Huit heures à Berlin – T29 des Aventures de Blake et Mortimer

Dans l’Europe des années 60 perturbée par les crises internationales de la guerre froide, le fringant directeur du MI6, notre ami Francis Blake, ne chôme pas mais garde quoi qu’il arrive son flegme britannique. De son côté, le bouillant professeur Philip Mortimer, entre sa passion pour l’archéologie, son aura scientifique et sa propension à s’attirer des ennuis dans chacune de ses entreprises, a un emploi du temps bien chargé lui aussi. Dans Huit heures à Berlin, ce 29ème tome de leurs aventures, les deux vieux garçons les plus célèbres de la bande dessinée sont donc au boulot pour – encore une fois – sauver le monde libre d’une menace incroyable !

Couverture de Huit heures à Berlin
© Les Aventures de Blake et Mortimer – Antoine Aubin, José-Louis Bocquet et Jean-Luc Fromental – Blake et Mortimer

Berlin, en cette année 1963, est l’épicentre de la guerre froide. Le mur construit dans cette ville deux ans plus tôt symbolise la lutte entre l’Ouest et l’Est et les espions pullulent dans l’ancienne capitale. L’un d’eux, en tentant de franchir le fameux rideau de fer, perd la vie et arrive, dans un dernier souffle, à glisser le mot « Doppelgänger » (sosie, double en allemand) au chef des services de renseignements qui supervisait l’opération. La ville de Berlin est aussi dans les pensées du capitaine Blake qui, en représentant britannique, participe à la mystérieuse opération « Prince » devant se dérouler dans la cité. Enjeu diplomatique d’importance, cette mission crispe les alliés du bloc de l’Ouest, particulièrement le général américain Carver peu affable avec ses collègues… Apparemment loin de tout ceci, Mortimer est invité par son amie la russe Olga Mandelstam à participer aux fouilles archéologiques d’Arkaïm, dans l’Oural, où d’effrayantes découvertes viennent d’être faites… Les deux compères vont voir nouveau leurs chemins se croiser pour démêler les fils d’une intrigue dont l’enjeu est énorme…

Page 1 de Huit heures à Berlin
© Les Aventures de Blake et Mortimer – Antoine Aubin, José-Louis Bocquet et Jean-Luc Fromental – Blake et Mortimer

« Huit heures à Berlin », c’est Blake et Mortimer chez James Bond, mâtiné d’« Affaire Tournesol » ; une référence à l’album d’Hergé étant d’ailleurs faite en début d’album. C’est donc une intrigue de pur espionnage que les deux personnages-titre vont vivre en se confrontant à la grande Histoire. Le scénario de Bocquet et Fromental, divertissant et prenant, est digne des fameuses « séries noires » ou autres fictions des 60s ayant la guerre froide pour toile de fond. L’histoire, tout en étant bien menée et se suivant avec plaisir, a toutefois un petit côté « déjà vu » ou impersonnel qui fait qu’elle aurait aussi bien pu être adaptée à une autre série que Blake et Mortimer. Ainsi, si les principaux marqueurs de l’œuvre de Jacobs sont là, certains semblent avoir été greffés à l’album de façon parfois un peu artificielle comme s’il avait fallu, pour les auteurs, respecter un cahier des charges un peu encombrant. Si les textes et narratifs caractérisant la collection sont agréables, bien faits et non rébarbatifs, on y voit un par exemple l’utilisation du fameux souterrain, marronnier des aventures, arrivant de façon subite et un Olrik presque réduit à un rôle de figurant. Aussi, par son intrigue s’implantant quasi totalement dans le milieu feutré du renseignement, cette aventure délaisse un peu l’action pure, les fameuses courses poursuites ou bien encore l’aspect un peu volontairement daté et fait d’une douce naïveté propre à la série depuis qu’elle a été reprise. La preuve, cet opus met largement de côté les « By Jove », « Heavens », « Hell » et autres anglicismes si délicieusement ringards ! By Jove !

Page 2 de Huit heures à Berlin
© Les Aventures de Blake et Mortimer – Antoine Aubin, José-Louis Bocquet et Jean-Luc Fromental – Blake et Mortimer

Le dessin d’Aubin est, quant à lui, parfait. Dans un style ligne claire tout en utilisant quelques traits et hachures bienvenus, l’auteur arrive à dépeindre avec fluidité et talent ce climat grisâtre, inquiétant du Berlin dangereux et plein de pièges de la guerre froide. L’ensemble est ainsi tout à fait digne de la série et les admirateurs de Jacobs ne pourront qu’apprécier le travail de celui qui s’impose comme étant un successeur de choix. Les couleurs de Laurence Croix accompagnent efficacement ce dessin. Parfaitement adaptées, elles soulignent le joli trait d’Aubin en restant tout à fait dans le cadre et l’atmosphère de cette série d’époque.

Page 3 de Huit heures à Berlin
© Les Aventures de Blake et Mortimer – Antoine Aubin, José-Louis Bocquet et Jean-Luc Fromental – Blake et Mortimer

« Huit heures à Berlin » est une bande dessinée divertissante et qui, assurément, fait passer un agréable moment de lecture. S’il n’est pas tout à fait dans le moule et la veine de la série Blake et Mortimer que certains autres repreneurs ont su trouver, l’album n’est pas non plus indigne de cette collection de légende et pourra y trouver sa place. Le rendez vous automnal avec nos deux héros est donc sympathique sans être dans les crus les meilleurs.

Chronique écrite par Mathieu DEPIT

Informations sur l’album

  • Scénario : José-Louis Bocquet et Jean-Luc Fromental
  • Dessin : Antoine Aubin
  • Couleurs : Laurence Croix
  • Éditeur : Blake et Mortimer
  • Date de sortie : 25 novembre 2022
  • Pagination : 62 en couleurs

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