Enigma le T1 de Champignac

Qui, en lisant régulièrement les aventures de Spirou et Fantasio, ne s’est pas parfois demandé si le comte de Champignac a toujours été cet être fantasque et isolé dans sa tour d’ivoire ? Combien de fois ses inventions n’ont-elles pas eu de dangereuses répercussions avec des explosions à tout-va ? Dans Enigma, cet imposant album d’Etien et BéKa paru en 2019 aux éditions Dupuis, Pacôme, représenté plus jeune, est déjà féru de champignons, mais prend sa place au cœur de l’histoire avec un grand H avec panache !

Couverture de l'album Enigma — © Champignac T1 – BéKa et David Etien – Dupuis

Si la vie de jeune adulte du comte de Champignac n’avait jamais été clairement évoquée jusqu’alors, l’album de David Etien au dessin et du duo de scénaristes BéKa paru en 2019 s’y attèle enfin, et lui redonne du galon. Le thème ne passe pas inaperçu. Qui dit « Enigma » dit quand-même seconde guerre mondiale et machine à crypter des messages ultra sophistiquée, ayant fait l’objet de nombreux films et récits d’action.

Dans cet album de taille, on retrouve cet illustre personnage de la bande dessinée qui, sur invitation cryptée de son ami Black, accepte sans plus attendre de se rendre à Bletchley Park, où on lui demande de mettre à profit toute son ingéniosité. Le voilà amené à côtoyer non seulement le fameux Alan Turing, dont la réputation n’est plus à faire, mais aussi une jeune femme brillante du nom de Miss Mac Kenzie, et qui pourrait être plus qu’une bonne rencontre pour le doux Pacôme.

Page 5 de l'album Enigma — © Champignac T1 – BéKa et David Etien – Dupuis

Le pari était-il de donner de l’ampleur et de la dignité au comte de Champignac, qui on peut le dire est habituellement un peu dans le gaz mais très attachant ? Alors, c’est tout à fait réussi. Le ton est donné rien que par le format de l’ouvrage et une couverture sobre mais efficace. Le style tout au long du déroulement de l’action l’est tout autant. Bonne humeur générale, ton plus sérieux aux moments opportuns, bonne alternance entre calme et dynamisme, plans très variés sans pour autant générer du stress, voilà ce qu’il en ressort globalement.

Page 6 de l'album Enigma — © Champignac T1 – BéKa et David Etien – Dupuis

Cependant, les auteurs nous livrent surtout une explication toute pédagogique du système des messages cryptés pendant la seconde guerre mondiale, n’hésitant pas à réaliser des plans rapprochés sur la machine Enigma et des schémas sur tableau noir comme si on était à l’école ! Même les dialogues entre Pacôme, Miss Mac Kenzie et Alan Turing ont un petit quelque chose de scolaire, mais qui reste fascinant si on n’est pas déjà expert en matière de cryptanalyse.

Page 7 de l'album Enigma — © Champignac T1 – BéKa et David Etien – Dupuis

Equilibré en tous points, cet album vaut la peine d’être apprécié pour tout ce qu’il apporte, entre la qualité du dessin et un bel éclairage sur la machine Enigma et le travail des décrypteurs à Bletchley Park. On comprend sans peine pourquoi la rapidité en matière de décryptage est un atout sérieux pour espérer gagner une bataille, si ce n’est la guerre. Point important aussi : la mise en valeur du personnage d’ordinaire un brin déjanté du comte de Champignac qui se montre à la fois doux rêveur et acteur dans l’Histoire, sans jamais complètement oublier son amour des champignons.

Page 8 de l'album Enigma — © Champignac T1 – BéKa et David Etien – Dupuis

Pour autant, la dimension pédagogique du récit et des dialogues un peu trop posés n’en font pas un gros coup de cœur. On ne peut que se demander si un petit Zorglub n’aurait pas pu donner plus de piquant à l’action, mais évidemment, on ne peut pas tout avoir… On a quand même bien hâte de découvrir le tome II. La fin nous suggère d’ailleurs que les ennuis ne sont pas terminés, et l’Histoire encore en marche.