Chroniques du Grand domaine

Emménager dans un immeuble ancien, c’est plonger dans son histoire. Lili Sohn (La guerre des tétons, Partir) rencontre ses nouveaux voisins, et le cadre de son nouveau logis, à Marseille, lui donne envie de connaître les origines de celui-ci. De bouche à oreille, de souvenir en anecdote, Lili part à la rencontre de ceux qui peuplent Le Grand Domaine et pour qui ce lieu tient une place particulière dans leur vie.

Le Grand domaine, immeuble de Marseille, recèle bien des mystères, que Lili Sohn tentera d’élucider, au travers de l’Histoire, mais surtout de rencontres. D’abord, comment elle y est arrivée, la vie avec les voisins et les impressions qui se dégagent de ce bâtiment pas comme les autres. Par curiosité, et pour en écrire un livre, Lili se lance dans des recherches sur l’immeuble. Elle s’interroge sur l’évolution de ce dernier, ses fonctions au cours des siècles ou encore l’évolution de la ville. À travers les rencontres avec les différents acteurs, des voisins de palier au personnel des archives, en passant par la visite des lieux emblématiques de Marseille, cette bande dessinée rassemble beaucoup de données qui démontrent à quel point les voyages dans le passé peuvent être étonnants et entraînants.

Une investigation pas à pas

Dès que le livre est ouvert, on remarque immédiatement l’absence de cases et la disposition atypique des textes. D’une page à l’autre, les compositions changent, permettant d’adapter astucieusement la narration au sujet traité. De temps à autre, les textes laissent place à une carte qui semble rapidement esquissée, dont la compréhension est plus simple qu’un long discours, ou un collage qui rappelle ceux utilisés par Philippe Geluck dans certains de ses gags. Il y a beaucoup de portraits des habitants du Grand Domaine, où ceux-ci racontent leur histoire ou des anecdotes à propos de leur lieu de vie. Les étapes suivies par l’autrice lors de ses investigations sur le terrain rendent la lecture logique.

Entre dessin rapide et croquis explicatif

Si certains dessins paraissent enfantins sur le coin d’une page, d’autres représentent des plans, des croquis de personnages historiques ou le portrait de protagonistes ayant conversé avec l’autrice lors de ses recherches. Le but est de soutenir un texte au style atypique et de faciliter efficacement la lecture de celui-ci. Les quelques couleurs utilisées sont principalement destinées à mettre en valeur une partie de phrase, ou valoriser les légendes des plans, les rendant plus agréables à déchiffrer. Le tout ressemble à un carnet de notes, sur un arrière-plan de feuille à carreaux, jusqu’aux couleurs en aplats à l’aquarelle qui laissent apparaître la trace du crayonné.

Aller au-devant des autres

Le point primordial que met en avant cet album est l’importance de discuter avec les autres lors de recherches quelconques. Au fil des pages, le lecteur rencontre toutes sortes de personnages divers, ayant tous un rôle à jouer dans l’enquête de Lili. En effet, le lecteur apprend par ces acteurs aux différents profils sociaux, une grande partie de ce qui s’est passé au sein de l’immeuble. Que ce soient les immigrés arméniens qui cherchent un refuge, les artistes en tous genres qui cherchent un endroit où monter un atelier ou un groupe, ou encore ceux qui ont participé aux manifestations de Mai 68, chacun aura mis sa pierre à l’édifice, pour faire de cet immeuble ce qu’il est aujourd’hui.

Ce livre est surtout passionnant pour celles et ceux qui aiment l’Histoire, la transmission des mémoires, ou encore Marseille. Pour continuer l’aventure au cœur de cet univers, Lili Sohn créé en parallèle une série de Podcast, disponible sur plusieurs plateformes.