Une lune bleue dans la tête – T1 de Olive

Olive est une jeune fille introvertie dont l’univers intérieur est dense, riche et très fouillé. Un brin asociale, c’est dans dans ses pensées qu’elle se réfugie pour se protéger d’un monde extérieur envahissant et bruyant. Un comportement associé à de l’étourderie par ses pairs, au lycée. Une Lune bleue dans la tête est le 1er des quatre tomes de la série Olive par Vero Cazot et Lucy Mazel. C’est un album poétique qui aborde, sans le nommer, la difficulté d’intégration des personnes atypiques.

Je la croyais noire ou verte, mais comme les oranges de Tintin, l’« Olive » est bleue. Une couverture très intrigante : une demoiselle à genoux, un homme dans son reflet, un décor astral, sans aucun doute un album de Science-Fiction ! La couleur y est annoncée (bleue donc) : la série comportera quatre tomes.

Couverture de l'album Une lune bleue dans la tête
Couverture de l’album Une lune bleue dans la tête © Olive – Vero Cazot et Lucy Mazel – Dupuis

Je feuillette quelques pages : beaucoup d’images, peu de dialogues, un trait qui n’est pas celui que j’affectionne… Amateur de Largo Winch ou de Blake et Mortimer, séries qui fourmillent de textes, c’est certain, Olive est définitivement et typiquement le style d’album qui ne m’intéressera pas.

Ne vous fiez pas aux apparences. Ne passez pas votre chemin…

Page 3 de l'album Une lune bleue dans la tête
Page 3 de l’album Une lune bleue dans la tête © Olive – Vero Cazot et Lucy Mazel – Dupuis

Une femme enceinte dans un avion, un voyage qui tourne mal, et soudain pour le lecteur un bond de 17 ans en avant. Nous découvrons Olive, une adolescente qui semble bien isolée dans son internat, et qui n’a pas l’air de faire grand-chose pour s’attirer la sympathie de ses camarades. Elle préfère la solitude et a même obtenu un traitement de faveur : une chambre double rien que pour elle ! Mais son équilibre est bouleversé lorsque la directrice de l’établissement Camille Claudel décide d’introduire une colocataire…

En apparence, une histoire qui peut sembler assez banale, celle d’une fille en pleine crise d’ado qui ne se sent pas à sa place dans la société. Mais à y regarder de plus près, le thème abordé est beaucoup plus profond : celui d’une « maladie » méconnue et incomprise, l’autisme.

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Page 4 de l’album Une lune bleue dans la tête © Olive – Vero Cazot et Lucy Mazel – Dupuis

N’étant pas expert en la matière, je vous laisse le soin de consulter des articles permettant de mieux comprendre le sujet, néanmoins je ne peux nier que l’histoire m’a touché, puisqu’un membre de ma famille en souffre et que j’ai retrouvé dans « Olive » toute une série de situations et de comportements similaires à ceux que je connais bien : des difficultés ressenties face aux changements ou à la nouveauté (l’arrivée de la coloc’, le chien et le poisson), l’incompréhension de l’entourage, de la famille, le système scolaire inadapté, jusqu’à la psychologue qui manque de jeter l’éponge, le jugement des autres, leurs mauvaises interprétations entraînant des moqueries ou un harcèlement, en réponse à un comportement qui pourrait passer pour du dédain.

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Page 5 de l’album Une lune bleue dans la tête © Olive – Vero Cazot et Lucy Mazel – Dupuis

Pour reprendre les informations d’un célèbre site, « le syndrome d’Asperger se caractérise par des difficultés significatives dans les interactions sociales » (on les voit bien ici), « associées à des intérêts spécifiques » (Olive est passionnée par les volatiles, et l’on découvre un vocabulaire très spécifique avec, au sens propre du terme, toute une série de noms d’oiseaux (j’ai dû chercher à plusieurs reprises des termes dans le dictionnaire)) « ou des comportements répétitifs » (elle effectue tous les jours la même opération, la confection d’une de ses 28 pierres). « Il s’associe souvent à une maladresse physique » (elle renverse des objets ou entre en collision avec ses camarades) « et une utilisation atypique de la parole. De nombreux témoignages font part de perceptions et d’expériences sensorielles inhabituelles. Ils peuvent être exceptionnellement sensibles ou insensibles au son »(hyperacousie, voir plus bas), « à la lumière (lorsqu’elle allume sa lampe de chevet) et à d’autres stimuli. Les enfants ont très souvent des amis imaginaires » (le canard notamment).

Mais la détresse de la personne est bien réelle : Olive sait à quoi s’attendre envers le lecteur dès les premières pages : « A quoi ça sert que je vous raconte ? Vous n’allez pas me croire de toute façon ». Habituée aux réflexions du genre «tu es dans la lune », « tu es dans ton monde », elle en vient à fuir les relations sociales, à se retrouver dans une situation d’hyperacousie (quand elle se bouche les oreilles, ne supportant plus le blabla incessant de celle qui empiète sur son espace vital) et finalement à trouver refuge et réconfort dans le monde qu’elle s’est créé.

Page 6 de l'album Une lune bleue dans la tête
Page 6 de l’album Une lune bleue dans la tête © Olive – Vero Cazot et Lucy Mazel – Dupuis

On oscille ainsi entre le monde réel et le monde imaginaire, et parfois, comme elle, on s’y perd, tant ils sont entremêlés. Ainsi des questions se posent : le trouble dont elle est atteinte découle-t-il d’un traumatisme suite à l’évènement relaté au début du livre, alors qu’Olive était encore In Utero ? A-t-elle à ce moment perçu ce qu’il se tramait à l’extérieur (les plumes de canard bleues que l’on retrouve dans le reste de l’album, le visage du garçon, l’eau de la mer…) ? Les lits qu’elle s’invente ne représentent-ils pas l’intérieur du ventre de sa mère, lorsqu’elle y était placée en position fœtale et protégée des agressions extérieures ? Le Spationaute serait-il Lenny, le petit garçon de l’avion ?

Même si je regrette un manque de lisibilité au niveau de l’enchaînement des planches, je ne peux que m’incliner devant les illustrations sublimissimes des planches pleine page (pages 18, 26, 32), les décors fouillés et les couleurs magnifiques. Pas étonnant que cet album fasse partie de la sélection du Festival BD d’Angoulême.

Un outil pédagogique pour aider les familles désemparées et sensibiliser chacun d’entre nous, dans une ambiance située entre Avatar, Stranger things et Usual Suspects.

Chronique écrite par Aurélien BRISSY

Informations sur l’album

  • Scénario : Vero Cazot
  • Dessin : Lucy Mazel
  • Couleurs : Lucy Mazel
  • Éditeur : Dupuis « Grand public »
  • Date de sortie : 6 mars 2020
  • Pagination : 56 en couleurs
  • Format : 218 x 300

A lire aussi notre chronique du deuxième tome d’Olive

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