Nouvel univers et nouveau one-shot pour l’éditeur Drakoo avec l’adaptation par Aurélie Wellenstein de son propre roman jeunesse éponyme publié en 2015, Chevaux de foudre, la bande dessinée, est une œuvre qui nous transporte dans une Rome antique fantastique. Sous les crayons de l’illustratrice Béatrice Penco Sechi, on y découvre notamment ses jeux du cirque, au travers une course de chevaux magiques événementielle qui bouleversera à jamais le destin d’une jeune fille et d’un de ces chevaux mythiques.

Couverture de l'album Chevaux de foudre
© Chevaux de foudre – Béatrice Penco Sechi et Aurélie Wellenstein – Drakoo

La vie de la jeune Thalie a basculé en quelques secondes. Alors qu’elle transportait des vivres dans les terres sauvages, un troupeau de fulgurs, les chevaux de foudre, fait irruption, pourchassé par des légionnaires. Le chef de la horde sauvage et la jeune fille seront faits prisonniers, le premier pour être dressé, la seconde car elle semble pouvoir calmer les fulgurs par la parole. C’est une nouvelle existence qui va commencer au cœur de la grande Rome pour Thalie et le destrier Ira. La jeune fille y découvrira le quotidien des esclaves dans les écuries de dressage dont les codes sont établis depuis des siècles. Thalie va tenter de bousculer ces traditions barbares.

Page 3 de l'album Chevaux de foudre
© Chevaux de foudre – Béatrice Penco Sechi et Aurélie Wellenstein – Drakoo

LA FILLE QUI MURMURAIT À L’OREILLE DES CHEVAUX

Pour sa quatrième incursion dans le neuvième art, après La Baleine blanche des mers mortes (préquelle de son roman Mers mortes) et les créations Equinox et La Venise des loups, la romancière Aurélie Wellenstein revient en terrain connu avec l’adaptation de ce roman aux thèmes qui lui sont chers. Antispéciste convaincue et passionnée d’équitation, l’autrice met la relation entre Thalie et Ira au centre de son récit. Jamais moralisatrice, c’est par l’action et le conflit entre les personnages humains qu’elle va dérouler son propos : l’amour de Thalie pour les chevaux et son empathie pour eux, ainsi qu’un caractère bien trempé, amèneront la jeune fille à vouloir bousculer les codes du dressage, rompant avec la torture que subissent les sauvages « fulgurs ». Ce mot latin signifie « faire des éclairs, éclairer ». Si le premier sens est évident dans les cases de Chevaux de Foudre, le second prend rapidement tout son sens. Tel un phare dans la nuit, Ira sera un guide pour Thalie pour mettre en lumière sa personnalité, l’affirmer jusqu’à permettre enfin à la jeune fille de s’imposer. La réciproque est aussi vraie : Thalie représente l’espoir pour Ira, la seule lumière dans sa nouvelle vie (« La petite apparaît comme flamme dans l’obscurité. Je m’accroche à son esprit »). 

Page 4 de l'album Chevaux de foudre
© Chevaux de foudre – Béatrice Penco Sechi et Aurélie Wellenstein – Drakoo

Bien que tout semble aller très vite sans beaucoup de contretemps, Aurélie Wellenstein parvient à contourner les contraintes de la faible pagination d’un one-shot avec des personnages parfaitement construits. Elle n’évite certes pas les caricaturaux « gros bourrins » militaires et dresseurs mais, en recentrant son récit sur le duo Thalie-Ira (auquel s’ajoute Marcus, le beau cavalier vedette), elle parvient à rendre ses protagonistes touchants. Thalie apparaît dès la première planche comme un personnage fort et indépendant qui ne se laissera jamais abattre, même si elle n’est pas immunisée au doute, à la peur et à la culpabilité quant à la capture du fulgur. L’indomptable Ira n’est pas une simple monture ou un enjeu narratif. Aurélie Wellenstein nous plonge régulièrement dans ses pensées et le récit prend ainsi son point de vue, notamment dans les scènes clés : l’arrivée à Rome, la douleur du dressage, les instants de complicité avec Thalie, mais aussi bien sûr la course du Déluge, le grand moment épique qui vient conclure le récit.

Page 5 de l'album Chevaux de foudre
© Chevaux de foudre – Béatrice Penco Sechi et Aurélie Wellenstein – Drakoo

UNE FLAMME DANS L’OBSCURITE

Pour donner vie à l’univers de « Chevaux de foudre », Drakoo fait de nouveau appel à Beatrice Penco Sechi après le magnifique Les Damnés du Grand large. L’Italienne est un choix logique pour mettre en image une relation magique entre une jeune fille et un cheval, puisqu’elle est également cavalière professionnelle et possède son propre haras. Sa passion pour les chevaux saute aux yeux à chaque fois qu’un fulgur est présent à l’image, que ce soit dans la majesté d’une posture immobile ou dans l’énergie des mouvements, notamment dans les huit planches complètement dingues de la course du Déluge, visuellement époustouflantes, à la fois fantastiques et réalistes. Du côté des personnages humains, c’est un réel plaisir de retrouver le trait si particulier de la dessinatrice. Avec ses grands yeux turquoises et sa longue chevelure de feu, la jeune Thalie brille à chacune de ses apparitions et l’illustratrice trouve toujours l’expression et la gestuelle justes pour exprimer les sentiments et émotions de sa protagoniste. Si les autres personnages humains semblent en dessous visuellement (et narrativement), force est de constater que cette différence de traitement est au service du récit, justifiant implicitement que le charisme de Thalie lui permet plus facilement d’être écoutée, respectée.

Page 6 de l'album Chevaux de foudre
© Chevaux de foudre – Béatrice Penco Sechi et Aurélie Wellenstein – Drakoo

Les décors alternent entre paysages d’exposition, naturels ou urbains, riches et immersifs, et fonds très sobres focalisant le regard du lecteur sur l’action ou l’émotion. Si entre ces deux extrêmes, certains décors peuvent paraître assez pauvres (notamment dans l’intro ou la promenade de Thalie et Ira), parcourir les planches n’en reste pas moins très plaisant et chaque information est tout de suite compréhensible. Si les couleurs sont parfois un peu fades ou avec des dégradés peu travaillés, elles n’en font que plus ressortir le charisme de Thalie (aux couleurs vives) et la puissance d’Ira (l’élément sombre au milieu de couleurs globalement claires). Ce contraste entre la chevelure orange de Thalie et le pelage noir d’Ira fait de nouveau écho à la remarque du fulgur (« une flamme dans l’obscurité »). L’Italienne n’hésite pas non plus à faire éclater certaines cases de couleurs très vives afin de coller aux émotions fortes ressenties par ses personnages (violence du dressage, grand bonheur de la promenade…)

Page 7 par Béatrice Penco Sechi et Aurélie Wellenstein
© Chevaux de foudre – Béatrice Penco Sechi et Aurélie Wellenstein – Drakoo

Quand deux autrices féministes passionnées par les chevaux se rencontrent autour d’une œuvre commune, nul doute qu’elles y mettront tout leur amour et leur conviction. Mais cela peut-il suffire à intéresser profondément les lecteurs et lectrices ? Pour ce qui est de Chevaux de Foudre, le pari est largement réussi, notamment par son duo de protagonistes largement mis en valeur à la fois par la narration et le dessin. Que ce soit individuellement ou dans leurs interactions, Thalie et Ira illuminent les 54 planches de ce one-shot passionnant et passionné qui, comme souvent chez Drakoo, donne un sérieux goût de « reviens-y ».

Chronique écrite par Cédric SICARD

Informations sur l’album

  • Scénario : Aurélie Wellenstein
  • Dessin : Béatrice Penco Sechi
  • Couleurs : Béatrice Penco Sechi
  • Éditeur : Drakoo
  • Date de sortie : 2 mai 2024
  • Pagination : 64 en couleurs

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