Le Dernier Debout
Nous connaissons tous Rosa Parks ou Martin Luther King, fervents militants de la cause «Noire» aux États-Unis. Mais le combat pour la liberté et l’égalité raciale a aussi ses représentants dans le monde du sport. Au même titre que Tommie Smith ou John Carlos, et bien avant toutes ces icônes, Jack Johnson fut le premier d’entre eux. Moins connu du grand public, il les a sans doute inspirés. Youssef Daoudi et Adrian Matejka, avec leur singularité, nous racontent son histoire dans Le Dernier Debout avec un récit vivant et une mise en dessin originale.
Jack Johnson, 1,84m pour 91kg, surnommé le Géant de Galveston (Texas), est né de parents esclaves 17 ans après la fin de la guerre de sécession. Il n’aspire qu’à vivre en homme libre, n’appartenir à personne. Pour y parvenir il se lance dans la boxe. Mais la ségrégation est encore omniprésente aux Etats-Unis et la manipulation des consciences est encore telle que toutes les catégories de combats sont ouvertes aux noirs, sauf la plus prestigieuse : celle des poids lourds. Ainsi, les blancs peuvent, avec d’autres lois, maintenir la hiérarchie raciale et le statut animal des noirs.
Nonobstant, «le moricaud», le «mal blanchi» ou encore le «macaque» ne se laisse pas soumettre sans combattre. Sa volonté inébranlable de liberté, face à la haine décuplée des blancs à cause de son attitude extravagante et controversée, sera sa force pour le combat du siècle. Jack affrontera le Chaudronnier, James Jackson Jeffries. Le Singe contre le Tigre, pour remporter le titre de champion des poids lourds et bouleverser l’ordre établi, ce sera un 04 juillet !
Une Bande dessinée Hybride
Ce roman graphique, en noir et blanc rehaussé de rouge, a plusieurs niveaux de lecture. Chaque page est une surprise qui donne vie à la narration. Les auteurs ont su créer une bande dessinée hybride qui alterne des dessins de pages de BD, d’affiches publicitaires, de vignettes de propagandes raciales d’époque, des pages de monologue, des poèmes d’Adrian Matejka, d’illustrations et de reproductions de presse. À cela s’ajoute un découpage et et une en page très dynamique auxquelles vient s’ajouter une multitude de polices de caractères créée par Youssef Daoudi. Tout ce travail de création aboutit à une magnifique interaction entre les dessins et le texte.
Une rencontre intimiste entre Jack Johnson et le lecteur
Les auteurs ont construit tout le récit à la première personne, de telle sorte que le lecteur se sent en toute intimité avec Jack, comme s’il assistait en direct au one-man-show que fit le champion sur scène pour raconter ses exploits après sa carrière de boxeur. À la fois acteur, témoin et victime de la ségrégation raciale aux USA, il nous dévoile son histoire au rythme des 15 rounds qui l’ont opposé à Jeffries et pendant lesquels flashbacks et scènes de boxe s’entremêlent.
Le tout est cadencé, tels des uppercuts que l’on reçoit comme lui, par des insultes et humiliations plus racistes les unes que les autres, qu’il encaisse sans vaciller, et qui nourrissent sa rage féroce de vaincre avec des combos de coups, de paroles et de récits de vie, alors perçus comme inenvisageables pour un noir.
Youssef Daoudi et Adrian Matejka livrent la biographie très forte d’un Jack Johnson déterminé à apporter la preuve qu’il est un homme libre, nourrissant ainsi sa rage de vaincre. Cela passera par l’argent, la célébrité, les voiture de luxe et les femmes blanches. Il brisera le tabou de la supériorité de l’homme blanc, ce qui lui vaudra une haine indéfectible jusqu’aux plus hautes sphères de la société, et divisera l’Amérique.
Chronique écrite par Xavier G.
Informations sur l’album
- Scénario : Adrian Matjeka
- Dessin : Youssef Daoudi
- Couleurs : Youssef Daoudi
- Éditeur : Futuropolis « Albums »
- Date de sortie : 3 avril 2024
- Pagination : 320 en couleurs
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