La Légende oubliée de Perceval tome 2

Initialement prévu en quatre tomes, c’est finalement avec ce second tome que va se clore la Légende Oubliée de Perceval. Toujours scénarisé par Frédéric Brrémaud, cette conclusion est dessinée par Daniela Vetro, Frederico Bertolucci se cantonnant ici au storyboard et à la colorisation.Trois ans après la sortie d’un premier épisode très prometteur, il est donc temps de découvrir la fin des aventures de jeunesse du futur chevalier de la Table Ronde, dans un univers très proche de leur diptyque Brindille *, aussi bien graphiquement que dans sa narration. L’intervention des fées est, en effet, l’élément merveilleux d’un récit assez proche des textes classiques.

Le jeune Perceval vient d’arriver à Camelot afin de prévenir le roi Arthur de la mystérieuse incursion d’une petite troupe de Saxons. Les gardes lui refusent l’entrée mais le garçon parvient à arriver jusqu’à la salle du trône et raconte ce qu’il a vu au prestigieux monarque qui ne semble pas s’en inquiéter. Pire que ça, Perceval est même victime des railleries de Keu, frère d’Arthur. Afin de prouver sa bravoure et devenir chevalier, Perceval se décide à suivre le groupe de Saxons afin de leur jouer un vilain tour.

La légende oubliée de Perceval tome 2 Vents d'Ouest planche

On en a gros !

Dans la Légende Oubliée de Perceval, le duo d’auteurs, devenu trio, reprend l’histoire classique de Perceval, au moment de sa naïve jeunesse, protégé par sa mère de la guerre des hommes qui a pris son père et ses frères, puis de sa rencontre avec le Roi Arthur. La suite devait raconter ses premiers exploits au service du seigneur de Camelot. Hélas, la fin précipitée de la série ne permet à Frédéric Brrémaud que de conclure ses deux arcs principaux : la quête magique de Noisette et le mystère de l’homme noir et du contingent Saxon parcourant le pays de la futur Angleterre. Les nombreuses sous-intrigues du premier tome resteront à l’imaginaire du lecteur : la mère de Perceval lancée à sa recherche, les conséquences de la mission de la fée sur sa colonie en danger, le mystère autour d’Hermine, le destin du père et des frères du héros, la guerre naissante contre les saxons…

La légende oubliée de Perceval tome 2 Vents d'Ouest planche 4

Malgré ces frustrations narratives, la fin de la série est relativement satisfaisante si on la prend comme la conclusion d’un épisode précis de la vie extraordinaire d’un héros en construction. En effet, dire que le scénariste propose une sortie ouverte à son récit serait un euphémisme, mais le climax final et sa résolution sont plaisants et efficaces, apportant une pointe d’optimisme pour la suite qu’on ne verra peut-être jamais. Dans un monde en pleine mutation, alors que le christianisme prend le pas sur les croyances païennes, que la magie du petit peuple disparaît peu à peu au profit de la puissance des hommes et de leurs conflits destructeurs, cette conclusion n’est pas autant un problème qu’il n’y paraît : l’incertitude quant à l’avenir est au centre des esprits de tous les personnages.

Le chevalier sans armure

Le personnage de Perceval représente à merveille cette société changeante, lui qui idéalise encore l’héroïsme supposé de la guerre, lui qui n’est ni étonné de rencontrer une fée ni déstabilisé par l’existence du Graal et l’importance de la quête pour le retrouver. Attachant, autant pour sa naïveté légendaire que par son courage indéniable et sa grande empathie, le jeune idéaliste illumine le récit par son optimisme, créant, dès les premières pages du premier tome, l’empathie et l’intérêt du lecteur. Cette qualité d’écriture des personnages est l’un des points forts du scénario, et le duo que forme Perceval avec sa petite camarade d’aventures fait des merveilles, apportant à la fois des scènes très drôles mais aussi de grands moments d’émotion. Deux solitaires, par la force des choses, qui trouveront en l’autre ce qui leur manque.

La fée Wynsghyrnelguürshutidveen, « qu’on peut appeler Noisette », est l’archétype du personnage fougueux mais fragile, très peu confiante en elle mais aussi en les autres, qui devra se dépasser et trouver, au fond d’elle, des ressources insoupçonnées pour mener à bien sa mission. Une écriture très classique mais tellement émouvante sous la plume de Frédéric Brrémaud que la petite créature devient rapidement passionnante. Les personnages secondaires ne sont pas en reste. La mère de Perceval, loin de se morfondre comme dans les textes classiques, décide de partir à sa recherche avec fougue et obstination et dont le voyage, hélas, disparaît trop vite de l’intrigue. L’hermine Hermine, animal de compagnie digne des meilleures mascottes des films Disney ou Ghibli, apport un réel plus au récit et en devient même un élément clé lors d’un moment dramatique. Les chevaliers, quant à eux, et malgré une petite incohérence sur l’âge de Galaad, déjà sur en fin de carrière alors qu’il est sensé être le fils de Lancelot, sont bien racontés, entre grandeur et ennui aigri, entre sagesse et décalage avec la réalité, menant même à une blague mettant en danger un enfant.

La (Grande) Bretagne, ça vous gagne

Avec autant de péripéties à raconter et autant de personnages à faire évoluer, le rythme de l’aventure est très rapide. Mais Frédéric Brrémaud sait également ménager des moments plus calmes très appréciables. L’humour est très présent mais laisse de plus en plus la place à une tension palpitante au fil du récit. L’univers est très proche du diptyque Brindille, ce qui se retrouve également dans le dessin. Frederico Bertolucci, seul aux manettes du premier tome, assure ici le storyboard, laissant la suite à Daniela Vetro, une habituée des mondes de Disney. Un passage de flambeau qui se fait dans la douceur puisque l’illustratrice italienne parvient à garder toute l’ambiance créée par son compatriote, tout en apportant sa petite touche, notamment dans les expressions faciales des personnages.

Au niveau de la mise en scène, rien à redire, l’efficacité est indéniable avec des plans très cinématographique et des cases très dynamiques intelligemment agencées. Les planches de ce second tome sont splendides et doivent beaucoup à la colorisation, signée Frederico Bertolucci. Avec sa palette si particulière et son travail sur fond brun clair rappelant les vieux parchemins, il propose des pages lumineuses aux ambiances parfaitement maîtrisées grâce à des couleurs chaudes très agréables. La nature, omniprésente, s’en trouve sublimée par la finesse du tait de Daniela Vetro et le talent de Frederico Bertolucci, notamment lorsque le soleil perce le feuillage, un régal pour les yeux. Et que dire de la découverte de la grandiose Camelot qui semble posée sur des nuages, au loin…

La légende oubliée de Perceval tome 2 Vents d'Ouest planche 16

Pas facile de terminer en un tome ce qu’on avait prévu de raconter en trois. Ainsi peu des enjeux et mystères amorcés dans le premier opus ne trouveront une réponse dans cette conclusion assez hâtive mais toutefois relativement satisfaisante, au vu des contraintes, grâce à l’habileté de son scénariste Frédéric Brrémaud. Daniela Vetro prend le relais avec brio de Frederico Bertolucci au dessin, l’Italien assurant une colorisation, toujours aussi douce et merveilleuse. Avec des planches aussi belles et une intrigue pleine de promesses, la Légende Oubliée de Perceval aurait mérité plus de planches pour dérouler son récit, d’autant que la quatrième de couverture du premier tome montrait les couvertures des quatre albums prévus, donnant encore plus de regret au lecteur de ne pas découvrir un récit qui semblait s’assombrir autour d’un héros qui grandissait en âge et en maturité.

* Brindille : deux tomes parus chez Vents d’Ouest en 2018 et 2019, une aventure féérique autour d’une jeune héroïne en quête d’identité.

Une chronique écrite par : Cédric « Sedh » Sicard