La Mort de Spirou – T56 de Spirou et Fantasio

En juillet 2021, la (discrète) annonce de la reprise de la série principale de Spirou et Fantasio par le trio Olivier Schwartz – Benjamin Abitan – Sophie Guerrive avait surpris. En mars 2022, l’annonce de la mort du personnage de Spirou dans la prochaine histoire et son remplacement par un nouvel héros avait intrigué. Seulement, les effets d’annonces ne font pas un bon album et prennent même au contraire le risque de décevoir fortement les lecteurs si elles ne sont pas assumées derrière. Alors, maintenant qu’on l’a entre les mains après l’avoir tant attendu, que vaut ce tome 56 ? 

Couverture de l'album La Mort de Spirou
Couverture de l’album La Mort de Spirou © Spirou et Fantasio – Olivier Schwartz, Benjamin Abitan et Sophie Guerrive – Dupuis

C’est l’inquiétude au siège des éditions Dupuis. Alors que la maison d’édition s’apprête à fêter ses cent ans d’existence, Spirou et Fantasio sont injoignables et il est impensable qu’ils ne prennent pas part à la fête qui se prépare. On apprend que quelques jours auparavant, les deux compères étaient en vacances, où ils découvraient dans la presse la nouvelle enquête spéciale de Seccotine. Celle-ci devait avoir pour thème un scandale écologique sur l’invasion d’une nouvelle espèce marine en Méditerranée. A la place, ils lisent un travail d’influenceuse pour mettre en valeur la cité sous-marine de Korallion, transformée en complexe touristique. Une étrangeté inhabituelle chez la journaliste, si professionnelle dans son travail. Encore plus étrange, ils remarquent que Zorglub est mêlé à la nouvelle Korallion sous un faux nom. Intrigués, nos deux héros décident de prolonger leurs vacances en réservant un séjour à la cité sous-marine, afin d’enquêter pour tirer au clair cette histoire. 

Page 5 de l'album La Mort de Spirou
Page 5 de l’album La Mort de Spirou © Spirou et Fantasio – Olivier Schwartz, Benjamin Abitan et Sophie Guerrive – Dupuis

La Mort de Spirou est le premier album du nouveau trio en charge de la série mère de Spirou et Fantasio – des repreneurs dont le profil avait intrigué dès la discrète annonce de leur arrivée, que nous avions relayée l’année dernière. Si, au dessin, Olivier Schwartz est connu des amateurs de Spirou et Fantasio, puisqu’il a déjà dessiné trois albums de la collection « Spirou par », mais aussi Atom Agency, la série que vous aviez élue comme votre préférée en 2020 sur notre page, en revanche les scénaristes étaient loin de la bande dessinée grand public. Benjamin Abitan écrit et réalise des fictions radiophoniques (dont Tintin pour France Culture) et Sophie Guerrive vient de la BD « alternative ». Il y avait donc de l’attente pour voir ce que le duo de scénaristes allait pouvoir faire d’un personnage aussi grand public que Spirou. 

Page 6 de l'album La Mort de Spirou
Page 6 de l’album La Mort de Spirou © Spirou et Fantasio – Olivier Schwartz, Benjamin Abitan et Sophie Guerrive – Dupuis

Commençons déjà par évacuer le titre, est-il « putaclic » ou est-il réaliste avec le contenu de l’album ? Sans dévoiler la fin, on peut déjà dire que cette histoire est en deux parties et se termine par un « à suivre ». Il faudra donc attendre un peu plus pour savoir si Dupuis se débarrasse réellement de son héros. On a déjà appris dans la presse qu’après cette histoire le trio proposera un album tous les deux ans. Avec le personnage de Spirou, ou le nouvel héros qui arrive à la fin de cet album ? Le suspense reste entier pour l’instant. On espère simplement qu’une réintroduction du personnage de Spirou, si réintroduction il doit y avoir, se fera par une idée originale et servant la série. Côté histoire, c’est un développement assez classique, attendu pour un Spirou et Fantasio de la série principale. Les deux héros mènent l’enquête, luttent contre des méchants, font des courses-poursuites, utilisent des inventions du comte, bref, toutes les cases sont cochées et ça plaira aux amateurs du Spirou « classique ». Surtout que l’histoire se déroule dans la cité sous-marine de Korallion, déjà aperçue dans l’album Spirou et les Hommes-bulles, l’un des classiques de Franquin publié au début des années 60. L’histoire est plaisante, les pages se tournent facilement, il y a finalement assez peu de surprises, hormis la fin… mais les surprises, on ne les attend pas forcément dans un tome de la série mère. Le ton de l’album est relativement engagé pour dénoncer certains sujets inhérents à notre société contemporaine, comme l’ont souvent fait les meilleurs albums de la série. 

Page 7 de l'album La Mort de Spirou
Page 7 de l’album La Mort de Spirou © Spirou et Fantasio – Olivier Schwartz, Benjamin Abitan et Sophie Guerrive – Dupuis

Côté graphismes, Olivier Schwartz maitrise déjà l’univers du groom et ça se voit de bout en bout de l’album avec un style constant entre modernité et rétro. Il est servi par les belles couleurs d’Alain Doucet, qui rendent particulièrement bien les fonds sous-marins qui se veulent féeriques. Les auteurs essayent d’apporter une touche de modernité, sans en faire trop : ainsi nos héros utilisent des tablettes, mais c’est pour servir l’histoire et non montrer de manière artificielle aux lecteurs que Spirou est désormais “moderne”. 

Page 8 de l'album La Mort de Spirou
Page 8 de l’album La Mort de Spirou © Spirou et Fantasio – Olivier Schwartz, Benjamin Abitan et Sophie Guerrive – Dupuis

Dès l’annonce de la sortie de l’album – et de son titre choc – au dernier festival d’Angoulême, nous avons senti la volonté par Dupuis de marquer les esprits pour relancer leur série-locomotive en sommeil depuis 2016 (date du dernier album par Yohann et Vehlmann avant que ceux-ci ne se consacrent à leur spin-off Supergroom), et qui peinait à égaler en audace et en performance certains albums de “Spirou vu par” (comme Emile Bravo et son Fauve à Angoulême). Pour son 100ème anniversaire – où de son propre aveu l’absence d’un nouveau Spirou au catalogue était inenvisageable – l’éditeur de Marcinelle jouait donc gros avec cet effet d’annonce, suscitant déjà des réactions positives comme négatives, ce qui constituait un premier succès de communication pour Dupuis. L’objet en question étant un diptyque, nous laisserons le bénéfice du doute aux auteurs qui ont livré avec ce tome 56 un bon moment de divertissement, en attendant la suite…

Chronique écrite par Adrien LAURENT

Informations sur l’album

  • Scénario : Benjamin Abitan et Sophie Guerrive
  • Dessin : Olivier Schwartz
  • Couleurs : Alex Doucet
  • Éditeur : Dupuis « Tous publics »
  • Date de sortie : 26 août 2022
  • Pagination : 64 en couleurs
  • Format : 218 x 300

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