Les Mémoires du dragon Dragon tome 3 : Osez Joséphine !

Pierre-Marie Dragon est un dragon, du nom d’un corps militaire d’élite fondé en 1541 et dissout pendant la Seconde Guerre mondiale. Un héros de guerre méconnu de l’histoire que Nicolas Juncker et Simon Spruyt sortent de l’anonymat dans une série qui lui rend hommage, un peu. En fait non, elle ne lui rend pas du tout hommage, car ce grand personnage y est dépeint comme lubrique, fainéant, lâche, menteur, maladroit, prétentieux, aussi en veine que malchanceux, un héros malgré lui dans bien des événements ou batailles historiques. Pourquoi ce traitement si particulier ? Parce que le dragon Dragon est une invention du duo d’auteurs, jetée dans des grands moments de l’Histoire française, côtoyant des grandes figures comme Danton ou, dans ce troisième et dernier tome, Napoléon Bonaparte et sa femme Joséphine.

Les Mémoires du Dragon Dragon tome 3 Le Lombard couverture

© Les Mémoires du Dragon Dragon, tome 3 – Juncker/Spruyt – le Lombard, 2025

1796. Après ses aventures en Belgique, qui lui ont valu une réputation à la fois de héros mais aussi, et surtout, de voleur, Pierre-Marie Dragon est muté auprès des troupes du jeune général Napoléon Bonaparte pour la Première Campagne d’Italie. Se faisant rapidement remarquer par son héroïque maladresse, offrant à l’armée française une précieuse victoire, Pierre-Marie est introduit dans le cercle du futur empereur et de son épouse, Joséphine, sur laquelle le brûlant dragon ne va pas tarder à jeter son dévolu.

Les Mémoires du Dragon Dragon tome 3 Le Lombard planche 8

© Les Mémoires du Dragon Dragon, tome 3 – Juncker/Spruyt – le Lombard, 2025

Le dragon Dragon : plus éros que héros

Jeter un personnage atypique au cœur de la Grande histoire est devenu un arc narratif habituel, presque banal, aujourd’hui. Placer au centre de son récit un protagoniste haïssable, ridicule et plein de défauts et de malice, n’est en rien plus original. Et pourtant, le scénario de Nicolas Juncker fonctionne à merveille, grâce à un principe simple, du moins sur le papier : pousser tous les potards à fond. En effet, le dragon éponyme est tellement horrible et irritant qu’on ne peut qu’adorer le détester, et il est devenu, dès le premier tome, réellement jouissif d’assister à ses déboires et à ses façons improbables pour toujours parvenir à s’en sortir.

Les Mémoires du Dragon Dragon tome 3 Le Lombard planche 9

© Les Mémoires du Dragon Dragon, tome 3 – Juncker/Spruyt – le Lombard, 2025

L’humour est omniprésent dans les Mémoires du dragon Dragon, et monte même en puissance au fil des tomes, Nicolas Juncker semblant prendre un plaisir de plus en plus cruel à déstabiliser son protagoniste. Moins potache que le premier épisode, moins rythmé que le deuxième, cet ultime opus met l’accent sur les dialogues truculents avec une efficacité redoutable, notamment lors des joutes verbales entre notre dragon et le capitaine Hyppolite Charles, un personnage réel, connu pour être l’amant de Joséphine, et donc un rival idéal pour Pierre-Marie. Malgré un suspense assez léger, le récit est captivant grâce à son (z’)héros de pacotille, et l’intrigue repose totalement sur les mésaventures de celui-ci, et ce qui l’attend dans les prochaines planches que le lecteur fera défiler avec hâte.

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© Les Mémoires du Dragon Dragon, tome 3 – Juncker/Spruyt – le Lombard, 2025

En marge de la marge de la marge de l’Histoire

Autour de ce dragon pitoyable, se déroule l’Histoire française, avec ses grandes figures. Là aussi, la série monte crescendo puisqu’après Danton au deuxième tome, nous rencontrons, dans cette conclusion, non moins que Napoléon Bonaparte et son épouse Joséphine. Quand la petite histoire rejoint la grande dans une comédie burlesque, la tentation peut être forte de passer tout au prisme du ridicule. Nicolas Juncker et Simon Spruyt n’en font rien. Le scénariste respecte les événements, et les personnages, réels en y insufflant un zeste de burlesque avec Dragon tout en gardant les faits principaux, les enjeux et les conséquences de chaque moment. La conclusion de son intrigue vient même justifier pourquoi les livres d’histoire ont « oublié » le nom de Pierre-Marie Dragon.

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© Les Mémoires du Dragon Dragon, tome 3 – Juncker/Spruyt – le Lombard, 2025

Simon Spruyt, quant à lui, montre le même respect à ses figures historiques. Si Danton était plutôt caricatural dans le tome 2, ici Bonaparte est charismatique et dégage tout le magnétisme qu’on peut imaginer chez son modèle réel. Le respect de l’Histoire de l’illustrateur le pousse même à insérer judicieusement dans la série des reproductions d’illustres tableaux avec son style graphique si particulier. L’esthétique de la série pourrait laisser certains lecteurs sur le bord du chemin, avec ses traits gras et rapides mais force est de constater qu’elle colle parfaitement au ton abrupt du récit. Dragon alterne expressions hautaines et sérieuses avec cases où son visage se déforme sous les différentes émotions fortes qui le traversent. La mise en scène est dynamique et participe à rendre la série captivante. Après Frederik Van Den Stock et Léa Chrétien sur les deux premiers tomes, Simon Spruyt assure ici lui-même la colorisation, gardant l’esprit de la série avec de grands aplats aux teintes vives.

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© Les Mémoires du Dragon Dragon, tome 3 – Juncker/Spruyt – le Lombard, 2025

Cet ultime tome des Mémoires du dragon Dragon ne se conclut pas par l’habituel, et amusant, interview du protagoniste par un biographe souvent médusé. L’album se ferme, en effet, sur un épilogue qui semble ajouté en dernière minute, laissant penser que la série était prévue plus longue. Une fin un peu précipitée qui est assez regrettable tant le titre a su se démarquer en mêlant habilement la Grande Histoire au destin d’un personnage détestable et écœurant, le tout dans une comédie burlesque ultra efficace. Il semblait y avoir pourtant encore tant à raconter, l’histoire française de la fin du XVIIIe et de la première moitié du XIXe siècles étant d’une grande richesse et propice à y jeter un personnage aussi captivant que notre dragon Dragon. Il faudra donc se contenter d’une trilogie drôle, rythmée et originale, aux dessins qui le sont tout autant.

Une chronique écrite par : Cédric « Sedh » Sicard

© Les Mémoires du Dragon Dragon, tome 3 – Juncker/Spruyt – le Lombard, 2025

Informations sur l’album :

  • Scénario : Nicolas Juncker
  • Dessin : Simon Spruyt
  • Couleurs : Simon Spruyt
  • Éditeur : Le Lombard
  • Date de sortie : Le 14 février 2025
  • Pagination : 80 pages en couleurs

© Les Mémoires du Dragon Dragon, tome 3 – Juncker/Spruyt – le Lombard, 2025

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