intéresser au personnage de Quino.

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© Glénat, Mafalda, mon héroïne, Maëlle Reat 2024

Ensuite, heureusement, la narration se recentre sur Mafalda et ses ami•e•s, les deux premiers chapitres gagnant ainsi en intérêt car on réalise alors, en comparaison, leur réelle originalité de point de vue. Peut-être leur positionnement au tout début du recueil ne leur rend-il pas service ? Le reste de l’album met en effet en avant les engagements politiques et sociaux de la fillette, parfois de façon un peu maladroite. Ainsi, certains dialogues donnent l’impression que Mafalda sert de « prétexte » à certaines autrices pour exprimer leur propre engagement en oubliant quelque peu le ton si particulier de la série de Quino et de ses fantastiques personnage à la candeur attachante ou, au contraire, agaçante, mais toujours pertinente. Toutefois, l’honnêteté et l’importance des combats des autrices fait qu’on oublie assez vite ce constat et qu’on ne peut que se sentir concerné•e•s, tout comme on l’était en lisant la Mafalda de Quino.

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© Glénat, Mafalda, mon héroïne, Véro Cazot, Maud Begon 2024

Treize nuances de rouge

L’une des principales particularités de la série de Quino était la narration par le strip : une bande de quelques cases pour un gag ou pour un événement anodin qui trouvera sa chute plusieurs strips plus tard. Dans Mafalda mon héroïne, chaque autrice s’autorise à sortir de ce cadre pour raconter des histoires sur plusieurs pages ou des gags en une planche. Seule Aude Picault, dont l’hommage est judicieusement placé en fin d’album, suit les « contraintes » de Quino : du noir et blanc épuré en strips d’une ligne, ce qui apporte à la fois une jolie émotion et un réel plaisir au lecteur de retrouver un peu de la Mafalda d’antan. L’audace d’Aude Picault sera de faire de la fillette une jeune femme, apportant un renouveau narratif bienvenu au cœur de son hommage graphique.

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© Glénat, Mafalda, mon héroïne, Agathe de Lastic, Soledad Bravi 2024

Si choisir des artistes uniquement féminines pour rendre hommage à Mafalda pourrait sembler une évidence, il est également un peu dommage de ne pas avoir inclus des auteurs. La fillette avait un engagement en avance sur son temps sur le droit des femmes, mais on a l’impression ici que le féminisme est (encore une fois) un combat dont l’homme est absent, peut-être même exclu. Pourtant Quino avait prouvé, il y a 60 ans, que la lutte contre les inégalités n’a pas de sexe. Un choix éditorial qui peut étonner, voire décevoir, mais qui n’est en rien une gêne à la lecture de l’album.

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© Glénat, Mafalda, mon héroïne, Marie Bardiaux-Vaïente, Gally 2024

Plus qu’un hommage à Mafalda, ce recueil montre surtout l’état du monde actuel en utilisant le regard de la fillette de 60 ans. De temps en temps un peu trop loin de la candeur et du ton sarcastique de la série de Quino, la plupart des récits proposés ici font toutefois mouche grâce à l’amour évident que les autrices ont pour Mafalda et, bien sûr, à leur engagement véritable sur les causes féministes et/ou écologiques. À condition que le/la lecteur/lectrice ne s’attende pas à retrouver l’exacte Mafalda de son enfance, nul doute qu’il/elle passera un excellent moment de lecture, se révoltant avec le sourire, comme jadis pendant sa lecture des strips de Quino.

* parution le 13 novembre 2024

Chronique écrite par Cédric « Sedh » Sicard

© Glénat, Mafalda, mon héroïne, Anne Simon 2024

Informations sur l’album :

  • Scénario, dessins et couleurs : Pénélope Bagieu, Marie Bardiaux-Vaïente, Maud Bégon, Soledad Bravi, Véro Cazot, Florence Cestac, Agathe de Lastic, Florence Dupré La Tour, Gally, Émilie Gleason, Aude Picault, Maëlle Reat, Anne Simon, d’après Quino
  • Éditeur : Glénat
  • Date de sortie : 28 août 2024
  • Pagination : 96 pages

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© Glénat, Mafalda, mon héroïne, Émilie Gleason 2024

© Glénat, Mafalda, mon héroïne, Aude Picault 2024