Brume T.3 : La source des secrets

Avec ce troisième tome, Jérôme Pélissier et Carine Hinder concluent le premier arc de leur série Brume.Aventure magique, quête de soi, mystères et mythes au cœur d’une luxuriante forêt bretonne, la saga de Glénat va-t-elle enfin répondre aux questionnements de son « attachiante » héroïne qui doit faire face à de nouveaux dangers et de nouvelles rencontres ?

Un nouveau jour se lève. Dans son village, la petite Brume s’éveille, prête à continuer à mener l’enquête sur Naïa, la puissante sorcière locale disparue il y a des années, et sur le mystère autour de sa propre naissance. Malgré l’aide de son petit cochon Hubert et de son meilleur ami Hugo, et malgré les dangers déjà affrontés, la fillette est dans l’impasse. Par chance, la maman d’Hugo va révéler aux enfants l’emplacement de la source dessinée sur une page d’un livre, principal indice dans leur quête, et les mettre sur une piste enfin concrète. C’est parti pour une nouvelle aventure !

Ma sorcière bien aimée

Le premier tome de Brume avait été une agréable surprise à son arrivée en 2023, notamment grâce à ses personnages attachants, à commencer par la petite héroïne. Extravagante, extravertie, extraordinaire, Brume est une protagoniste presque anachronique, avec ses cheveux roses et sa témérité, dans l’univers de sa série. Presque, parce que le monde de Brume semble hors du temps : les habits et accessoires des personnages sont relativement modernes mais tout le contexte pourrait se situer à la fin XIXe siècle. C’est d’ailleurs à cette époque que vivait la réelle Naïa, à Rochefort-en-Terre, le village breton où vivent et travaillent Carine Hinder et Jérôme Pélissier.

Le village et sa sorcière ont servi de source d’inspiration principale pour Brume. Cela se ressent également dans le folklore de la série : on y croise des fées, on y explore des forêts profondes à la recherche d’une fontaine mythique de Brocéliande, on y entend des formules magiques en langue bretonne et on doit affronter un ennemi issu des contes locaux. Cette menace, encore plus dangereuse et effrayante que celles des tomes précédents, est une jolie trouvaille qui colle parfaitement à l’univers de Brume et qui amène une indéniable tension au récit, ainsi qu’une conclusion judicieuse et délicieuse, intelligente et touchante.

Aux côtés de l’exceptionnelle Brume, on retrouve avec plaisir Hubert, le petit cochon noir, narrateur de l’histoire et seul personnage à avoir les pieds sur terre, ou plutôt les pattes (et il en a quatre en plus) Toujours aussi mignon, il n’en reste pas moins une source de gags par son aspect blasé face aux persécutions de sa tornade de maîtresse ! Le deuxième « Hu » de Brume, c’est Hugo, son meilleur ami, son co-enquêteur bien malgré lui, et surtout son porteur de chaudron. Naïf, courageux mais pas téméraire, son apparence d’intello fragile, avec ses grandes lunettes rondes et ses yeux généralement limités à des ronds noirs, tranche tout autant avec celle de son amie (cheveux roses, déguisement de sorcière permanent, grand yeux hyper expressifs…) que leurs caractères opposés, formant un duo classique mais ô combien efficace.

« Un conseil, accroche-toi à ton slip ! »

Au cours de cette troisième aventures, Brume et ses « Hu-Hu » vont également croiser toute une galerie de personnages et créatures hauts en couleur, avec comme thème récurrent le contraste entre l’apparence et le caractère. Ainsi, un monstre sera un précieux allié alors que les adorables fées sont de redoutables incendiaires de sorcières. Ces fillettes ailées, et notamment l’incroyable Germaine, sont un des nombreux éléments comiques forts de ce tome, comme l’improbable fantôme Croquette l’a été dans le deuxième épisode. L’humour, omniprésent dans les premiers tomes, l’est, en effet, également dans cette fin d’arc, et ce malgré la gravité de la quête des protagonistes.

Ce savant mélange entre humour et tension n’est pas seulement assuré par le scénario de Jérôme Pélissier mais doit aussi beaucoup eu trait de Carine Hinder. Le rythme soutenu du récit, avec ses péripéties incessantes et ses nombreux gags et dialogues succulents, est encore amplifié par le dynamisme des dessins de l’illustratrice. Son découpage est rapide, et ses gaufriers souvent penchés, comme pour entraîner le lecteur dans une pente où ralentir n’est pas une option, jusqu’à la page de la grande révélation et son parti pris graphique fort qui vient interrompre la narration en choquant la petite Brume comme le lecteur, un grand vide très intelligemment mis en scène par le duo d’auteurs. Avec ses cadrages cinématographiques, Carine Hinder réalise des planches à la hauteur des promesses faites par les magnifiques couvertures des trois tomes.

Si les personnages sont parfaitement maîtrisés par l’illustratrice, les décors le sont tout autant, avec des ambiances aussi variées qu’immersives. Du village paradisiaque de Brume, avec ses intérieurs chaleureux et ses rues qui donnent envie de s’y perdre, à la luxuriante forêt, tantôt féerique, tantôt menaçante, chaque case est une scène qui témoigne du plaisir et de la passion de Carine Hinder pour son univers. Les couleurs de Brume sont assurées par son scénariste, Jérôme Pélissier, et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il sait tout autant donner vie à son monde chromatiquement que narrativement : les personnages se détachent parfaitement des décors aux couleurs la plupart du temps vives et chaleureuses.

Brume est une nouvelle preuve, s’il en fallait encore même aux plus sceptiques, que série jeunesse n’est pas synonyme de travail bâclé pour lecteurs peu exigeants. Ce premier arc à la fois drôlissime et haletant se conclut de manière plus que satisfaisante car en totale adéquation avec l’ambiance de la série. L’attachement du lecteur au trio de protagonistes, mais aussi ses rires face aux gesticulations de Germaine, ou son stress devant la grande menace, naissent tout autant du talent de conteur, par ses mots comme par sa palette de couleurs, de Jérôme Pélissier qu’à celui de mise en scène et d’expressivité de Carine Hinder : une alchimie à l’image de celle du duo Brume-Hugo sous l’œil à la fois bienveillant et blasé du narrateur porcin Hubert. Une totale réussite dont on attend impatiemment un second arc.

Chronique écrite par : Cédric « Sedh » Sicard