La Confrérie des Tempêtes tome 1 : Thoorak

On n’arrête plus Jean-Luc Istin. L’homme qui crée des univers plus vite que son ombre revient avec un nouveau monde, Aratheon. Après avoir mêlé fantasy et western dans l’excellente West Fantasy, la Confrérie des Tempêtes propose une rencontre tout aussi maline entre mondes imaginaires et piraterie. Sur le modèle des séries du monde d’Aquilon, chez Soleil, cette nouvelle création présentera des cycles de cinq tomes, chaque volume se concentrant sur un ou une pirate qui reviendra donc tous les cinq albums.

La confrérie des tempêtes tome 1 Oxymore couverture

Agora est remplie de rêves d’aventures et de piraterie. Mais, à douze ans, cette vie pleine de dangers semble bien utopique, surtout face aux moqueries de ses sœurs et au mépris de sa mère. Seul son père la comprend. Le plus grand désir d’Agora est de quitter cette famille. Une attaque de bandits lui fera regretter ce souhait puisque tous les siens sont tués sous ses yeux avant qu’elle ne parvienne à fuir. Recueillie par l’imposant pirate orc Thoorak, c’est le début d’une grande aventure faite de magie, de violence, de trahisons, de révélations et, bien sûr, d’écume.

La confrérie des tempêtes tome 1 Oxymore planche

Aux sombres héros de l’amer

Tout comme West Fantasy, la Confrérie des Tempêtes fait se confronter deux univers à priori très éloignés mais dont la rencontre semble finalement évidente. Dans la première, western et fantasy se mêlaient intelligemment en convoquant les figures classiques du premier sous la forme des personnages et races traditionnelles du second : natifs elfes, croque-morts gobelins, mineurs nains… Dans la Confrérie des Tempêtes, c’est le monde des pirates qui se teinte de fantasy. Quoi de mieux, en effet qu’un Orc pour interpréter un sanguinaire marin ? Quel élément plus pertinent qu’un artefact de magie noire pour lancer une périlleuse et palpitante aventure sur terre et sur mer ?

Aratheon est un monde majoritairement recouvert par les océans. Comme toujours avec Jean-Luc Istin, l’album s’ouvre sur une carte, reprenant les noms des lieux principaux, que le lecteur ne se privera pas de consulter à chaque nouvel endroit visité ou évoqué. Un procédé classique mais toujours très efficace pour immerger le spectateur au cœur de l’intrigue. Car, c’est une nouvelle fois la grande force du scénariste que de nous plonger aux côtés de ses protagonistes via une cohérence d’univers toujours parfaite. Aratheon convoque ce que la fantasy et la piraterie ont de plus sombre, dangereux et épique, pour un résultat dans lequel il est très facile de plonger dès les premières pages.

La jeune fille et la mer

Avec son compère scénariste Sylvain Cordurié, qu’il connaît très bien*, et grand nom de la fantasy et du fantastique du Neuvième Art, Jean-Luc Istin propose une aventure tout simplement captivante, toujours relativement surprenante malgré les nombreux poncifs du genre la parsemant : trahison, renaissance, vengeance, affrontements violents… Si l’intrigue passionne autant, c’est notamment grâce à ses personnages. Certes, ils reprennent, elles et eux aussi, les stéréotypes des deux genres explorés par la Confrérie des Tempêtes : la jeune fille en quête de vengeance, le capitaine taciturne, le pirate brutal, le mentor impitoyable… Il est toutefois indéniable que chaque protagoniste remplit son rôle à la perfection. Bien que ce premier tome se nomme Thoorak, c’est bien Agora qui est au centre du récit, une héroïne très attachante, suscitant très facilement l’empathie du lecteur.

Au dessin et aux couleurs, c’est un grand plaisir de retrouver deux autres collaborateurs habituels de Jean-Luc Istin, à savoir Giovanni Lorusso et Olivier Héban. Ces deux artistes possèdent déjà une très solide expérience et démontrent une fois de plus tout leur talent avec, pour le premier, une mise en scène alternant intime et grandiose, et, pour le second, des ambiances superbes, notamment dans les paysages, même si les intérieurs semblent parfois un peu trop propres. Les protagonistes sont une grande réussite, tous aussi charismatiques les uns que les autres, et on croise dans l’album des créatures assez originales pour un récit fantasy. Mention spéciale, enfin, pour les détails apportés par les deux artistes aux navires, tout simplement superbes.

La confrérie des tempêtes tome 1 Oxymore planche 15

Après le succès mérité de West Fantasy, on ne pouvait être que curieux à la découverte de ce nouvel univers, de cette nouvelle rencontre. Et force est de constater que le pari fou de Jean-Luc Istin est, une fois de plus, totalement réussi, du moins dans ce premier épisode et dans la construction de son récit. En proposant une intrigue assez classique et simple, le duo de scénaristes peut présenter son univers suffisamment pour y impliquer le lecteur, tout en glissant quelques thèmes qui ne demanderont qu’à être développés dans les prochains tomes. Avec ses personnages torturés derrière une héroïne qu’on a hâte de retrouver dans le sixième album, ce premier épisode, aux planches magnifiques, met l’eau à la bouche, mais sans sel aucun.

* Jean-Luc Istin et Sylvain Cordurié ont collaboré chez Soleil sur Androïdes, Mages ou Orcs & Gobelins, et chez Oxymore sur West Fantasy.

Une chronique écrite par : Cédric « Sedh » Sicard