Les petits métiers méconnus
Au début du XXIe siècle, certaines sources estimaient qu’environ 85 % des métiers du futur n’existaient pas encore. Vincent Zabus, lui, déniche quelques perles, des professions méconnues qu’il compile dans un très bel ouvrage collectif, où 15 dessinatrices et dessinateurs ont mis en images les disruptions poétiques du scénariste.

On ne se rend pas compte à quel point le chômage peut être une chance ! Toutes ces professions qui s’offrent à nous, ces employeurs qui n’attendent que de recevoir notre curriculum vitae. Ah non ? Ce n’est pas une réalité ? C’est d’autant plus vrai lorsqu’on n’est pas diplômée, qu’on ne possède ni voiture ni expérience convaincante. Alors, il ne s’agirait pas que, justement « cette petite dame », sans diplôme, ni métier fixe, qui fait la queue à Pôle emploi (l’ancêtre de France Travail) se montre trop exigeante. Et ce, même si elle n’a pas apprécié les précédentes propositions qui lui ont été faites. Est-elle dans une impasse ? Et si l’inspiration venait, comme bien souvent, d’un livre ?
Justement, puisqu’il y a bien 25 personnes qui patientent comme elle avant d’arriver devant le bureau du fonctionnaire, cette petite dame sans métier se plonge dans la lecture d’un ouvrage qui était apposé sur une table. Une bande dessinée un peu curieuse, une sorte d’ovni littéraire. Son nom ? « Les petits métiers méconnus ». Il y a comme une mise en abyme qui se profile.
Lieux sociaux et solidarité
« Balayeur de regrets » pour soulager les gens de leurs petites contrariétés, « Souffleur de rue » afin de leur inspirer de la répartie lors d’une agression verbale, ou encore « Ouvreur de porte » pour susciter des sourires et transfigurer des vies. Voilà trois exemples qui résument l’essence de cette bande dessinée pas comme les autres : on y cuisine le goût pour les liens sociaux et l’entraide discrète, on y cultive l’estime de soi et des autres.

Si chaque métier présenté est singulier, on s’y attache par la poésie des récits proposés par Vincent Zabus. Certains des protagonistes exercent leur profession dès le départ de l’histoire, alors que d’autres découvrent leur vocation à l’issue d’un petit cheminement personnel ou par le fruit du hasard telle « La vendeuse d’invendus ». On le remarque, les titres de ces belles professions sont de jolies allégories qui ouvrent les portes d’un imaginaire qui fait du bien à l’âme, sans verser dans la mièvrerie.
Un appétit pour la solidarité
À la diversité des métiers, s’ajoutent celle des dessinatrices et des dessinateurs qui s’approprient les différentes histoires du scénariste. De cette pluralité d’artistes qui s’investissent dans le projet découle un album toujours plus surprenant, cassant les codes – à l’image des professions illustrées – et jamais ennuyeux. À l’exception du « Peintre en bord de cases », chaque métier est présenté en 6 planches. À l’intérieur de cet espace-temps, chacun y glisse sa composition, son style graphique, son sens de la narration et de la mise en page pour rehausser encore davantage les propos du scénariste.

À la fin de cette lecture poétique, on se prend à imaginer de nombreux métiers méconnus de notre propre chef, les idées explosent ! Toutefois, on rêverait surtout que Vincent Zabus gratifie les lectrices et les lecteurs d’un nouveau tome, accompagné de nombreux autres dessinatrices et dessinateurs, afin de prolonger cette expérience empreinte de douceur et d’embarquer tout ce petit monde dans une quête de l’emploi enthousiaste et toujours plus onirique. Il faut bien l’admettre, on s’émerveille à l’idée d’exercer l’un ou l’autre des métiers proposés. Il ne manque que l’adresse des employeurs pour postuler à cette belle idée d’apporter du bonheur à son prochain.
Au bout de ces ambitions professionnelles pas comme les autres, on se découvre un grand appétit pour développer la solidarité et de la chaleur des relations humaines.
Une chronique écrite par : Bruce Rennes
Informations sur l’album :
- Scénario : Vincent Zabus
- Dessin : Collectif
- Couleurs : Collectif
- Éditeur : Dupuis
- Date de sortie : Le 04 octobre 2024
- Pagination : 128 pages en couleurs
