La Ville qui ne dort jamais – T1 de Créatures
Créatures, la ville qui ne dort jamais de Stéphane Betbeder au scénario et de Djief au dessin est une série BD post-apocalyptique. Vanille et Minus sont les membres d’un groupe d’enfants qui tentent de survivre dans un New York dévasté et mortifère. Une brume verte mystérieuse à recouvert la ville et a transformé les adultes en créatures zombifiées qui pourchassent les jeunes survivants. D’où vient cette brume ? pourquoi seuls les adultes sont affectés ? est-ce que quelqu’un les contrôle ? … Ce ne sont que quelques unes des questions auxquelles les héros de cette histoire fantastique vont devoir trouver les réponses.
En 1989, le slime rose envahissait la ville de New-York dans le 2ème opus de la saga culte SOS Fantômes. Tout porte à croire qu’une malédiction s’est abattue sur la plus grande ville des Etats-Unis, qui est cette fois enveloppée dans un gigantesque brouillard vert.
Tel est le décor de « La ville qui ne dort jamais », premier tome de la nouvelle série « Créatures » par Betbeder et Djief. Vanille et Minus (une jeune afro américaine et son petit frère albinos) vivent avec leur mère dans un appartement du dernier étage d’un immeuble abandonné. A l’extérieur, tout n’est que chaos et désolation. Dans les rues désertes, les véhicules détruits et les bâtiments en ruines sont les vestiges d’une ancienne civilisation.
Quand Vanille s’y aventure, c’est pour lutter pour sa survie, en quête de nourriture, indispensable pour que sa famille puisse subsister. Armée d’un fusil à pompes, elle évite soigneusement de rencontrer les adultes désormais réduits à l’état de zombies et contrôlés par d’étranges créatures. Très vite, elle va se retrouver traquée par Chief et La Crado, deux enfants dont l’estomac ne demande qu’à être rempli…
Le postulat de départ n’est pas sans rappeler le premier album de « Seuls », sorti il y a 15 ans (j’avais à l’époque boudé la série de Gazzotti et Vehlmann). Nous nous retrouvons en effet dans la même configuration : une bande de gamins (Vanille, Minus, Chief, La Crado, La Taupe et Testo) évoluant dans un décor apocalyptique. La couverture donne le ton : on peut y observer le Pont de Brooklyn pris au piège dans la brume verte, et trois créatures hybrides inspirées du Chtulhu de Lovecraft, pourchassant deux enfants armés et cachés derrière des carcasses de voitures. Dès les premières pages, les dessins accrochés au mur de la chambre de Minus nous évoquent le croque-mitaine ou encore le slenderman, personnages récurrents des livres et films de science-fiction.
Le lecteur est plongé dans un état contemplatif, face à une suite de planches sans aucune légende ni dialogue (le premier n’intervenant qu’au bout de 5 longues planches). On croise alors un premier zombie (« le baveux »), attiré par le sucre, pas très effrayant, plutôt gentillet et qui frôle même le ridicule. Il faut attendre la moitié de l’album pour rencontrer des zombies qui suscitent davantage un sentiment de crainte, mais qui toutefois n’opposent quasiment aucune résistance aux personnages principaux.
Le rythme s’emballe et nous entraîne dans des scènes d’action à couper le souffle, dignes d’un blockbuster hollywoodien (avec une large palette de plans), qui ne nous lâchera plus jusqu’à la fin de l’épisode.
Djief réussit la prouesse de créer des scènes graphiques époustouflantes dans une ambiance de fin du Monde magistralement représentée. A contrario, le même soin n’a pas été apporté aux personnages (sauf pour Vanille et la Taupe), qui auraient mérité un travail de finition à la hauteur du reste de l’album.
L’utilisation abusive d’onomatopées en gros caractères teintés de blanc contraste avec (voire gâche) la beauté des illustrations. La mise en couleurs est superbe et retranscrit bien cet univers sombre et angoissant.
Ainsi cet album pose le cadre, nous plonge rapidement dans l’ambiance et nous offre une présentation des personnages. Il soulève de nombreuses questions : Comment en est-on arrivé à cette situation ? Pourquoi les adultes sont-ils devenus des zombies ? Pourquoi les enfants n’ont-ils pas eu droit au même sort ? Y’a-t-il d’autres enfants ? Pourquoi « Gros taré » (vieil adulte bibliothécaire aux airs de Tortue Géniale mixé avec Doc de Retour vers le Futur), gardien des livres, a-t-il échappé à la malédiction et n’a-t-il pas été transformé en zombie ? Qui est-il réellement ? Qui sont ces créatures qui contrôlent les zombies ? Sont-elles invincibles ? Sont-elles des extra-terrestres ?
Au final, les 72 pages se lisent relativement rapidement. Les lecteurs de « Seuls » y verront peut-être une redite, de mon côté j’y ai retrouvé des codes utilisés dans les films « La route » et « Je suis une légende », eux-mêmes adaptés des romans éponymes.
« Créatures » a eu le mérite d’attiser ma curiosité au sujet de Lovecraft dont je vais m’empresser de lire les œuvres… Comment ai-je pu passer si longtemps à côté de cet auteur ?
Et évidemment, j’attends le tome 2 avec impatience pour obtenir des réponses !
Chronique écrite par Aurélien BRISBY
Informations sur l’album
- Scénario : Stéphane Betbeder
- Dessin : Djief
- Couleurs : Djief
- Éditeur : Dupuis « Tous publics »
- Date de sortie : 8 janvier 2021
- Pagination : 72 en couleurs
- Format : 219 x 290