Les Aigles de Rome Livre VII
Principalement connu pour Le Scorpion, co-écrit avec Stephen Desberg, Les Aigles de Rome est la seconde œuvre majeure d’Enrico Marini où il officie à la fois en tant que scénariste et dessinateur. Fresque historique et épique débutée en 2007, ce septième album poursuit le récit de la confrontation entre le Germain Arminius et le Romain Marcus, élevés comme deux frères devenus des ennemis mortels.
©Dargaud – Les Aigles de Rome Livre VII – Marini
Bien décidés à récupérer les aigles perdus et de venger la défaite de la bataille de Varus, l’armée romaine entame une nouvelle invasion de la Germanie. Face à cette menace, Arminius doit convaincre les autres chefs de tribus de s’unir malgré leurs rivalités et intérêts divergents. Les deux anciens frères d’armes vont alors se retrouver dans une impasse quand les traîtres et comploteurs s’attaqueront à ce qu’ils ont de plus précieux: leur famille.
©Dargaud – Les Aigles de Rome Livre VII – Marini
Deux pères, deux civilisations
Même si cette saga est une fiction basée sur des faits historiques, ces derniers ainsi que les enjeux politiques ne sont qu’un élément de décor permettant au lecteur de s’imprégner de l’ambiance dans l’ambiance des lieux et de l’époque. L’immersion est de plus accentuée par les dialogues qui recourent à des mots ou des noms en latin ou en langue germanique, souvent pour désigner une même chose ou personne selon la langue employée. Pour le lecteur qui pourrait être désorienté, un lexique est disponible à la fin de l’album pour l’aider dans sa compréhension et approfondir sa culture générale.
Que cela soit Arminius ou son rival romain Marcus, les principaux protagonistes ne sont pas des figures héroïques sans reproches et sont prêts à user des pires ruses pour faire triompher leurs intérêts. Présentés comme des durs à cuire déterminés, ces deux personnages inspirent une certaine forme de respect et d’admiration mais pas fondamentalement de la sympathie.
©Dargaud – Les Aigles de Rome Livre VII – Marini
Marini parvient cependant à humaniser ces deux figures viriles en mettant en avant les êtres qui leurs sont chers et qui deviennent indirectement les victimes de leurs jeux de pouvoirs mais aussi leur point faible. Ceci apporte une dimension plus tragique à l’œuvre ainsi qu’une ampleur humaine et émotionnelle.
Même s’il y a des événements qui font avancer le récit, ils donnent l’impression d’être mineurs et de ne pas avoir d’impact immédiat. Marini prend bien son temps pour poser les différents éléments de son intrigue mais ceux-ci n’aboutissent pas à la fin de cet opus de 64 pages. Le lecteur restera un peu sur sa faim car il sent qu’il existe une tension et des événements clés qui sont en mouvement mais il faudra attendre le prochain tome pour en voir le dénouement.
©Dargaud – Les Aigles de Rome Livre VII – Marini
Des forêts et arènes de sang dans Les Aigles de Rome
Le recours à l’aquarelle pour les couleurs est une marque de fabrique de Marini et elle est toujours à l’honneur dans cet épisode. Cette technique donne une patte artistique bien marquée et de nombreuses cases font penser à des tableaux historiques et épiques. Cette impression ressort d’autant plus avec de grandes vignettes qui occupent une majeure partie de la page avec des batailles et des décors présentés dans des plans d’ensemble très fouillés. De par l’ampleur esthétique de ces cases, l’enchaînement de celles-ci, surtout lors des scènes de combat, fait davantage l’effet d’une exposition de peintures figées au lieu d’une succession dynamique d’images retranscrivant l’action. Ces grandes cases se laissent donc admirer pour elle-même sans pour autant donner l’impression de mouvements ou de dynamique, un élément pourtant essentiel en bande dessinée.
En plus de la composition des plans et de l’usage de l’aquarelle, le dessin des décors et des accessoires enrichit la qualité visuelle de l’œuvre en plus d’immerger davantage le lecteur dans un contexte historique qui lui semblera authentique. Ceci démontre que Marini a entrepris des recherches historiques très pointues pour rendre tangible et visible cette fresque antiquisante.
©Dargaud – Les Aigles de Rome Livre VII – Marini
L’autre marque de fabrique de l’auteur est ses personnages avec des physiques athlétiques et au regard ténébreux, autant masculins que féminins. Loin d’être juste un style pour la forme, ce trait bien défini convient aux protagonistes et à leurs aspirations. Une belle démonstration où le style du dessin et les enjeux narratifs se complètent l’un l’autre.
C’est avec sa patte graphique reconnaissable et des plus abouties que Marini parvient à nous plonger de plus belle dans une autre époque avec une ambiance bien marquée et des personnages charismatiques et déterminés, engagés dans une lutte acharnée. Même si l’ampleur du récit se veut digne d’une tragédie grecque, cet album joue son rôle de chapitre intermédiaire dnns cette épopée où chaque camp avance ses pions au fur et à mesure sans qu’il n’y ait d’ultime renversement de situation. Le lecteur fan de la saga se régalera visuellement et n’aura que trop hâte de lire le prochain tome.
©Dargaud – Les Aigles de Rome Livre VII – Marini
Une chronique écrite par : Stéphane Triquoit
Informations sur l’album :
- Scénario : Enrico Marini
- Dessin : Enrico Marini
- Couleurs : Enrico Marini
- Éditeur : Dargaud
- Date de sortie : Le 04 octobre 2024
- Pagination : 64 pages en couleurs
