Le pouvoir des Innocents cycle 2 : Car l’enfer est ici (intégrale)
Ré-édité en Intégrale chez Futuropolis, «Car l’enfer est ici» est le second cycle du «Pouvoir des Innocents» imaginé par Luc Brunschwig près de dix ans après la fin du premier qui laissait une question en suspens : comment un grand et beau projet de société peut-il survivre aux obscurs moyens mis en œuvre pour l’imposer ?

Six mois se sont écoulés depuis le sacrifice meurtrier des 508 protégés de Jessica Ruppert qui endeuilla les États-Unis le soir de son élection. La nouvelle maire de New York, élue grâce à une conspiration dont elle ignore tout, se recueille devant la statue érigée en l’honneur de son plus fervent défenseur et champion de boxe Steven Providence, symbole de la réussite de la politique sociale qu’elle a promise à ses électeurs mais dont la mise en œuvre inquiète ses opposants. Le temps du deuil est passé et le moment est venu d’engager les réformes, qui, si elles sont couronnées de succès, la mèneront peut-être aux plus hautes fonctions.
L’ancien marine Joshua Logan contre lequel la vie semble s’acharner est passé du statut de victime à celui de coupable idéal épris de vengeance, il est à présent l’homme le plus haï du pays. Joshua et sa femme Xuan Mai, méconnaissables par leur changement d’apparence, ont pris la décision de stopper leur cavale. L’ex-soldat organise sa reddition en grande pompe devant les médias afin de sauver sa peau. De cette manière, il s’offre aussi une chance de prouver son innocence et peut-être enfin trouver la sérénité et le bonheur malgré tous les complots et pressions fomentés par les véritables responsables dont il est la victime.

Un récit passionnant
Dix ans après la fin du premier cycle, cette seconde saison est une suite logique et reprend l’histoire pratiquement là où elle s’était arrêtée. Un groupe de 508 personnes qui, après le constat d’une humanité en perdition, fût prêt à user des stratagèmes les plus sombres pour réaliser le rêve d’une société meilleure. Le fardeau de la responsabilité de cette atrocité sera portée par un innocent détruit par la vie. Dès la première page, le lecteur retrouve le fil de l’histoire sans aucune difficulté et le récit se poursuit de manière logique et évidente. Pas besoin de contextualisation ni d’explications alambiquées.
Ainsi le récit plonge dans les méandres d’un pays encore sous le choc avec ses manigances politiciennes au cœur des collusions entre le pouvoir et la mafia, de la violence et ses traumatismes, de la manipulation et l’exploitation des populations, du racisme, … Au centre de tout cela quelques-uns luttent pour rétablir la vérité, pour sortir de cette spirale dévastatrice et aspirer à une vie meilleure telle une quête inaccessible du rêve américain qui peut coûter très cher. Le monde de bonté que promeut Jessica Ruppert et la lutte de Joshua qui, pour se sauver, risque de briser les fondement de ce projet, ne font qu’accentuer la tension de l’intrigue et l’attachement à tous les destins des personnages bons ou mauvais.
Le dessin dans le même style graphique que le premier cycle, contribue à créer cette atmosphère angoissante, pesante voire irrespirable tout du long de l’intégrale avec des planches et des cases en dessin hyperréaliste qui ne laissent que très peu de place au ciel ou au vide et un lettrage qui évolue dès que la situation se tend. Les couleurs des arrière-plans, et d’ambiance, elles, sont nettement plus sombres et sont rehaussées par la présence régulière d’un rouge vif dans les décors, vêtements ou maquillages comme pour accentuer cette violence sous-jacente et la tension dramatique constamment présente.

Une saga fiction pas si imaginaire ….
Cette histoire est l’opposition de deux grands projets de société qui s’affrontent et dans lesquels les auteurs dépeignent toutes les strates de la population : des plus hauts responsables des quartiers chics aux ouvriers et retraités de banlieue confrontés à la violence des bandes mafieuses et œuvrant dans des associations d’aides pour les plus démunis ou constituant les milices racistes nourries par la peur, des journalistes, des policiers … Toutes ces classes sont merveilleusement interconnectées dans un scénario où le lecteur a l’impression de reconnaître chacun des personnages tant ils sont réalistes et tant les situations imaginées pour eux sont crédibles.
Ce récit, certes manichéen, démontre que les choses ou événements ne sont pas toujours simples et n’est pas sans rappeler la réalité. L’influence des événements extérieurs ou des populations peut complètement redistribuer les cartes et contraindre à agir à l’inverse des idées que l’on défend, la fin de ce cycle en est la parfaite démonstration.

Le Pouvoir des Innocents, car l’enfer est ici, a conservé de sa superbe pour ce second cycle qui à su reprendre les codes et pistes inexplorées de la première saison. Luc Brunschwing interconnecte merveilleusement les événement, les protagonistes et les antagonistes entre eux sans aucune faille tout en maintenant, avec l’aide non négligeable de Laurent Hirn et David Nouhaud aux dessins et couleurs, un réalisme et une tension dramatique oppressante du début à la fin. Espérons que le plaisir sera aussi fort à la lecture du troisième cycle «Les enfants de Jessica» qui chose étrange est sorti en parallèle du cycle 2. Mais Le Pouvoir des Innocents est sans aucun doute ce que l’on pourrait appeler un thriller politico-social majeur du 9e art.

Une chronique écrite par : Xavier
Informations sur l’album :
- Scénariste : Luc Brunschwig
- Dessinateur – coloriste : Laurent Hirn et David Nouhaud
- Éditeur : Futuropolis
- Pages : 304 pages en couleurs
- Date de sortie : Intégrale le 05 mars 2025 (rééditions des albums édités entre 2011 et 2018).

