Kolbar, voici un mot bien étrange, sans équivalent en français, pour désigner ces kurdes qui, poussés par la misère, transportent illégalement des marchandises entre l’Irak et l’Iran. Avec Les Oiseaux de papier, Mana Neyestani nous conte l’histoire de ces hommes qui sillonnent les montagnes du Kurdistan, au péril de leur vie, avec des charges de parfois 50 kilos sur le dos.

Couverture de l'album Les Oiseaux de papier
© Les Oiseaux de papier – Mana Neyestani – Ça et Là

À la fin des années 2010 dans un petit village proche de la ville de Baneh, au Kurdistan iranien, un groupe d’hommes se prépare à traverser illégalement la frontière pour rejoindre l’Irak. Leur objectif ? Retrouver un commerçant qui leur confiera de lourds colis à ramener en Iran. Parmi ces hommes, on retrouve Jalal. Il est ingénieur, mais le chômage et la misère le conduisent à pratiquer cette activité illégale. C’est un kolbar. Jalal est amoureux de Rojan. Cette dernière est promise par son père à un vieux marchand, Hossein, celui-là même qui recrute les passeurs qui achemineront les marchandises entre les deux pays. Toutefois, le couple cherche à s’affranchir des traditions familiales. Alors, la jeune femme tisse des tapis afin de gagner l’argent nécessaire pour fuir à Téhéran en compagnie de son amoureux qui, lui, s’apprête à effectuer pour la première fois le périlleux trajet à travers les montagnes du Kurdistan.

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© Les Oiseaux de papier – Mana Neyestani – Ça et Là

Le poids des “horribles monstres”

Considéré comme un dessinateur politique par le régime iranien, Mana Neyestani a connu les geôles de son pays avant, une fois libéré, de prendre la route de l’exil qui l’amène tout d’abord en Malaisie puis en France où il débarque en 2011. Son intérêt pour les kolbars trouve sa source dans les promesses du gouvernement iranien d’améliorer le sort des porteurs kurdes. Mais ces dernières années, rien à changé. Alors, avec Les oiseaux de papier, le dessinateur iranien dénonce et  raconte l’histoire de ces hommes, bien souvent diplômés, qui prennent le chemin des montagnes chargés « du poids de ces horribles monstres », ces colis pesant de 20 à 50 kilos capables de tuer un homme à la moindre erreur de jugement sur le trajet.

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© Les Oiseaux de papier – Mana Neyestani – Ça et Là

Son récit s’appuie sur des témoignages réels mêlés à des éléments fictifs qui servent, ensemble, une histoire poignante. Chacun des membres du groupe de kolbars a ses raisons pour prendre les risques inhérents à une telle mission : financer un exil ou l’opération d’une épouse stérile, soigner une maman ou plus simplement pour manger.

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© Les Oiseaux de papier – Mana Neyestani – Ça et Là

Le tapis de l’espoir

Le dessin hachuré du contestataire iranien traduit les conditions difficiles dans lesquelles évoluent ces hommes. Entre les avalanches, les tempêtes de neige et les gardes-frontières qui tirent sans sommation, les périls sont nombreux et le danger guette à chaque page du récit.

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© Les Oiseaux de papier – Mana Neyestani – Ça et Là

En introduction de chaque chapitre, on retrouve Rojan. Devant son métier à tisser, elle se confie aux lectrices et aux lecteurs, dévoilant quelques pans de sa vie et de sa condition de femme en Iran, soumise au patriarcat et à son père qui va la marier de force. Ainsi, au fil des chapitres, et en écho à la progression des kolbars dans la montagne, on observe l’avancée du tapis de l’espoir de la jeune femme – seul élément en couleur du récit – celui qui doit lui permettre de financer un bout du chemin vers la liberté.

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© Les Oiseaux de papier – Mana Neyestani – Ça et Là

Au Kurdistan, région soumise au régime des mollahs, manquant d’investissement et d’infrastructures économiques, plus de la moitié des kolbars sont des diplômés universitaires.Les oiseaux de papier est donc un témoignage précieux qui met en exergue une population délaissée par les médias occidentaux. Le récit est subtil, poignant et reflète la détresse d’une nation à la fois divisée et isolée.

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© Les Oiseaux de papier – Mana Neyestani – Ça et Là

À l’occasion de Delémont’BD, les Amis de la BD animeront une rencontre autour de l’exposition Les Oiseaux de papier en compagnie de Mana Neyestani et de Soran, un jeune kurde iranien qui a pratiqué le métier de kolbar avant de prendre la route de l’exil qui le mènera en Suisse. Samedi 15 juin, à 15h. Détails ici.

© Les Oiseaux de papier – Exposition Delémont'BD
© Les Oiseaux de papier – Exposition Delémont’BD
Page 135 par Mana Neyestani
© Les Oiseaux de papier – Mana Neyestani – Ça et Là

Chronique écrite par Bruce RENNES

Informations sur l’album

  • Scénario : Mana Neyestani
  • Dessin : Mana Neyestani
  • Couleurs : Noir et blanc
  • Éditeur : Ça et Là
  • Date de sortie : 3 mars 2023
  • Pagination : 208 en couleurs

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