Fantaisie lyrique

claire

il y a 9 heures

Il est des œuvres musicales particulièrement évocatrices de souvenirs. Enfant, Dorothée de Monfreid, l’autrice de « Fantaisie lyrique », écoutait en boucle, sur les genoux de sa mère, L’enfant et les sortilèges. Elle rend ici un vibrant hommage à ce texte de Colette, mis en musique par Maurice Ravel et entraîne le lecteur dans un voyage passionnant au cœur de l’Opéra de Paris.

1913 : Jacques Rouché, tout juste nommé directeur de l’Opéra de Paris, propose à Colette d’écrire un livret autour du divertissement, de la magie et des animaux. Colette crée alors Divertissement pour ma petite fille et demande à Maurice Ravel d’en composer la musique, ce qu’il ne fera qu’en 1924, la Première Guerre mondiale étant passée par là. Divertissement pour ma petite fille deviendra alors L’enfant et les sortilèges.

2023 : Dorothée de Monfreid, découvrant que va s’y jouer L’enfant et les sortilèges, se rend à l’Opéra Garnier pour proposer son projet de bande dessinée. Elle suit alors chaque étape de la création du spectacle.

Une plongée historique

Dorothée de Monfreid a fait de nombreuses recherches pour s’approprier la genèse de la création de L’enfant et les sortilèges. Elle s’est notamment basée sur la correspondance de Ravel, très complète, et sur celle de Colette, beaucoup plus aléatoire car cette dernière ne datait pas ses lettres. L’autrice dresse un portrait rocambolesque de cette collaboration improbable et plonge le lecteur dans le bouillonnement artistique de l’entre-deux-guerres.

L’enfant et les sortilèges est une œuvre singulière et avant-gardiste. Elle fait voyager le spectateur dans le monde intérieur et féérique d’un enfant, peuplé d’animaux, d’objets et de créatures magiques et loufoques. Il est notable que ce sont aussi des thèmes chers à Dorothée de Monfreid dans ses albums jeunesse précédents.

En parallèle de ce voyage historique, l’autrice entraîne le lecteur dans les coulisses de l’Opéra Bastille et de l’Opéra Garnier de nos jours.

Un environnement foisonnant et virevoltant

Avec un trait fin et un dessin en noir et blanc parsemé de couleurs, l’autrice dresse, avec simplicité, un portrait de l’institution qu’est l’Opéra de Paris : une machine bien huilée mais dont le fonctionnement reste mystérieux pour une grande majorité d’entre nous. Dorothée de Monfreid lève le voile sur les dessous de la préparation d’un spectacle, qui commence plusieurs mois avant la représentation. C’est à la fois un monde invisible avec de nombreuses personnes qui agissent dans l’ombre et un univers terriblement vivant et fascinant. L’autrice se délecte de tous les secrets et anecdotes qu’elle découvre autour des ateliers de costumes et de décors, des salles de répétition, de la fosse d’orchestre, des plateaux et des cintres… L’art lyrique apparaît alors comme le parfait mélange de l’exigence et de la fantaisie.

La cohabitation de deux époques, à plus d’un siècle d’écart, donne un rythme et une dynamique à l’album. Les touches de couleurs fluo sont savamment distillées et renforcent l’impression de vie et de mouvements. Les bulles virevoltent et permettent au lecteur de s’immerger dans un univers d’une grande musicalité.

Avec « Fantaisie lyrique », Dorothée de Monfreid réussit le plus beau des paris pour un reportage dessiné : donner envie au lecteur d’assister à une représentation de L’enfant et les sortilèges à l’Opéra de Paris.