Douleurs fantômes – T2 d’Urbex

L’urbex (Urban exploration – Exploration urbaine) est une pratique qui consiste à visiter des bâtiments abandonnés souvent difficiles d’accès. Une telle activité n’est pas sans risques (et surtout illégale !) : les bâtisses sont dans des états déplorables et le risque d’effondrement réel. Au-delà, de ces considérations très terre à terre, dans Douleurs fantômes, Clarke et Dugomier revisitent cette discipline en plongeant leurs deux héros Alex et Julie, dans un univers fantastique et angoissant.   

Couverture de Douleurs fantômes
Couverture de Douleurs fantômes © Urbex – Clarke et Dugomier – Le Lombard

Dans le précédent tome, deux lycéens passionnés d’explorations urbaines se lancent à l’assaut d’une mystérieuse maison abandonnée. Au cours de cette infraction, Alex et Julie assistent à des événements surréels : ils se mettent à voir des scènes du passé et sont subitement dotés de capacités physiques hors normes alors qu’ils sont habituellement très maladroits. La villa pandora porte bien son nom. Si elle ne libère pas tous les maux de l’humanité, son histoire est fortement liée à l’héritage généalogique mouvementé des deux adolescents. Afin de faire face à leurs propres troubles familiaux, Alex et Julie doivent résoudre les traumatismes vécus par les “apparitions” auxquelles ils assistent.  

Planche 3 de Douleurs fantômes
Planche 3 de Douleurs fantômes © Urbex – Clarke et Dugomier – Le Lombard

Dans ce second tome, nos deux urbexeurs ciblent un cinéma à l’abandon. Les vitres sont brisées, les portes défoncées et à l’intérieur le matériel de projection est complètement détruit. Comme attendu, une nouvelle apparition se produit : sur scène, une technicienne utilise une scie circulaire lorsque tout d’un coup, son avant-bras est sectionné !  L’indicible douleur de “l’apparition” fait écho à la douleur au bras que traîne Julie depuis plusieurs jours. Pour guérir l’adolescente, les deux adolescents doivent comprendre et résoudre le problème de la femme mutilée. Ainsi, avec leurs pouvoirs extraordinaires, Alex et Julie ont non seulement la capacité de visualiser des scènes du passé comme s’ils étaient au théâtre, mais également de guérir les plaies qui s’y cachent pour aider des personnes bien vivantes. 

Planche 4 de Douleurs fantômes
Planche 4 de Douleurs fantômes © Urbex – Clarke et Dugomier – Le Lombard

Après un premier scénario centré sur les secrets de famille et l’inceste, Vincent Dugomier récidive avec une histoire s’intéressant de nouveau aux non-dits et aux histoires cachées au sein d’une famille. Bien souvent, une personne ayant été amputée éprouve la sensation de présence du membre disparu. Pour certains, cette sensation est douloureuse. On parle alors de douleurs fantômes. Dans cet album bien-nommé, Dugommier rattache cette épreuve physique et neurologique à la perte de repères familiaux. Que se passe-t-il notamment lorsqu’on est né sous X ? Comment se construire une histoire ? C’est ce que devront découvrir les deux adolescents en s’intéressant au parcours de la femme amputée. 

Planche 5 de Douleurs fantômes
Planche 5 de Douleurs fantômes © Urbex – Clarke et Dugomier – Le Lombard

Au dessin, le trait de Clarke, bien connu des lecteurs du Journal de Spirou, se rapproche de sa série “Durant les travaux, l’exposition continue” même si on reconnaît parfaitement la patte de l’auteur de “Mélusine”. L’expression des personnages – notamment un psychologue dont le regard est caché derrière ses lunettes ovales – évoque cet ovni de la BD franco-belge. Bien soutenu par la mise en couleur de Mikl, le dessinateur nous plonge dans un univers fantastique intriguant. Lorsque Alex et Julie assistent à des apparitions, le lecteur est également en immersion dans ces “saynète -clés” qui comporte un bout du puzzle destiné à comprendre le fin mot du traumatisme à guérir. Dugomier et Clarke revisitent le flash-back de manière originale et inédite.  

Planche 6 de Douleurs fantômes
Planche 6 de Douleurs fantômes © Urbex – Clarke et Dugomier – Le Lombard

Le tour de force de Clarke est également sa capacité à alterner les attitudes de l’ensemble des personnages qui participent à découper le récit par séquence, mêlant allègrement scènes psychologiques et moments assez lourds entrecoupés de séquences plus légères. Lorsqu’ils sont au lycée, Alex et Julie sont deux élèves très ordinaires et peu populaires. L’un comme l’autre vivent dans une famille atypique – voire déstructurée psychologiquement  : un père absent pour le jeune garçon, une mère indifférente à la vie de son fils et une sœur très curieuse. Les parents de Julie, quant à eux, sont complètement amorphes et traînent un curieux héritage familial qui fait d’eux des “gens plein aux as” mais incapable de se servir de cette fortune pour entreprendre les travaux de base dont à bien besoin leur logement. Chaque situation est parfaitement illustrée par Clarke. 

Planche 7 d'Urbex T2
Planche 7 de Douleurs fantômes © Urbex – Clarke et Dugomier – Le Lombard

Le premier volume de “Urbex” plantait le décor. Ce second album nous en révèle davantage sur l’histoire d’Alex et de Julie, ainsi que sur ce qui  les lient aux secrets de la villa Pandora. La voix off qui anime le récit reste volontairement mystérieuse. Lequel des deux adolescents relate le récit : Alex ? Julie ? L’un et l’autre semblent interchangeables. Le point commun : supporter un lourd passif et “il “reste encore un peu de chemin à faire avant de pouvoir voyager léger.” 

Chronique écrite par Bruce RENNES

Informations sur l’album

  • Scénario : Dugomier
  • Dessin : Clarke
  • Couleurs : MiKl
  • Éditeur : Le Lombard
  • Date de sortie : 26 août 2022
  • Pagination : 56 en couleurs

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