La Voiture de Bob – T3 de La Brigade des souvenirs
« La voiture de Bob » est la troisième enquête de la Brigade des souvenirs. Dissimulée sous un titre enfantin, cette nouvelle aventure foisonne de thématiques sociales. La pétillante Tania et ses deux complices, Alban et Théo, nous embarquent dans un récit qui nous plonge notamment au cœur de l’histoire des pionnières de l’automobile.
Le grand-père de Théo, « Papilou », était mécano, le meilleur de la région. Il possédait même son propre garage. Ce dernier est fermé depuis plusieurs années, il est désormais temps de s’en séparer et de clore un chapitre important de l’histoire familiale. Armés de balais, de brosses à reluire et de sacs poubelles, Théo et sa maman entreprennent de faire le grand ménage. Quel fatras ! C’est qu’il en a accumulé des choses le grand-père, difficile de savoir par où commencer. Avant même le premier coup de serpillère, la curiosité de l’adolescent l’emporte : il soulève une bâche qui révèle un véhicule dont les rondeurs et les couleurs sont cachées par un peu de poussière et de rouille. Cette découverte est exceptionnelle : il s’agit d’une Mercedes Benz 180D de 1953. Un véritable bijou pour tout amateur d’automobile. Toutefois, un mystère demeure. La maman de Théo est formelle : cette voiture n’appartient pas à Papilou. Et, impossible de compter sur son aide afin de connaître l’histoire de cette merveille. En effet, atteint de la maladie d’Alzheimer, ses paroles sont souvent confuses et ses souvenirs se mélangent au point de ne plus différencier les différents membres de sa famille. Qu’à cela ne tienne, Théo décide d’appeler en renfort ses amis Alban et Tania. À l’évocation du mot trésor, cette dernière s’enthousiasme forcément pour ce qui devient alors le début d’une nouvelle enquête. Animés d’une volonté farouche, soutenus par leurs amis et par quelques éclairs de lucidité de Papilou, les trois adolescents de la Brigade des souvenirs entrent en action, avec comme objectif de retrouver le propriétaire de la voiture.
Cee Cee Mia et Carbone, les co-scénaristes, nous embarquent dans une aventure qui mêle subtilement différents thèmes sociaux. Le premier concerne l’égalité des genres et la place de la femme dans la société civile, plus particulièrement dans le domaine de l’automobile. Dans un secteur, encore aujourd’hui, à prédominance masculine, l’histoire nous présente plusieurs pionnières de l’automobile qui ont su, par delà les préjugés, aller au bout de leur ambition et participer à l’essor du secteur avec en toile de fond une question. Quels liens ce mystérieux Bob, propriétaire du véhicule trouvé dans le garage de Papilou, peut-il avoir avec ce dernier “qu’il aurait suivi jusqu’au bout du monde s’il n’avait pas été marié” ?
Ainsi, les deux scénaristes ne se limitent pas à un récit féministe. Tout au long de l’enquête, au détour de plusieurs conversations, les trois adolescents se questionnent sur d’autres thématiques : l’homosexualité, la fidélité ou encore la maladie d’Alzheimer qui touche Papilou. Des sujets qui lèvent certains tabous et qui réveillent quelques peurs, celle de perdre un être cher, tant du point de vue de l’image que Théo avait de lui – il n’est peut-être pas le grand-père, marié, à la vie bien rangée – que de ses capacités cognitives et physiques – les souvenirs qui s’estompent et la mort au bout du compte.
Côté dessin, Marko a dû faire face à de nombreux défis qui l’ont amené à dessiner différents décors de différentes époques et surtout rendre hommage à cette fameuse Mercedes 180D de l’histoire. Pari réussi, il nous détaille ce véhicule sous toutes ses coutures. Comme d’accoutumé, Marko s’amuse allègrement avec la mise en scène et le cadrage des cases. Il déborde joyeusement, propose des découpages parfois osés, mais toujours lisibles et au service de l’histoire. La disposition et l’attitude des personnages est toujours en adéquation avec des formes de cases variées. Les contours des cases illustrant les scènes du passé s’estompent de manière à simuler un brouillard de souvenirs. Ces flash-back dévoilent quelques indices de l’intrigue générale au fur et à mesure que l’enquête progresse dans le présent.
La mise en couleur de ce troisième opus est assurée par une nouvelle coloriste. HadH sublime le trait de Marko par de nombreux effets de lumière placés avec précision sur chacune des cases du récit. Les ambiances de la journée et des scènes de nuit sont parfaitement restituées. Ce travail d’orfèvre est dans la parfaite continuité des précédents albums et participe sans aucune doute à la réussite de l’histoire.
La fin de l’album comporte un cahier pédagogique, propre à cette série, qui, permet notamment d’établir un lien entre les éléments de fiction du récit et ceux issus de faits réels et ancrés dans l’histoire. Ces pages sont divisées en plusieurs thématiques : la problématique de l’égalité de genre – qui nous apprend la mauvaise performance de la France, seulement 27e place mondiale dans ce domaine – ou encore quelques repères historiques sur l’automobile et son développement. On y découvre également plusieurs portraits de femmes pionnières, évoquées dans l’album, qui, malgré les obstacles, n’ont rien lâché pour vivre de leur passion pour les véhicules à moteur.
La dernière planche de l’album résonne très fortement avec l’actualité récente. Alors que nos héros conversent sur le thème du féminisme et de la longue et dure lutte pour le droit des femmes, Alban lance une phrase qui témoigne que rien n’est jamais gagné : « Il faut rester vigilant. Les acquis ne le sont jamais pour toujours. »
Chronique écrite par Bruce RENNES
Informations sur l’album
- Scénario : Carbone et Cee Cee Mia
- Dessin : Marko
- Couleurs : HadH
- Éditeur : Dupuis « Tous publics »
- Date de sortie : 1er juillet 2022
- Pagination : 64 en couleurs
- Format : 218 x 300
