Interview d’Olivier Gay & Jonathan Aucomte

Après avoir chroniqué, l’année dernière Métamorphes – Beast Friends Vol.01, édité chez Drakoo en juillet 2024, nous souhaitions échanger avec les auteurs, à savoir, Olivier Gay (scénariste) et Jonathan Aucomte (illustrateur). La parution récente du Vol.02 (02/07/2025), nous a semblé être l’occasion idéale. Cet échange nous permet de comprendre quelles ont été leurs inspirations, leurs difficultés ainsi que leurs intentions à travers cette série.

©Drakoo - Olivier Gay et Jonathan Aucomte

©Drakoo – Olivier Gay et Jonathan Aucomte

Les amis de la BD : Bonjour, pour commencer, pourriez-vous nous expliquer comment êtes-vous arrivés dans le monde de la BD ?

Olivier Gay : Initialement, je suis écrivain. J’ai écrit beaucoup de romans policiers, de romans d’ Heroic fantasy et de romans pour adolescents. Ceux-ci ont été très appréciés par Christophe Arleston et son épouse qui les avaient chroniqués dans Lanfeust Mag. C’était le magazine de Gottferdom Studio à l’époque. J’ai eu l’occasion de les rencontrer, et lorsque Christophe a lancé sa maison d’édition, il m’a demandé si cela me tentait d’essayer la BD. J’étais très motivé par l’idée. Sa logique c’était de dire : « C’est vachement plus facile d’apprendre à quelqu’un dont j’aime les scénarios en roman à faire de la BD, que d’apprendre à quelqu’un qui fait déjà de la BD à faire des scénarios que j’aime. » Ainsi, aimant déjà ce que je faisais, il a voulu me former. C’est lui qui m’a tout appris. J’adore ça, depuis 5 ans je ne fais que de la BD.

Jonathan Aucomte : Me concernant, Christophe Arleston a vu passer mon travail, il s’est dit que la bande dessinée pourrait peut-être m’intéresser. Je faisais beaucoup d’illustrations avant, notamment pour des jeux de société. Il m’a alors contacté.

Olivier Gay : Il ne le précise pas, mais ce sont des jeux de société qui cartonnent (rires). Tu es très modeste. C’est lui qui a fait Galèrapagos par exemple.

Métamorphoses Beast Friends Drakoo couverture

©Drakoo – Métamorphoses : Beast Friends – Olivier Gay et Jonathan Aucomte

Les amis de la BD : Juste ça (rire) !

Jonathan Aucomte : (rires) C’est ce qui m’a apporté une certaine visibilité, et qui nous a permis d’entrer en contact. La bande dessinée, c’était mon rêve d’enfant, que j’avais mis un peu de côté parce que j’avais eu des expériences compliquées par le passé. Ce n’est pas si facile que cela de pénétrer dans ce milieu. Puis là, je pense que j’étais arrivé à un niveau de maturité dans mon travail, je me sentais capable de le faire. Ensuite, on m’a présenté Olivier et le scénario sur lequel il travaillait, ce qui correspondait tout à fait à ce que j’attendais en BD. Il y avait une combinaison d’éléments parfaite, avec dès le départ un très bon contact avec l’éditeur, un contexte sain, un scénario qui me plaisait et le sentiment que ça allait aboutir. J’avais besoin de ce cadre-là.

Métamorphoses Beast Friends Drakoo planche 3

©Drakoo – Métamorphoses : Beast Friends – Olivier Gay et Jonathan Aucomte

Les amis de la BD : La confiance est très importante, d’autant plus dans les domaines artistiques. Vous avez commencé à travailler ensemble pour quel projet ?

Olivier Gay : Christophe Arleston m’a contacté, pour me dire qu’il avait vu un dessinateur vraiment bien. Il m’a demandé si j’avais un scénario à proposer. C’est comme ça que j’ai écrit Toutes pour un. Je suis bien évidemment super content que cela ait plu à Jonathan. Même s’il m’en veut un peu pour l’ambiance steampunk de l’album (rires).

Jonathan Aucomte : C’est ça (rires), c’était sans savoir dans quoi je me lançais. La particularité d’Olivier quand il écrit, c’est qu’il se concentre sur les personnages et leurs interactions. Ce qui est mon point fort en dessin : c’est ce qui m’anime le plus. J’ai pris beaucoup de plaisir à lire le scénario et à le mettre en scène. Mais c’est vrai que le steampunk ce n’est pas ce que je maîtrisais bien auparavant, cela m’a demandé pas mal d’efforts.

Olivier Gay : En effet, venant initialement du roman, je n’ai pas cette logique de bande dessinée. Je m’intéresse beaucoup plus aux personnages qu’à l’environnement dans lequel ils évoluent.

Métamorphoses Beast Friends Drakoo planche 4

©Drakoo – Métamorphoses : Beast Friends – Olivier Gay et Jonathan Aucomte

Les amis de la BD : Concernant Métamorphes, je rappelle pour nos lecteurs, qu’Ambre et Lucas se transforment en louve-garou et en vampire, après avoir été éclaboussés par une substance inconnue ? D’où vous est venue l’idée de ce mode de transformation pour le moins atypique que vous décrivez dans la BD ?

Olivier Gay : L’idée m’est venue au cours d’une rencontre scolaire. A ce moment-là, j’expliquais pourquoi j’aimais faire de l’urban fantasy, pourquoi j’aimais qu’il y ait de la magie et des pouvoirs dans mes histoires. Ce qui m’intéressait, ce n’étaient pas tellement les pouvoirs en tant que tels, mais la manière dont les personnages allaient réagir. Par exemple des adolescents, est-ce qu’ils vont le cacher à leurs parents, est-ce qu’ils feraient confiance à leurs amis, est ce qu’ils vont en avoir honte ? Je prenais toujours cet exemple en désignant une personne de la classe et en lui posant la question suivante « Si demain tu te transformes en loup-garou est ce que tu en parlerais à tes potes ? » « Si quelqu’un te dit je sais ce qui t’est arrivé retrouve-moi à 22h au parc, est ce que tu y vas ? Si tu y vas comment tu fais pour le cacher à tes parents ». Je faisais ce jeu de questions pour qu’ils comprennent ce qui m’intéressait dans la création d’une histoire. J’ai fini par me dire que cela pourrait être le début d’un scénario. Je voulais vraiment retravailler avec Jonathan, qui, lui, voulait s’éloigner des univers fantastiques, pour aller vers du réel, ce qui collait parfaitement avec mon idée.

Jonathan Aucomte : Parce que moi j’avais vraiment une condition, c’était de revenir sur un univers contemporain. J’ai plus d’affinité avec ce genre d’environnement, je me disais que j’avais plus de capacité à m’exprimer dans ce cadre-là que dans un monde de fantasy dont je maîtrise moins les codes.

Métamorphoses Louve Story Drakoo couverture

©Drakoo – Métamorphoses : Louve Story – Olivier Gay et Jonathan Aucomte

Les amis de la BD : Ce qui est très intéressant avec les deux tomes, c’est que d’un côté vous vous éloignez des stéréotypes littéraires liés au loup-garou et au vampire mais d’un autre côté vous dénoncez d’autres stéréotypes que les jeunes générations vont rencontrer. A savoir, la fille populaire, un peu peste, et le garçon timide un peu geek pour caricaturer (mais qui a des amis, merciii ça change !). Comment avez-vous pensé à articuler les personnages de cette façon ?

Olivier Gay : J’étais content de cette idée, celle d’inverser un peu les rôles. C’est vrai que les vampires sont, en général charismatiques et les loups-garous déjà musclés et athlétiques. Je trouvais amusant de changer : par exemple Ambre n’a pas du tout envie de se changer en louve-garou, parce qu’elle a des poils partout, une musculature massive, et que ça ne correspond pas à ce qu’elle veut. Lucas, lui, a envie de rester dans son coin et ça le saoule d’hypnotiser des gens. Je trouve fascinant de partir de clichés et les tordre un peu. En plus, cela parle à tout le monde.

©Drakoo - Olivier Gay et Jonathan Aucomte

©Drakoo – Olivier Gay et Jonathan Aucomte

Les amis de la BD : Le style graphique de cette série est très singulier. Comment vous êtes-vous mis d’accord dessus et sur le design des personnages ?

Jonathan Aucomte : Lorsque l’on travaille ensemble, Olivier me donne des indications dans les grandes lignes. Cela va être un descriptif peu détaillé. Par exemple, Ambre est une fille populaire, au physique avantageux et Lucas est un geek, timide, qui aime faire des jeux de rôles. A partir de là, je suis assez libre dans mes propositions. Concernant le design des personnages, pour Lucas, je me suis retrouvé un peu en lui, excepté les jeux de rôles qui correspondent plus à Olivier. J’avais vraiment cette image de moi à 15 ans, avec les cheveux longs et bouclés. C’est venu assez naturellement. J’avais aussi cette intention d’insuffler de l’authenticité, parce qu’il est assez facile de tomber dans quelque chose de générique si l’on prend les codes les plus répandus en BD. C’était vraiment important de me demander ce que je pouvais apporter de singulier dans le visuel. Pour Ambre, la difficulté avec ce genre de personnage, est qu’ils sont beaux, lisses, ils manquent de relief (au sens graphique). Un personnage comme Ambre il faut que tout soit bien équilibré : les traits doivent être fins pour qu’elle puisse véhiculer cette image de princesse. Je ne peux pas comme avec des personnages secondaires, lui faire un gros nez ou de grosses oreilles (rires). Ambre a été ma plus grande difficulté, il fallait lui donner quelque chose de singulier tout en restant la fille parfaite ; j’ai donc opté pour la petite mèche qui passe devant l’œil.

Olivier Gay : En effet, une des difficultés était que l’on souhaitait qu’Ambre soit une belle fille tout en étant une caricature de ce que les gens imaginent quand ils pensent à une belle fille.

Jonathan Aucomte : Ce n’était pas simple, Lucas, du premier coup, il a été validé lorsque j’ai proposé le design et Ambre, c’était une galère.

Olivier Gay : Un autre enjeu était leur âge, parce que d’après ce que m’a dit Jonathan, c’est difficile de dessiner des adolescents de 15-16 ans. Au début, les designs les vieillissaient un peu.

Jonathan Aucomte : Ça se joue vraiment au millimètre.

©Jonathan Aucomte

©Jonathan Aucomte

Les amis de la BD : Oui, c’est très subtil dans le dessin.

Jonathan Aucomte : Si on a le malheur de faire un début de ride, les personnages prennent 10 ans.

Les amis de la BD : C’était challengeant. Pour cette série, vous vous êtes inspirés de la mythologie grecque ainsi que de certaines légendes, comment avez-vous sélectionner les créatures pour votre intrigue ?

Olivier Gay : Dans mon enfance, j’ai été bercé par les mythologies, les légendes, les contes et comme l’a dit Jonathan, je fais des jeux de rôles ce qui m’a influencé d’autant plus. En effet, dans les jeux de rôles médiévaux, il est fréquent de croiser des créatures légendaires comme Cerbère, Harpie… Donc tout cela est déjà calé dans mon imaginaire. La difficulté que j’ai, c’est de trouver pour chaque tome des monstres qui vont parler à l’imaginaire collectif.

©Jonathan Aucomte

©Jonathan Aucomte

Les amis de la BD : Actuellement, la série est prévue pour combien de tomes ?

Olivier Gay : Aujourd’hui, nous savons, qu’il y aura 4 tomes. Le troisième tome étend l’histoire. Pour l’instant les ventes sont bonnes, si elles s’effondrent, on s’arrêtera sur un tome 4 qui sera conclusif. Si elles perdurent de cette manière, l’idéal serait de faire le plus de tomes possibles. Ce qui me dérange en bande dessinée est l’espace. Je viens du roman, avec un nombre de pages assez conséquent, ce qui me laisse le temps de développer les personnages et les sous-intrigues comme je le souhaite. Alors qu’en BD c’est plus compliqué car on n’a que 53-54 planches pour intéresser les lecteurs. J’aime bien prendre mon temps, et plus il y a de tomes plus je le peux. A présent, j’aimerais inverser un peu l’interview, qu’avez-vous pensé des deux tomes honnêtement ? Cela m’intéresse beaucoup d’avoir votre retour.

Métamorphoses Louve Story Drakoo planche 5

©Drakoo – Métamorphoses : Louve Story – Olivier Gay et Jonathan Aucomte

Les amis de la BD : Cette série a été une vraie surprise. J’ai grandi avec Twilight, qui représente les plus grands stéréotypes vampires et loups-garous dans la littérature. Ainsi j’avais une petite appréhension quant au fond de l’intrigue, que ce soit du vu et revu. Comment vous dire que j’ai été très agréablement surprise lors de ma lecture. La variété des personnages, les situations dans lesquelles on peut se reconnaître. La partie fantaisie est très bien amenée avec une grande originalité et la partie réelle est tellement authentique qu’elle nous immerge parfaitement dans le récit.

Olivier Gay : Merci, c’est génial comme retour.

Jonathan Aucomte : On a bien transmis nos intentions.

©Jonathan Aucomte

©Jonathan Aucomte

Les amis de la BD : Un petit mot pour les amis de la BD.

Olivier Gay : Merci de nous mettre en avant. Si vous décidez de lire Métamorphes, sachez que j’adore avoir des retours qu’ils soient positifs ou négatifs, je trouve cela très intéressant, donc n’hésitez pas.

Jonathan Aucomte : Merci beaucoup pour votre soutien. Il me semble qu’Adrien Laurent le fondateur de l’association, m’a suivi dès le premier tome Les Gardiennes d’Aether, c’était vraiment dans les débuts.

Interview réalisée par : Manonn’

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