Interview de Jean-Luc Deglin
Cette année, nous avons de nouveau eu la chance de couvrir la 5e édition du Festival Spirou. Il est d’ailleurs possible de retrouver le reportage de cet évènement. C’est à cette occasion que nous avons pu échanger avec Jean-Luc Deglin sur son parcours et sa collaboration avec Gorobei pour la série « Molang ».

©Les Amis de la BD – Rencontre avec Jean-Luc Deglin au Festival Spirou – 2025
Les amis de la BD : Bonjour, pour commencer, comment êtes-vous arrivé dans le monde de la BD ?
Jean-Luc Deglin : La BD est arrivée très tôt dans ma vie. Il y avait beaucoup de bandes dessinées à la maison. J’ai grandi au milieu d’albums et de recueils du Journal Spirou. On peut dire que je suis un enfant de Dupuis. Je pense qu’il y avait tous les recueils Spirou du numéro 20 au numéro 200 chez moi. Pour moi la BD, c’était Dupuis durant des années. J’ai toujours dessiné, sur les bancs de l’école avec notamment mon meilleur ami qui est aussi devenu dessinateur, Julien Neel. À cette époque, on s’échangeait des BD, on réalisait des défis de dessin, c’est ainsi que nous avons appris à dessiner. Ensuite, Julien a commencé une carrière dans l’illustration. Il dessinait des cartes postales avec des personnages de dessins animés comme les Simpson ou Bugs Bunny. Dans cette fameuse entreprise, ils cherchaient quelqu’un pour compléter le studio graphique donc ils m’ont proposé un poste et c’est comme ça que j’ai commencé le dessin professionnel. De là, les ordinateurs sont arrivés dans l’animation, et on souhaitait faire les dessins animés. Ces derniers ont été repérés par le rédacteur en chef de Spirou. Il cherchait du contenu à mettre sur le site de Spirou. Ça s’appelait « Indien et Pingouin », c’était des petits cartoons à l’humour absurde avec un personnage indien et un pingouin vert. Ces dessins animés sont passés sur le site de Spirou et par la suite les deux personnages ont fait leur entrée dans Spirou, c’est comme ça que j’ai fait mes premières pages dans le Journal Spirou et en parallèle aussi dans le magazine Tchô! aux éditions Glénat.
Les amis de la BD : Pas mal pour un début, Dupuis et Glénat. Nous allons passer à vos différentes parutions en commençant par Molang que vous avez co-écrit avec Gorobei. Tout d’abord, nous aimerions savoir comment s’est présentée votre collaboration ?
Jean-Luc Deglin : On est ami avec Gorobei depuis un certain temps. Nous nous sommes rencontrés via les festivals que nous faisions avec l’équipe Dupuis. On a fait beaucoup de Battles de dessin ensemble, on s’est vite bien entendu au point que Camille Grenier, éditrice chez Dupuis, nous a surnommés les Goroglin en fusionnant nos deux noms.

©Dupuis – Molang tome 6 : Aventures dans l’espace – Goroglin
Les amis de la BD : Ah alors c’est ainsi que ce nom est né (rires) !
Jean-Luc Deglin : C’était notre nom de scène lorsqu’on faisait des Battles ou d’autres animations pour les festivals. On aimait bien faire les clowns ensemble. Au moment où les ayants droits de « Molang » (l’entreprise d’animation française Millimages) cherchait à faire l’adaptation en BD de « Molang », Camille Grenier a pensé à nous parce qu’elle se disait que le dessin de « Molang » se rapprochait du style de Gorobei et moi ayant déjà travaillé sur de la licence à l’époque des cartes postales, je savais donc comment adapter des histoires à une charte et un univers. C’est de cette manière que le projet nous a été proposé, en plus, nous souhaitions travailler ensemble, c’était donc l’occasion.
Les amis de la BD : Lorsque vous travaillez sur les tomes de « Molang », comment vous divisez-vous le travail ?
Jean-Luc Deglin : Je réalise le scénario et le story-board. Le scénario, c’est l’occasion de faire le point, de déterminer ce que l’on souhaite réaliser, de savoir ce qu’il veut dessiner pour le prochain tome. Pour les quatre premiers, on a abordé les quatre saisons avec des histoires courtes. À partir du cinquième, nous avons raconté une longue histoire. Sur celui qui sort au mois de mai, le récit se déroule dans l’espace. Après s’être concertés sur ce qu’on le veut développer, j’écris le scénario et je réalise le story-board. Là, il s’agit d’une histoire originale et non d’une réadaptation. Ensuite, c’est Gorobei qui, à partir de mon story-board, fait la version au propre du dessin ainsi que les couleurs, en respectant la charte des personnages et en apportant aussi sa patte. Voilà la répartition des tâches. Camille Grenier est également très importante dans le processus de réalisation de l’album, elle se charge de toutes les relations avec les ayants droits de « Molang » qui nécessitent beaucoup de phases d’approbation.
Les amis de la BD : Vous êtes bien organisés et vous vous complétez bien. Actuellement, avez-vous d’autres projets ensemble ?
Jean-Luc Deglin : Oui, on a d’autres projets qui sont encore un peu top secret (rires). On a en effet, l’ambition de travailler plus ensemble, notamment pour le Journal Spirou. Mais c’est encore un peu tôt en parler.
Les amis de la BD : Oui bien sûr pas de soucis. Parlons un peu de « Crapule », d’où vous est venue cette idée ? Une expérience personnelle peut-être (rires) ?
Jean-Luc Deglin : C’est un chat personnel (rires).
Les amis de la BD : Je m’en doutais (rires).
Jean-Luc Deglin : Oui, c’est très inspiré de mon chat. Cette idée est née par mon envie de faire du strip, avec un chat. Je voulais faire un vrai chat, pas un que l’on entend penser ou qui parle comme par exemple « Garfield ». C’est ce qui me faisait le plus rire avec le mien. Il y avait de vrais défis derrière ce projet : je ne savais pas dessiner les chats, ni les personnages féminins.

©Dupuis – Crapule tome 2 – Jean-Luc Deglin
Les amis de la BD : Allez, on se complique un peu la tâche (rires).
Jean-Luc Deglin : C’est ça, on se donne de nouveaux défis, on essaie de s’améliorer en faisant.
Les amis de la BD : Les petites histoires que vous avez réalisées, ce sont des choses que vous avez vécues directement ?
Jean-Luc Deglin : Certaines histoires partent en effet, de situations réelles. Il y a vraiment des situations très drôles avec les chats, elles sont souvent très absurdes. Il n’y a pas de début, pas de fin, juste un moment rigolo. Mon objectif derrière ces histoires était de raconter des petits instants comme ceux-là, parfois des moments très courts, parfois des moments qui durent une après-midi. L’idée, c’est de jouer avec la temporalité et avec ces instants où il ne se passe rien, de parvenir à raconter du vide, du rien et à faire en sorte que ce soit intéressant. C’est ça le défi.
Les amis de la BD : Je sais que vous avez des projets avec Gorobei mais avez-vous d’autres projets personnels ?
Jean-Luc Deglin : J’ai des envies qui ne sont pas encore des projets. Il y a « Crapule 3 » qui est prévu pour l’an prochain. Mais j’ai aussi de nouveaux défis en tête.
Les amis de la BD : Quels sont vos défis alors ? Changer de genre par exemple ?
Jean-Luc Deglin : Oui, ce serait des genres différents. Ce qui est délicat, c’est que j’adore travailler pour la jeunesse qui, selon moi, est le meilleur public pour la BD. C’est comme une mission que je me donne parce qu’enfant, la bande dessinée était importante à mes yeux. Je me dis qu’il y a peut-être encore des jeunes pour qui c’est le cas, encore aujourd’hui.
Les amis de la BD : Surtout que la BD reste un univers très familial aussi.
Jean-Luc Deglin : Oui, en plus, j’aime bien l’idée que cela puisse être une petite fenêtre pour permettre aux enfants de s’évader. Puis, lorsque je vais en dédicaces, c’est un véritable plaisir de voir les gamins qui vous regardent avec des yeux émerveillés par un dessin (rires).
Les amis de la BD : Ça se comprend, ce qui veut dire que votre objectif serait d’avoir un public un peu plus âgé ?
Jean-Luc Deglin : Soit un projet tout public, soit un projet adulte.
Les amis de la BD : Merci beaucoup d’avoir accepté cet échange, pour finir un petit mot pour les amis de la BD.
Jean-Luc Deglin : Continuez d’être passionnés par la BD, ça évolue tout le temps. Gardez l’esprit ouvert sur les nouvelles générations d’auteurs et d’autrices qui arrivent. C’est ce qui nous motive nous les auteurs, de voir que cela se renouvelle, que les nouvelles générations nous poussent avec leurs talents, à nous surpasser, à rester pertinent. Restez curieux, restez lecteur de tout ce qui se fait et de tout ce qui émerge.
Propos recueillis par : Manonn’ des sources