Les yeux d'Alex - Les Amis de la BD

Les romans graphiques de Claire Fauvel sont puissants et porteurs d’un message. Ils s’articulent souvent autour d’un personnage féminin qui lutte, avec les moyens dont il dispose, pour trouver sa place dans le monde et faire face aux injonctions de la société. « Les yeux d’Alex » en est, une nouvelle fois, une très belle confirmation.

Alex Le Gall a 25 ans et vit à Marseille. Photographe amateur, elle vient d’être sélectionnée comme « Jeune talent » au prestigieux festival de photographie d’Arles. Sa joie est immense mais laisse rapidement place au doute. Elle doit présenter un sujet inédit… Elle veut montrer la beauté avec un thème actuel et personnel mais comment faire alors qu’elle se trouve si laide, emprisonnée par un eczéma qui lui gâche la vie ?

Un hymne au désir

Alex choisit de proposer des photos sur le thème du désir et plus précisément sur celui de son désir. Il faut dire que c’est un sujet inédit et non exploré pour Alex puisqu’elle n’y a, jusqu’à présent, accordé que peu d’intérêt, détestant son corps. Lors de ses recherches, elle constate que rares sont les photos de nus masculins et, a fortiori, celles réalisées par des femmes. Elle va alors mettre en scène ses fantasmes et réaliser des photos érotiques de nu masculin grâce à des modèles piochés, au démarrage, parmi ses ex. Elle renverse donc les rôles et positionne la femme en désirant et non plus en objet désiré. Grâce à ce changement de paradigme, Alex va se réconcilier, petit à petit, avec ce corps qu’elle déteste tant et qu’elle a tant cherché à camoufler.

Sans surprise, les organisateurs du festival d’Arles vont refuser d’exposer certaines photos considérées comme incompatibles avec un festival grand public. Le courriel de réponse d’Alex est un savoureux moment de lecture, fort de dignité et de convictions, qui fera changer la vision des organisateurs.

Certaines des illustrations sont vraiment explicites et crues mais Claire Fauvel réussit le pari de ne jamais tomber dans la vulgarité. Tout est fait en douceur et en délicatesse.

Un roman graphique feel good et militant

« Les yeux d’Alex » est avant tout une bande dessinée feel good avec un scénario bien construit et des illustrations léchées, tant sur les personnages que sur les paysages marseillais, notamment. Les planches sont lumineuses et certaines rappellent des aquarelles. C’est une ode à la tolérance, chacun des personnages réussissant, petit à petit, à s’aimer et à s’assumer.

Claire Fauvel brise l’image de la femme comme éternel objet de désir dans notre société patriarcale. Elle met à mal le « male gaze », concept imposant une perspective d’homme où les personnages féminins sont sexualisés. Elle signe un album féministe et résolument optimiste. Le ton est libre, enlevé, parfois cru, et léger. « Comment ? Rien de tout ça ne vous excite, vous ? Vous êtes en train de me dire que, comme 50% de la population… vous êtes une femme ?! »

Une fraîcheur bienvenue enrobe ce récit autour de la sexualité, du désir et du plaisir. C’est bouleversant et d’une grande intelligence.

Claire Fauvel propose, une nouvelle fois, un album intense qui fait réfléchir et nous invite à inventer un nouveau langage. A mettre entre toutes les mains d’adultes, hommes et femmes!

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