Intégrale tome 2 de 421
Si la suite des aventures de James Bond s’est longuement fait attendre, il en est de même pour celles de son valeureux homologue Jimmy Plant, alias 421, dont la 2ème intégrale vient de paraitre ! Nous avions en effet laissé le sympathique espion à la fin de l’intégrale 1 après trois classiques histoires mi humoristiques, mi policières, accompagné de personnages affublés du fameux « gros nez » emblématique des éditions Dupuis.
Dans ce deuxième tome regroupant quatre aventures publiées dans Spirou entre 1984 et 1987, la série va prendre un nouvel essor, dans le fond et dans la forme, pour s’adapter à son époque et se moderniser. Les scénarios de Desberg vont effectivement, tout en gardant une touche de légèreté, traiter de sujets plus graves et moins insouciants que dans les premiers épisodes.
Ainsi, « Suicides » aborde les questions de la traite d’êtres humains, de la dépendance à l’héroïne, et, comme le titre l’indique, du suicide assisté de milliardaires. « Dans l’Empire du Milieu » s’intéresse à une géopolitique simple mais réaliste, à travers l’éveil de la Chine au monde, et les rapports de force entre les différentes puissances. Le diptyque « Scotch Malaria » et « Les enfants de la porte » sont quant à eux des albums à part, validant le passage de la série d’humoristique à quasi sérieuse. Dans cette bizarre aventure en deux tomes, il est question de mercenaires africains, d’entrainements terroristes ainsi que de politique pure, Margareth Thatcher étant citée à plusieurs reprises, sur un mode ironique. Et surtout, l’histoire propose une uchronie qui tranche réellement avec le ton de la série, et lui apporte un caractère à la fois étonnant, étrange, et totalement différent de celui des débuts.
Les thèmes évoqués deviennent ainsi plus matures, moins enfantins, et préfigurent le style qu’adoptera Desberg dans la décennie suivante. Le dessin de Maltaite montre aussi une certaine évolution correspondant à celle des textes. Tout en restant fidèle à celui de l’école de Marcinelle, le trait murit, devient plus précis et un peu moins fantaisiste. Ce changement progressif se voit notamment à travers la transformation du personnage principal. A mesure que les scénarios deviennent un peu plus sombres, 421 gagne en épaisseur, en expression, et, en comparaison de la caricature qu’il était dans la première intégrale, il est ici représenté en un homme plus grave, plus musclé, au nez plus fin, et à la chevelure moins brouillonne. Un peu comme un grand ado qui serait devenu un adulte responsable. Les compagnes de papier de Jimmy Plant montrent aussi le passage de la série à un public plus averti ; il n’est pas rare d’y voir de belles créatures attrayantes et (un peu) dénudées, et il est plus que suggéré que ces femmes ont des relations dépassant largement le cadre de l’amitié ou du professionnalisme avec notre espion britannique.
Comme toujours dans les intégrales Dupuis, un dossier complet, ultra sérieux et documenté accompagne les bandes dessinées. Celui-ci, rédigé par Didier Pasamonik, s’il est peut-être un peu moins long que d’autres, n’en reste pas moins passionnant. Il apporte un éclairage indispensable sur les transformations importantes de la BD dans les années 80. Cette décennie où le paternalisme sympathique de maisons d’éditions familiales cède le pas au professionnalisme acéré et commercial des grands groupes qui les ont absorbés. Entre deux documents d’époque, le dossier raconte avec précision et fluidité l’impact de la cession des éditions Dupuis à Albert Frère sur les différentes séries du Journal de Spirou, et ici, principalement sur 421. Sans rien omettre, y compris les évènements négatifs, on nous explique notamment les relations pas toujours au beau fixe entre les auteurs et le rédacteur en chef d’alors, ou bien encore les difficultés d’adaptation de l’éditeur à une époque où les « petits miquets » des hebdomadaires sont remplacés par des séries pour public élargis, directement publiées en albums.
Cette intégrale est ainsi un excellent ouvrage qu’on peut aborder à différents niveaux de lecture : celui du nostalgique relisant les aventures d’un héros disparu, celui du passionné du 9ème art s’intéressant à une époque fondamentale de la BD, ou tout simplement, celui cherchant à passer un bon moment d’évasion en (re)découvrant les tribulations d’un personnage attachant.
Chronique écrite par Mathieu DEPIT
Informations sur l’album
- Scénario : Stephen Desberg
- Dessin : Eric Maltaite
- Couleurs : Eric Maltaite
- Éditeur : Dupuis « Patrimoine »
- Date de sortie : 1er octobre 2021
- Pagination : 240 en couleurs
- Format : 218 x 300