Arthrose, crime & crustacés – T1 de Monsieur Vadim
Nous republions notre chronique de Arthrose, crime & crustacés, le tome 1 de la série Monsieur Vadim par Gihef et Morgann Tanco chez Bamboo, que nous avions originalement publiée sur notre page Facebook en avril 2021.
Chacun fait avec ses moyens pour payer ses factures. Dans « Breaking Bad », Walter White usait de ses facultés en chimie pour fabriquer de la meth et régler les frais liés au traitement de sa chimiothérapie. Dans « La Mule », Clint, en proie à des difficultés financières, se retrouvait à son insu passeur pour le compte d’un cartel. C’est au tour de Monsieur Vadim d’en recourir à ses compétences d’ancien légionnaire, après avoir été floué et dépossédé de ses biens par un curateur malveillant.
D’origine polonaise, Vadim est un petit vieux vivant dans une résidence pour seniors dans le Sud de la France. Comme toute personne âgée qui se respecte, ses habitudes sont sacrées et rien ni personne ne peut l’empêcher de visionner chaque jour sa série télévisée à l’eau de rose.
Jusqu’à ce qu’il reçoive la visite de la police et d’une assistante sociale : la personne en charge de ses comptes bancaires a foutu le camp avec l’argent, le laissant ainsi dépourvu de ses économies, de son assurance-vie et du versement de sa retraite (ou pension pour nos amis belges).
Qu’à cela ne tienne, l’ancien a le sens de la débrouille. En attendant les poursuites judiciaires à l’encontre de l’arnaqueur, il balaie d’un revers de la main l’aide proposée par les services sociaux et arpente les rues niçoises pour se retrouver… dans une friterie belge.
Cette dernière est victime d’un braquage par trois hommes cagoulés et armés. Mais c’est bien connu, les tatanes, c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas. Retrouvant rapidement ses réflexes, Vadim inflige une sacrée correction aux malfaiteurs qui prennent la fuite. Pour le remercier, et sensible à son histoire, le patron du commerce lui fait une offre qu’il ne pourra pas refuser : il lui propose le gîte et un salaire conséquent pour devenir son homme de main, lui révélant par la même occasion son activité véritable et illicite : le trafic de drogue. Il lui faudra cependant pour mener à bien la mission qui lui est confiée affronter son pire ennemi : les crises d’arthrose.
Quel coup de cœur que cet album ! La BD Franco-Belge n’a jamais aussi bien porté son nom…
Imaginez un Breaking Bad à la sauce Pickels réalisé par Tarantino : c’est la pépite de Gihef et Morgann Tanco ! Un thriller au beau milieu des frites fricadelles, boulettes, mexicanos et cervelas, le tout accompagné d’une bonne bouteille de bière de Chimay, quel régal !
Impossible de ne pas faire le parallèle avec la série de Vince Gilligan : la friterie « Noir Jaune Rouge » (couleurs de l’étendard belge) n’est pas sans nous rappeler l’enseigne « Los Pollos Hermanos », tandis que les auteurs ont imaginé un « Mayo » aux airs de Pinkman et un Vadim rappelant le personnage de Mike, l’homme à tout faire.
Les références cinématographiques ne s’arrêtent pas là : la scène du braquage du snack nous fait fortement penser à un moment culte du 7ème art, dans le film « Pulp Fiction », lorsqu’un couple armé met en joue les clients dans un restaurant familial, réclamant à ces derniers leurs « larfeuilles » (terme repris ici). Quoi de plus normal de la part d’un scénariste né le même jour (mais pas la même année) que le génialissime réalisateur prénommé Quentin ? La scène de l’huile de friture bouillante aurait d’ailleurs pu figurer dans la bataille finale de « Once upon a time in Hollywood ».
Le comptable du « Belge » gère les transactions financières comme pourrait le faire un Marty Byrde dans la série « Ozark ». « Ange Giacopini » (au physique faisant étrangement songer à Goscinny) patron de « La Trinité », la pègre locale, a fait fortune grâce aux courses de chevaux comme l’avait fait avant lui « Tommy Shelby » dans « Peaky Blinders ». Une autre scène nous renvoie à la fin du film « Seven » de David Fincher et Vadim dit lui-même qu’il est « trop vieux pour ces conneries ».
D’autres références parlent au plus grand nombre en ancrant l’histoire dans notre réalité : la radio « Nostalgie », Decathlon , les costumes « Armani », les chansons d’Aznavour, Adamo et Arno, ou encore Instagram…
Et même si nous ne sommes pas ici chez les éditions Dupuis, chers Amis de Spirou, un groom se cache dans cette aventure !
Côté dessin, Morgann Tanco nous livre un trait semi-réaliste influencé par des Janry ou Gazzotti, avec des personnages très charismatiques et expressifs. La richesse des plans cinématographiques apporte un réel dynamisme à cet opus. Les décors sont très documentés, les scènes de lutte et d’action parfaitement exécutées. Il est rare de croiser un dessinateur sachant travailler tant les personnages que l’architecture des bâtiments, les paysages et les véhicules.
Qui se méfiait de Léon dans le film du même nom de Luc Besson ? Qui se méfiera de Vadim ? Il ne nous reste qu’une chose à faire : compter les jours avant l’arrivée du deuxième tome…
Chronique écrite par Aurélien BRISBY
Informations sur l’album
- Scénario : Gihef
- Dessin : Morgann Tanco
- Couleurs : Cerise
- Éditeur : Bamboo « Grand Angle »
- Date de sortie : 3 février 2021
- Pagination : 54 en couleurs