L’Œil du Marabout
Le Soudan du Sud, plus jeune état du monde (2011), connaît depuis 2013 une guerre civile qui a contraint la population à un exode massif vers les pays voisins et dans des camps gérés par les Nations Unies où il manque de tout, mise à part des traumatismes à soigner. Dans ce contexte, l’UNICEF, qui cherche à soigner les enfants pour les reconstruire et les réinsérer dans leur famille, demande à Jean Denis Pendanx d’intervenir pour panser ces blessures de l’âme avec l’art et le dessin. En 2016, Jean Denis se rend donc sur place. Avec L’Œil du Marabout, il nous livre au travers d’une histoire mêlant fiction et réalité, sans voyeurisme et avec émotion, un témoignage déchirant.

L’histoire débute avec l’arrivée en avion de Nialony qui, après un survol du camp de Bentiu perdu dans la savane, se pose sur une piste poussiéreuse peu engageante. Prise en charge par les agents de l’ONU, dans une ambiance que l’on devine chaotique, cette petite fille au regard perdu est conduite jusqu’au camp pour rejoindre sa famille dont elle est séparée depuis 23 mois. Après les retrouvailles, Georges va nous faire visiter le camp en même temps qu’à sa petite sœur. Peu sûre d’elle, très effrayée mais déterminée, Nialony s’accroche à sa poupée comme à sa vie, et, sous la bienveillance et la protection de son frère débrouillard et parfois sans pitié, elle esquisse enfin un sourire à la 17ème page et par la suite prend davantage d’assurance grâce à son confident le Marabout. Vu du ciel, ce lieu ressemble à un camp romain, mais l’immersion nous montre qu’il s’apparente davantage à un bidonville surpeuplé où prédomine le système D, l’insalubrité, le rationnement et l’ennui. À cela, s’ajoute l’insécurité qui y règne mais aussi celle venant des rebelles qui, malgré les remparts et tours de guets de l’ONU, réussissent à entrer pour kidnapper les garçons afin d’en faire des soldats et les filles pour des violences d’un autre genre. Il faudra à nos héros toute la force de leur relation pour s’extirper de ce destin et entrevoir l’espoir.

Que vient faire le Marabout dans cette histoire ?
Le marabout est un élément de narration judicieusement choisit par l’auteur, car en plus d’être très présent dans le camp pour se nourrir des déchets, il s’impose aussi naturellement avec son air de vieux sage pour raconter l’histoire du pays et de ses habitants. Le fait de lui donner la parole lui attribue le rôle d’ami imaginaire de Nialony, comme pour lui adoucir la réalité. Il sert de fil conducteur pour nous raconter cette fiction réaliste en évoquant la guerre sans masquer l’histoire de Nialony, Georges et tous les réfugiés.

Un grande importance donnée aux dessins !
Le découpage des planches donne une part très importante au dessin le transformant en tableau comme la double page qui montre l’immensité du camp de Bentiu. Beaucoup de situations et sentiments sont exclusivement narrés par le dessin et les cases en demie ou pleine page les illustrent magistralement. Un peu moins d’une case sur deux est sans texte, l’illustration se suffit à elle même et dit plus que tous les mots. Un encrage sépia noir au pinceau, des volumes au lavis et des couleurs à effet aquarelle offrent un rendu final de toute beauté. Pour nous préserver des images violentes, des dessins trasitionnels sur les maisons racontent l’histoire de la guerre et de l’exode. Enfin, les bienfaits de l’art-thérapie sont représentés avec des peintures colorées réalisées par les réfugiés et un moment d’expression libre à la craie sur un tableau de l’école nous rappelle la mission initiée par l’UNICEF.

Un témoignage fort et utile !
Jean Denis Pendanx nous offre un témoignage fort et d’une cruelle vérité sur les conditions de vie des enfants de la guerre au Soudan du Sud mais, malgré ces drames, il arrive à nous montrer des sourires au milieu de ces regards emplis de douleur et de terreur. Cependant, grâce à son dessin, la violence, bien que présente, ne prend pas le pas sur le fond de l’histoire. La seconde force est de s’être inspiré de personnes réelles dont on retrouve l’histoire et les photos, tout comme celle de l’action humanitaire de Jean Denis, dans le dossier de fin d’une vingtaine de pages qui vient donner encore plus de force à l’émotion ressentie tout au long de la lecture, mais aussi un peu d’espoir.

Publiée en partenariat avec UNICEF FRANCE, les éditions Daniel Maghen reverseront à l’association une participation pour chaque album vendu, parce que nous devons lutter pour que chaque enfant soit protégé, traité avec dignité et respecté.

Chronique écrite par Xavier G.
Informations sur l’album
- Scénario : Jean-Denis Pendanx
- Dessin : Jean-Denis Pendanx
- Couleurs : Jean-Denis Pendanx
- Éditeur : Daniel Maghen
- Date de sortie : 7 février 2024
- Pagination : 131 en couleurs
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