Beneath the trees where nobody sees
Regardez comme ils sont mignons ses petits animaux : ce colibri qui livre des colis, ce renard qui vend des journaux à un vieux bouc, ce raton laveur qui fait la circulation, cette ourse qui découpe des cadavres et les enterre dans la forêt… Hein, quoi ??? Pardon ???

© Beneath the trees where nobody sees – Patrick Horvarth – Ankama, 2025
Woobrook est une petite ville américaine typique, où il fait bon vivre, sans histoire, où tout le monde se connaît. Le genre de ville où rien ne se passe jamais, pour le plus grand bonheur de tous. C’est pour cela que l’ourse Samantha Strong, patronne du magasin de bricolage du coin, a décidé de ne tuer que des inconnus de la grande ville de l’état. Mais le jour où un tueur mystérieux s’en prend aux habitants de Woodbrook, Samantha se doit de mener sa propre enquête. Il ne faudrait pas, en effet, que les policiers à la recherche du meurtrier mettent le nez par hasard dans ses propres affaires…

© Beneath the trees where nobody sees – Patrick Horvarth – Ankama, 2025
La belle au bois tuant
Beneath the trees where nobody sees (“Sous les arbres où personne ne peut voir”) annonce la couleur dès sa superbe couverture. Malgré le côté presque naïf du dessin et, surtout, des couleurs, l’auteur-illustrateur Patrick Horvarth n’est pas venu pour rigoler. En effet, dans ce gros one shot, l’humour est très peu présent. Certes, l’anthropomorphisme des personnages apporte une certaine légèreté apparente au récit et certains habitants un peu maladroits peuvent, de temps en temps, esquisser un sourire sur le visage du lecteur, mais le récit est traité avec un premier degré assez radical.
Pour sa première incursion dans le neuvième art, Patrick Horvarth mêle avec grande intelligence fond et forme. Son intrigue est assez classique, presque banale, mais menée avec une grande efficacité, notamment parce qu’elle est portée par des personnages dont l’apparence a un vrai rôle narratif. Un animal inoffensif , comme une tortue ou une souris, est représenté dans l’album par un habitant vu comme indéniablement innocent, un animal fourbe (qui a dit le chat ?) sera tout de suite plus apte à être suspecté… Et notre Samantha, une ourse plus proche de la peluche bienveillante que du grizzli dangereux, est une figure rassurante dans la communauté de Woodbrook, rassurante comme une peluche mais dangereuse comme un grizzli.

© Beneath the trees where nobody sees – Patrick Horvarth – Ankama, 2025
La ville des animaux
L’auteur pousse encore cette dualité entre fond et forme en proposant un univers assez étrange, où les personnages anthropomorphiques croisent des animaux domestiques ou sauvages. Cette ambiguïté est annoncée dès la première page dans laquelle un rhinocéros promène un chien. Le lecteur ne sera alors pas déstabilisé lorsque Samantha croise un ours sauvage dans les bois. Petit hommage, sans doute, aux Muppets de Jim Henson, la riche insupportable mégère de Woodbrook est représentée en truie blonde… Les fans des célèbres marionnettes apprécieront.
Au-delà de son aspect mignon, le dessin de Patrick Horvarth est d’une beauté indéniable. Avec un trait d’une grande finesse, les personnages sont très expressifs et caractérisés. Le moindre figurant est soigné, offrant à Woodbrook une réelle consistance. Les décors y participent, évidemment, aussi beaucoup. Et ceux de la petite ville, comme ceux de la grande, sont très réalistes. L’illustrateur a, en effet, fait un choix similaire à celui, par exemple, de Juanjo Guarnido dans Blacksad : les personnages anthropomorphiques évoluent dans un monde similaire au nôtre. Bien que plus naïf et moins riche que le dessin de l’auteur espagnol, l’autre point commun entre les deux, c’est l’utilisation de l’aquarelle pour la colorisation. Celle-ci ajoute à la douceur apparente de l’univers de l’album, en plus d’être, tout simplement, superbe.

© Beneath the trees where nobody sees – Patrick Horvarth – Ankama, 2025
Beneath the trees where nobody sees est un thriller captivant du début à la fin, une enquête sans réel mystère mais qui passionne telle une partie d’échecs de haut niveau. Avec son graphisme mignon et ses fabuleux personnages, dont la forme et le fond se marient à la perfection, ce one shot est une excellente surprise, un « accrolivre » d’une efficacité aussi redoutable que sa protagoniste.
Une chronique écrite par : Cédric « Sedh » Sicard

© Beneath the trees where nobody sees – Patrick Horvarth – Ankama, 2025
Informations sur l’album :
- Scénario : Patrick Horvarth
- Dessin : Patrick Horvarth
- Couleurs : Patrick Horvarth
- Éditeur : Ankama
- Date de sortie : Le 10 janvier 2025
- Pagination : 160 pages en couleurs
- Age : A partir de 16 ans