Haddock a dit…
On se souvient toujours des grands pionniers, les auteurs de bande dessinée ne font pas exception à cela. Sans forcément être des modèles, ils sont des références, des phares, des guides, volontaires ou non et marquent les générations successives de l’empreinte de leurs créations. Parmi ceux-ci, Hergé. Cette légende des légendes en créant Tintin est entré pour toujours dans la postérité. Mais à côté du petit reporter à la houppe, d’autres personnages resteront à jamais dans les mémoires, en commençant par Haddock. Le truculent capitaine est le sujet du nouvel essai de Pierre Bénard, Haddock a dit…, publié aux éditions 1000 sabords.

©1000 Sabords – Haddock a dit… – Pierre Bénard
Il ne faut pas être amateur des Aventures de Tintin pour connaître et apprécier le capitaine Haddock, dont la renommée n’est plus à faire. Fort en gueule et peu discret, le marin apporte à son camarade de papier une certaine saveur et un indéniable parfum. Mais connaît-on réellement Haddock ? A travers l’analyse de certaines de ses répliques, Bénard tente de mieux fouiller la personnalité du barbu.
Un personnage humain et attachant
Enfant puis adulte, on retient surtout du capitaine la liste de ses insultes, toutes plus imaginatives que les autres. Mais il serait réducteur de s’arrêter aux « iconoclastes », « boit sans soif » ou autres « tonnerre de Brest » pour percer le mystère (si tant est qu’il y en ait un) de Haddock. Bénard choisit de s’éloigner de ces poncifs pour prendre ça et là, des répliques du personnage afin d’en faire, non pas une biographie, mais une étude originale. On découvre ainsi des éléments que les lecteurs ayant grandi avec Tintin ont plus ou moins oubliés. En exhumant des phrase « choc », Bénard nous rappelle que, avant de devenir un châtelain aspirant (sans réussite) à une vie calme, Haddock était un homme au fond assez méchant lorsqu’il rencontre Tintin dans Le crabe aux pinces d’or. Il est alors complètement gouverné par l’alcool et sous le joug de bien mauvaises fréquentations. La rencontre avec le réservé Tintin va, évidemment, être déterminantes pour lui. Désormais, s’il garde certains aspects cruels, ils sont toujours rapidement rattrapés par des paroles plus apaisantes (Coke en stock est un bon exemple). Haddock, passant de l’ombre à la lumière, devient propriétaire de Moulinsart, et découvre surtout les vertus de l’amitié. Ainsi, il va trouver en Tintin (« quel gaillard, tout de même ! ») et Tournesol (« Tournesol ? C’est mon ami ! »), une famille qui lui permettra de ne pas retomber dans les travers de sa vie d’avant. Malgré quelques rechutes (« il faut que je passe ma rage sur quelque chose ! »), lorsqu’il quitte la scène de la BD à la mort d’Hergé, Haddock est un homme bon, humain, sympathique.

©1000 Sabords – Haddock a dit… – Pierre Bénard
Haddock a dit… Mais n’a-t-on pas déjà tout dit ?
Tant d’auteurs ont publié sur Tintin (et Haddock) qu’il est difficile de trouver une approche originale et nouvelle pour discourir sur la question, les éléments sur l’évolution du capitaine cités par Bénard ne font pas exception. Et pourtant, l’auteur de Haddock a dit… avance, dans quelques-unes de ses analyses, des arguments jamais, ou peu développés jusqu’alors. Il cite ainsi en Sirov, un personnage du Sceptre d’Ottokar, la genèse (au moins physique) de Haddock, qui entrera en scène à l’album suivant. Aussi, l’auteur souligne l’importance du capitaine Chester, pourtant peu présent, dans le destin de Haddock. N’est-ce en effet pas lui qui a prêté le Sirius à son collègue, pour aller cherche les traces de la Licorne ? Bénard multiplie ainsi les hypothèses et réflexions sur Haddock pour tenter de trouver de la matière nouvelle à un personnage souvent décortiqué. Il le fait sans s’appesantir sur les insultes ou trouvailles linguistiques, mais en allant plus loin dans la psychologie. Selon lui, Haddock est, entre autres, un défaitiste qui alterne avec des joies non mesurées ou bien encore un gaffeur sans le vouloir.

©1000 Sabords – Haddock a dit… – Pierre Bénard
Haddock a dit… est un ouvrage de plus sur le plus célèbre des capitaines de la BD. Cependant, tout en rappelant les évidences aux initiés ou à ceux qui ne suivent les héros d’Hergé que de loin, Pierre Bénard apporte certains nouveaux éléments à l’épopée haddockienne. Rédigé de belle manière, l’ouvrage peut parfois surprendre par ses analyses originales. Cependant, apporte-t-il suffisamment de fraîcheur et d’inédit pour se démarquer d’une énième étude sur les héros des aventures de Tintin ? Le lecteur en jugera, mais n’est-il pas toujours bon de revenir encore et toujours aux mythiques héros d’Hergé ?

©1000 Sabords – Haddock a dit… – Pierre Bénard
Une chronique écrite par : Mathieu Depit
Informations sur le livre :
- Auteur : Pierre Bénard
- Editeur : 1000 Sabords
- Date de sortie : Le 5 mars 2025
- Pagination : 197 pages