Le maillot de la discorde

Bien mieux qu’un résumé, la couverture et le titre nous dévoilent le sujet de la bande dessinée «Le maillot de la discorde» d’Arnaud Ramsay et d’Etienne Oburie. Un membre des FFI au regard méfiant fait face à un gradé SS au sourire narquois. Tous deux s’affrontent, appuient fermement leur pied sur le même ballon posé au centre d’un terrain de football et font comprendre que l’enjeu ne sera pas sportif. S’ils sont unis par le jeu, ils seront désunis par la guerre.

La véritable histoire de la coupe Jules Rimet avec l’équipe de France de football

Passé la première page dans une cellule de prison en compagnie d’Étienne Mattler et d’Alexandre Villaplane en 1944, les auteurs racontent et dessinent le périple de l’équipe de France de football en Uruguay, pour la toute première coupe du monde en 1930. La mise en image, les anecdotes, la description des conditions de voyage et du déroulement des matchs mettent en avant les difficultés techniques et l’amateurisme auxquels a du faire face Jules Rimet pour l’organisation de l’évènement. C’est avec plaisir que le lecteur retrouvera, comme s’il la vivait de l’intérieur, l’atmosphère et le déroulé de cette compétition.

Le portrait de deux destins contraires dans Le maillot de la discorde

Ainsi, les auteurs dressent le portrait du capitaine de l’équipe de France de Football, Alexandre Villaplane et celui d’Étienne Mattler qui sera l’un de ses successeurs au capitanat. Arnaud Ramsay insiste sur leurs traits de caractères dans la vie comme sur le terrain et démontre de la sorte à quel point les deux joueurs, qui ont joué ensemble, étaient antinomiques. Alexandre n’a que faire de la morale, il est prêt à tout pour l’argent facile et pour mener la grande vie. De son côté, Etienne est très attaché aux valeurs traditionnelles telles que la fidélité, l’honneur, la rigueur ou le courage.

Étienne deviendra professionnel et aura une grande carrière de footballeur. Alexandre lui, sera le mouton noir du football. La seconde guerre mondiale va exacerber la personnalité des deux capitaines comme elle l’a fait pour tous les français. Les qualités d’Étienne sur le terrain vont faire de lui un héros de guerre grâce à son abnégation, son patriotisme et son leadership, tandis que les travers d’Alexandre vont le faire passer du statut de petit escroc à celui de gradé SS, incarnant la collusion entre la pègre et les autorités nazies, torturant et massacrant la population pour son seul intérêt personnel sans se préoccuper pour qui et contre qui il agit.

À l’exception de leur rencontre dans la prison et de quelques zones d’ombres sur la vie d’Alexandre, Ramsay et Oburie livrent l’histoire vraie, méconnue et documentée, de la toute première Coupe du Monde de football et de deux joueurs de l’équipe de France qui ont vécu, chacun à leur manière et guidée par leur personnalité, la Seconde Guerre mondiale.

Mais plus que l’histoire dans l’Histoire, ce récit confirme que «le football est le reflet de notre société, regardez l’expression d’un joueur sur le terrain, c’est sa photographie dans la vie» (Aimé Jacquet). L’illustration de la couverture est en cela très réussie car elle met en image cette idée à travers l’histoire d’Étienne Mattler et Alexandre Villaplane. La découverte de ces deux destins est l’intérêt majeur de cette bande dessinée et donne envie de se plonger dans le livre de Luc Briand «le brassard» ou celui de Frédéric Massot «jouer, trahir, crever» pour en apprendre davantage.