Entre deux gares

A travers une biographie originale, qui nous mène le long de l’ancienne voie ferrée Saumur-Poitiers, Sébastien Samson raconte avec Entre deux gares le passé d’une France rurale pré-désindustrialisation, entre reportage nostalgique et poésie tendre pour une enfance disparue.

Couverture de l'album Entre deux gares — © Entre deux gares – Sébastien Samson – La Boîte à Bulles

De New York à Loudun

Sébastien, le double de l’auteur, est en déplacement professionnel à Manhattan. Auteur de bande dessinée, il a accepté une invitation tous frais payés à New York, en échange de quelques dessins pour la promo de son album. Ne se sentant pas à sa place dans cette tournée organisée par son éditeur américain, dont il peine à trouver la justification financière, son esprit s’égare dans le train l’amenant à son hôtel. Par la fenêtre, il voit marcher un enfant le long des voies, un enfant qu’il identifie et qui le fait bondir de son siège.

Page 16 de l'album Entre deux gares — © Entre deux gares – Sébastien Samson – La Boîte à Bulles

Ce petit garçon, c’est lui-même, âgé de neuf ans… les rails, l’auteur les connaît bien… il a longtemps déambulé le long des voies de chemin de fer, puisque sa mère était garde-barrière sur la ligne Saumur-Poitiers. Nous allons donc suivre l’auteur et son double de neuf ans, redécouvrant son passé à travers une ligne ferroviaire qui n’existe plus.

Page 17 de l'album Entre deux gares — © Entre deux gares – Sébastien Samson – La Boîte à Bulles

Regard tendre sur un passé rural

Cet album est une autobiographie racontée de façon originale, puisqu’à travers son histoire, l’auteur se rappelle un passé disparu, celle d’une France des années 70, celle d’une ligne de trains qui a fermé, d’une entreprise qui a été démantelée, celle enfin d’un métier qui a disparu.

Page 24 de l'album Entre deux gares — © Entre deux gares – Sébastien Samson – La Boîte à Bulles

Votre serviteur étant lui-même cheminot, c’est avec un certain plaisir qu’on redécouvre le passé de la SNCF et d’un autre monde ferroviaire. Mais nul besoin d’être passionné de train pour apprécier cet album, le ferroviaire est ici plutôt un fil rouge pour dérouler le passé, qu’une histoire lénifiante sur la SNCF d’autrefois.

Page 26 de l'album Entre deux gares — © Entre deux gares – Sébastien Samson – La Boîte à Bulles

Entre reportage nostalgique et didactique, on sent en lisant entre les lignes que l’hommage poétique est plutôt pour une enfance disparue, que pour une époque, dont les contraintes ne sont pas cachées, garde-barrière était un métier physiquement pénible, dangereux, mal-payé, qui n’a plus de raison d’exister aujourd’hui.

Page 32 de l'album Entre deux gares — © Entre deux gares – Sébastien Samson – La Boîte à Bulles

Un hommage à son passé

L’auteur effectue des allers-retours incessants entre son passé et son présent, pour constater que loin des clichés du monde rural, il a eu la chance de vivre une vie de privilégié, éloigné de l’abandon actuel que vivent les campagnes. Cela permet de constater le grand écart qu’a choisi l’auteur, entre sa vie d’adulte actuelle et celle de ses parents qui est presque un autre monde.

Page 60 par Sébastien Samson — © Entre deux gares – Sébastien Samson – La Boîte à Bulles

La grisaille du monde contemporain

Sébastien Samson fait un choix graphique osé, en mettant sa vie d’enfant en couleurs et sa vie d’adulte en gris-bleu, pour mieux souligner un passé qui est révolu, fait de maisons à l’abandon et de centre-villes désertifiés. Car c’est aussi un récit sur une France qui a subi l’exode de ses habitants vers les grandes villes, la désindustrialisation et le déclin économique. Le style réaliste utilisé, tout en s’autorisant par moment quelques performances graphiques originales, notamment ce moment où le train rentre dans un magnifique trou de couleurs dans le ciel, est particulièrement efficace pour introduire un peu de poésie sans dénaturer le propos.