T4 de Spirou l’espoir malgré tout

Avec la quatrième partie de son « Spirou l’espoir malgré tout », Émile Bravo clôt une impressionnante saga durant laquelle Spirou et Fantasio auront traversés l’indicible de la Seconde Guerre mondiale. Le postulat de départ étant de répondre aux questions les plus importantes que nous nous posions sur Spirou (pourquoi n’a-t-il jamais eu de copine ? Pourquoi ce métier d’employé dans un hôtel ?), le pari est réussi : cette tétralogie nous révèle les fêlures de notre groom qui constitueront son identité. Le jeune garçon naïf des débuts s’érige, à la fin de cette longue aventure, en héros que les lecteurs connaissent.
Couverture de la quatrième partie de Spirou l'espoir malgré tout
© Spirou L’Espoir malgré tout – Emile Bravo – Dupuis
La guerre touche à sa fin. Après une ultime « semi-bravoure » contre l’armée d’occupation en déroute – le jeune groom refusant toujours la violence -, Spirou et Fantasio n’ont qu’un souhait, celui de retourner rapidement à Bruxelles afin d’y retrouver la trace de leurs amis juifs Felka et Felix dont ils n’ont aucune nouvelle. On est en septembre 1944 , plus de quatre ans après l’invasion de la capitale de Belgique par les Allemands. En compagnie des Belges de la brigade Piron, les Anglais y font une entrée triomphante. Les troupes alliées sont accueillis en libérateurs par les bruxellois et surtout les bruxelloises.
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© Spirou L’Espoir malgré tout – Emile Bravo – Dupuis
Cette quatrième et dernière partie s’achève par un récit de 34 planches, complété par un épilogue de sept planches supplémentaires. Un album d’une longueur classique par rapport aux trois autres volets de l’histoire. Une différence accentuée par la tonalité des différentes couvertures (de l’édition classique). En effet, dans les précédents albums, l’oppression nazi y est prédominante et fortement suggérée. Dans le premier volume, Spirou est confronté à l’horrible bruit des bottes allemandes, puis dans les couvertures suivantes, poursuivi par l’occupant ou emmené vers un convoi de la mort. Des représentations qui place l’ennemi en position de force : bottes parfaitement cirées et visibles, mitraillette au poing. Pour ce dernier volume, les rôles sont inversés : son amie Mieke menace un soldat nazi à terre avec un pistolet, prête à l’abattre sous le regard horrifié de Spirou. Une scène durant laquelle le groom démontre une nouvelle fois son humanisme et protège cet allemand qu’il qualifie de “gosse” (alors que lui-même est à peine plus âgé.)
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© Spirou L’Espoir malgré tout – Emile Bravo – Dupuis
Le dessin d’Émile Bravo reste dans la dynamique des précédents albums avec un cadrage propre et un style très reconnaissable et finalement un découpage qui colle avec l’identité visuelle des BD des années 50. Le personnage de Spirou se fond complètement dans le crayon de l’auteur et de ses œuvres passées (“Une épatante aventure de Jules”). Pour les détails graphiques, on décernera une mention spéciale aux résistants de la dernière heure tels que Vekemans ou Bouchard, tous deux représentés avec des petites lunettes rondes dont le reflet cache les yeux. Une manière de cacher le regard fuyant des opportunistes ? Bien évidemment, certains éléments du scénario se confondent directement avec l’évocation de la Ligne claire et ce nouvel hommage à un autre reporter belge. Au cours de la dernière altercation entre Bouchard, journaliste corrompu et apprenti trafiquant d’art, Émile Bravo évoquera une nouvelle fois le héros de Hergé. La boucle est bouclée entre le “Journal d’un ingénu”, album “pré-Espoir malgré tout”, ou la tenue vestimentaire de Spirou n’était pas sans rappeler celle de Tintin, et cette quatrième partie.
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© Spirou L’Espoir malgré tout – Emile Bravo – Dupuis
De ce nouvel opus, on retiendra surtout la planche où Spirou retrouve et endosse son uniforme de groom, qu’il n’avait plus remis depuis l’explosion de son hôtel. Galvanisé par la photo et la lettre de sa fiancée, Kassandra, retenue dans les camps nazis, qu’il retrouve dans une poche intérieure, il tient tête à l’immonde Père André qui l’avait dénoncé à la Gestapo. La position du jeune héros, poings serrés dans ses gants blancs et corps tendu, est digne d’une séquence de SuperGroom. Il lui hurle fort son nom “Spirou” pour lui signifier que Jean-Baptiste (prénom dont l’affublait l’homme d’église) n’existe plus. La métamorphose est, cette fois, achevée : un héros est né !
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© Spirou L’Espoir malgré tout – Emile Bravo – Dupuis
Fin connaisseur de cette période sombre de l’histoire, Émile Bravo ouvre de nombreux débats et discussions tout au long de cette quatrième partie. Le lecteur se retrouve mêlé au traitement réservé aux “collabos” ou est invité à s’interroger sur les mérites d’une croix de guerre, une bravoure en vaut-elle plus qu’une autre pour être décoré ? Mais l’histoire avec un grand H se n’arrête pas là. Après les horreurs nazi, se sont les tourments perpétrés par le gouvernement belge qui sont évoquées. L’épilogue de “L’espoir malgré” se conclut par une forme d’avertissement : « La bête n’est pas morte, la bête est en nous… Pour devenir réellement humain, il nous reste beaucoup de travail. » Ainsi, le monstre n’est jamais bien loin, aux générations futures d’être attentives.
Chronique écrite par Bruce Rennes

Informations sur l’album

  • Scénario : Emile Bravo
  • Dessin : Emile Bravo
  • Couleurs : Fanny Benoit
  • Éditeur : Dupuis « Tous publics »
  • Date de sortie : 20 mai 2022
  • Pagination : 48 pages en couleurs
  • Format : 240 x 320

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