Le quotidien d’Eva doit être absolument sous contrôle. Qu’un grain de sable vienne gripper la mécanique d’une vie bien huilée et c’est la catastrophe, elle sombre. Avec Ça ira, Anja Wicki explore les dessous d’une maladie psychique dont elle dissimule habilement le nom.

Couverture de l'album Ça ira
© Ça ira – Anja Wicki – Editions Antipodes

Lorsque la jeune Eva lave ses mains dans l’eau d’une rivière, elle remonte les manches de ses vêtements pour ne pas les mouiller. C’est logique et basique. Mais, lorsqu’elle décide de remettre de l’ordre dans ses habits, il est impensable que le tissu des bras de son sous-pull dépasse d’un seul millimètre celui de son pull, sinon c’est un stress assuré ! Adulte, cela ne s’arrange pas, Eva érige l’ordonnancement en valeur absolue et rigoriste : les couverts autour d’une assiette doivent être parfaitement alignés, l’heure du repas doit être calée à 19h pile, il ne débute pas une seule minute avant, ni une autre après, et les nuits avec son petit ami peuvent tourner court lorsque la jeune femme est dérangée par la légère respiration que celui-ci émet en dormant.

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© Ça ira – Anja Wicki – Editions Antipodes

Pour chasser ses troubles qui altèrent fortement sa vie sociale et professionnelle, Eva suit les recommandations de différents spécialistes qui lui conseillent tour à tour le sport, un séjour dans un centre bouddhiste ou encore de suivre un programme strict dans l’organisation de sa vie. Rien ne fonctionne. Un jour débarque Gaby, un type au caractère diamétralement opposé à celui de la jeune femme. Parviendra-t-il à la guider sur le chemin d’une certaine stabilité en le pavant d’une bonne dose d’inconstance ?

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© Ça ira – Anja Wicki – Editions Antipodes

Une maladie sans nom

L’illustratrice suisse Anja Wicki reste bien mystérieuse quant à la maladie psychique dont souffre Eva. À aucun moment du récit, elle n’indique une piste qui puisse permettre au lecteur ou à la lectrice d’identifier les causes du trouble d’Eva. C’est une sorte de tour de force, puisque chacun pourra identifier une pathologie en fonction de ses convictions, de ses expériences de vie personnelles ou, pourquoi pas, de ses compétences professionnelles.

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© Ça ira – Anja Wicki – Editions Antipodes

Ainsi, entre conseils, souvent inadaptés, et crises incontrôlées, on chemine en compagnie de l’héroïne du récit sur le douloureux parcours de l’errance médicale. L’histoire est touchante et invite tout un chacun à soutenir la jeune femme lorsqu’elle est confrontée à une situation difficile qui l’incite à se recroqueviller sur le sol en plein milieu de la circulation.

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© Ça ira – Anja Wicki – Editions Antipodes

De l’ordre

Le dessin d’Anja Wicki est plutôt rigide, tout en raideur, à l’image des traits de caractère de son héroïne, Eva. En ce sens, les illustrations et le scénario livrent un dialogue impeccable et cohérent. Toutefois, cette rigidité apparente n’escamote aucunement les émotions, parfois très violentes, d’Eva. Sur son visage, on y décrypte sa gêne et son désespoir de devoir mentir afin d’éviter une sortie avec des amis, ses bouderies lorsque des bols ne sont pas empilés correctement par son amoureux, ou encore sa nervosité qui précède une crise. On assiste  à un véritable bouillonnement de l’esprit avec parfois quelques trop rares espaces de quiétude qui laissent entrevoir une lueur d’optimisme. Finalement, c’est la douceur des couleurs pastel qui agrémente d’une petite touche de rondeur l’histoire, abaissant ainsi de plusieurs crans les tensions inhérentes aux troubles psychologiques de la jeune femme.

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© Ça ira – Anja Wicki – Editions Antipodes

Ça ira est une très belle leçon de vie qui convie à la tolérance et à la compréhension des personnes qui souffrent de maladies ou de handicaps mal connus, surtout lorsque ceux-ci sont invisibles à l’œil nu. À l’image de l’héroïne qui s’étonne du désordre et de l’utilisation inappropriée de certains mots dans une conversation, on peut être un brin dérouté par le choix du titre de la version française de l’album alors que celui de la version originale en allemand In ordnung (en ordre) traduit davantage les émotions d’Eva.

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© Ça ira – Anja Wicki – Editions Antipodes

Chronique écrite par Bruce RENNES

Informations sur l’album

  • Scénario : Anja Wicki
  • Dessin : Anja Wicki
  • Couleurs : Anja Wicki
  • Éditeur : Éditions Antipodes
  • Date de sortie : 17 avril 2024
  • Pagination : 208 en couleurs

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