Les Vieux Fourneaux, tome 8 : Graines de voyous
Les Vieux Fourneaux ont dix ans et n’ont pas pris une ride, enfin, du moins, pas une de plus ! Le scénariste Wilfrid Lupano va faire un clin d’œil à cet anniversaire en imaginant la naissance de son intrigue autour d’un autre anniversaire, celui du Loup en Slip, l’œuvre dans l’œuvre. Un pierrot survolté, des rancœurs oubliées, une sœur ex-sœur, le (pas vraiment) paisible village de Montcœur va encore trembler sous les coups de colères et de tonnerre de ses habitants et de leurs erreurs passées.

© Les Vieux Fourneaux, tome 8 – Lupano / Cauuet / Maffre – Dargaud, 2024
Le Loup en Slip a 60 ans ! Malgré la canicule, c’est l’occasion pour Sophie d’organiser une grande fête pour rendre hommage à sa grand-mère Lucette qui a égayé les alentours de Montcœur, avec son spectacle de marionnettes, pendant une cinquantaine d’années. C’est également l’occasion de plonger dans les souvenirs de son grand-père Antoine et du premier baiser qu’il avait échangé avec Lucette. Mais alors que l’assèchement d’un étang va révéler un vieux secret, d’anciennes rancunes vont se réveiller. La fête promet d’être mouvementée, d’autant plus que Madeleine, la sœur ennemie de Pierrot choisit ce moment pour revenir au village. Et Mimile dans tout ça ? Pour lui aussi, l’inattendu va faire surface dans sa vie, mais sous une forme plus… massive.

© Les Vieux Fourneaux, tome 8 – Lupano / Cauuet / Maffre – Dargaud, 2024
« Des amis comme vous, c’est du miel ! »
Ah que le plaisir est grand de retrouver nos trois mousquetaires du troisième âge ! Antoine, le naïf, le bon, le tendre, celui par qui tout arrive mais qui ne parvient que rarement à prendre les bons choix ou à passer à l’action. Mimile, le discret, la brute, l’espiègle, celui qui a baroudé de par le monde et qui règle les problèmes à grands coup de tatane dans les dents tout en cachant, telle une huître précieuse, un réel trésor sous sa coquille austère. Et bien sûr, Pierrot, l’anarchiste, le truand, l’emmerdeur, celui qui dégaine aussi vite les bons mots que les mauvais coups. Dans ce huitième tome, on retrouve tout ce qui fait le charme de nos trois drôles de vieux, et ce, dès les premières pages. Pierrot, dans l’attente de son train, qui le mènera de Paris à Montcœur, s’arrête prendre un café. Mais, dans ce bar de gare, les commandes se passent par QR code et, l’ami Pierrot, ça le dépasse, ces machins-là. Alors, puisque les serveurs sont serviles au système, et bien c’est le système qui va prendre cher, via la caisse hi-tech de l’estaminet, ce qui vaudra à notre anarchiste un énième passage au tribunal et, surtout, de nouvelles vacheries envers la loi et ses représentants. Voilà, le ton est donné, cette nouvelle aventure de Vieux Fourneaux fera la part belle au rire.

© Les Vieux Fourneaux, tome 8 – Lupano / Cauuet / Maffre – Dargaud, 2024
L’émotion, comme dans chaque tome, est également bien au rendez-vous et, comme souvent dans la série, elle naît de la nostalgie, des souvenirs, des joies et des erreurs de nos trois protagonistes. Les amours d’Antoine, l’impulsivité de Mimile, et la rebellitude de Pierrot sont à nouveau sources de conflits, pour le plus grand plaisir du lecteur. Aux côtés de nos trois amis, on retrouve bien sûr Sophie, au caractère toujours aussi trempé, n’hésitant pas à remettre en place ses aînés et véritable moteur du village, mais aussi très touchante quand elle rend hommage à Lucette. Le patron du bar et ses clients sont de nouveau présents avec leurs inimitables commentaires bien sentis, ainsi que la géniale Berthe, peu assagie par sa relation avec Mimile. Wilfrid Lupano met en avant également quelques nouvelles têtes, à commencer par l’incroyable Madeleine, sœur et ex-sœur, celle de Pierrot, avec qui elle ne partage qu’une ressemblance physique troublante, et démissionnaire des ordres, trop patriarcaux » pour son féminisme. Et donc source de quiproquos improbables et de discussions qui le sont tout autant, mais aussi d’un joli moment presque tendre.

© Les Vieux Fourneaux, tome 8 – Lupano / Cauuet / Maffre – Dargaud, 2024
« Il faut bien que vieillesse se passe »
Avec des personnages aussi forts et omniprésents, le scénariste Wilfrid Lupano n’a que rarement besoin d’une histoire complexe pour passionner son lecteur. Si, une fois encore, les enjeux de ce nouvel épisode, sont à la fois simples et assez peu capitaux pour les protagonistes, le récit de ce tome est l’un des meilleurs de la série, parfaitement équilibré entre humour et émotion, avec des révélations inattendues et malines qui font progresser les personnages et relancent l’intrigue. On sait Wilfrid Lupano engagé, lui qui avait refusé la médaille de Chevalier des Arts et Lettres en 2019 par « honte de ce gouvernement ». Dans les Vieux Fourneaux, que ce soient par la bouche de son ami Pierrot ou de péripéties annexes, il s’en donne à cœur joie : les chasseurs se prennent un taquet alors que le réchauffement climatiques et l’absurdité des technologies virtuelles qui rompent le contact humain sont des éléments déclencheurs des intrigues. Toutefois, le scénariste sait éviter le manichéisme facile et futile. Ainsi, on trouve des flics bienveillants, et les luttes des jeunes rebelles peuvent se perdre dans leur complexité et leur manque de recul.

© Les Vieux Fourneaux, tome 8 – Lupano / Cauuet / Maffre – Dargaud, 2024
Le talent du scénariste à créer des personnages intenses est soutenu, une fois de plus, par le dessin impeccable de Paul Cauuet. Depuis le premier tome, les gueules de nos trois papis flingueurs ont largement participé au succès de la série, et leurs coups de colère sont devenus mythiques. Le dynamisme du trait du dessinateur, que ce soit dans les expressions faciales ou les scènes « d’action », nombreuses vu le tempérament des protagonistes, ainsi que son talent pour une mise en scène très cinématographiques, sont une des nombreuses qualités de la saga. Son travail sur les décors est également parfait et Montcœur prend réellement corps dans les planches de l’album. Jérôme Maffre, aux couleurs, y est également pour beaucoup. Très classique dans sa palette, il apporte une touche pleine de vie dans les dessins de Paul Cauuet, et ses cases sepia, lors des souvenirs des protagonistes, sont superbes.

© Les Vieux Fourneaux, tome 8 – Lupano / Cauuet / Maffre – Dargaud, 2024
Cette cinquième tranche de vie des Vieux Fourneaux est sans conteste l’un des meilleurs tomes de la série. On y retrouve tout ce qui fait le sel de la saga : la naïveté d’un Antoine dépassé par les événements, le détachement de Mimile, et sa discrétion cachant bien des mystères, le caractère trempé de l’attachante Sophie, et, bien sûr, les exubérances de Pierrot, l’un des personnages les plus drôles et les plus fascinants du neuvième art, grand père idéal de tout punk en herbe et porte parole de la part rebelle qui sommeille en chacun de nous. La révélation de fin d’album vient chambouler la vie, déjà rarement paisible, de Montcœuret promet un neuvième tome explosif et sensible à la fois !
Une chronique écrite par : Cédric « Sedh » Sicard

© Les Vieux Fourneaux, tome 8 – Lupano / Cauuet / Maffre – Dargaud, 2024
Informations sur l’album :
- Scénario : Wilfrid Lupano
- Dessin : Paul Cauuet
- Couleurs : Jérôme Maffre
- Éditeur : Dargaud
- Date de sortie : Le 8 novembre 2024
- Pagination : 56 pages en couleurs

© Les Vieux Fourneaux, tome 8 – Lupano / Cauuet / Maffre – Dargaud, 2024

© Les Vieux Fourneaux, tome 8 – Lupano / Cauuet / Maffre – Dargaud, 2024