Randolph Carter tome 2 : Par-delà les portes d'ivoire et de corne

Imaginé par l’auteur culte Howard Phillips Lovecraft, le personnage de Randolph Carter est un archéologue dont les découvertes ont révélé des civilisations et des cultes immondes aux yeux des humains. Le duo Simon Treins et Jovan Ukropina clôture ici leur diptyque centré sur cet explorateur avec un périple dans le désert qui réserve beaucoup de secrets tout aussi grandioses que terrifiants.

Randolph Carter tome 2 Soleil couverture — © Editions Soleil, 2025 – Randolph Carter tome 2 : Par-delà les portes d’ivoire et de corne – Simon TREINS, Jovan UKROPINA

Intégré dans un corps expéditionnaire français au Proche-Orient, l’archéologue américain Randolph Carter est embarqué dans une mission de reconnaissance dans le désert syrien alors que la Première Guerre mondiale touche bientôt à sa fin. Cette expédition sera aussi l’occasion pour lui de découvrir les origines d’un mystérieux et dangereux culte qui serait lié à son lointain ancêtre ayant participé aux Croisades. Il est cependant loin de se douter de l’ampleur cosmique et onirique de cette aventure ainsi que des menaces qui planent sur lui et ses compagnons de voyage.

Dans le désert des rêves

Au fur et à mesure que l’album amène le lecteur dans la traversée du désert, une présence mystique et dangereuse se fait de plus en plus présente. Simon Treins fait avancer Carter et ses compagnons dans le paysage aride de la Syrie et amène ainsi progressivement cette menace. Le parcours débute par des rencontres ou des phénomènes étranges mais qui deviendront de plus en plus effrayants, ce qui sous-tend une révélation de grande ampleur comme destination finale.

Randolph Carter tome 2 Soleil planche — © Editions Soleil, 2025 – Randolph Carter tome 2 : Par-delà les portes d’ivoire et de corne – Simon TREINS, Jovan UKROPINA

Surtout qu’en plus des rencontres et péripéties dans le désert syrien, l’archéologue fera régulièrement des rêves qui doivent le guider tout au long de son parcours vers une révélation concernant son ancêtre croisé. Cette place importante accordée à l’onirisme démontre la volonté de Simon Treins de respecter l’œuvre de l’auteur de Providence qui a beaucoup écrit sur les rêves comme source de merveilles et de terreurs. Le scénariste déploie ainsi tout au long de l’album des références aux écrits de Lovecraft, dont le mythe de Cthulhu, qui reste la pierre angulaire de son œuvre et ravira les fans de l’auteur.

Cette érudition est amenée à petite dose pour ne pas perdre les lecteurs qui n’ont pas les références mais elle pose davantage problème à la fin. Celle-ci laisse en effet un goût d’inachevé et ne peut être comprise que par les fans les plus pointilleux de Lovecraft surtout si le personnage principal ne semble pas impacté par la soi-disant révélation finale. Même si l’archéologue découvre des choses extraordinaires et effrayantes tout au long de son aventure, il n’exprime à leurs égards qu’un simple étonnement mais aucune frayeur. Cela a pour conséquence d’amoindrir l’impact horrifique de l’album alors que les personnages des œuvres de Lovecraft sont systématiquement saisis d’une peur profonde qui rend fou.

Randolph Carter tome 2 Soleil planche 31 — © Editions Soleil, 2025 – Randolph Carter tome 2 : Par-delà les portes d’ivoire et de corne – Simon TREINS, Jovan UKROPINA

Démons et merveilles

Comme dans l’album précédent, le dessinateur Jovan Ukropina et le coloriste Stéphane Paitreau offrent un ouvrage visuellement très recherché qui plonge le lecteur dans l’ambiance mystique lovecraftienne et de l’exotisme des lieux. Ce dernier point est d’autant ressenti par des jeux de couleurs à dominante chaude qui retranscrivent bien l’atmosphère désertique et étouffante du Proche-Orient. Paitreau fait un travail tout aussi soigné pour les scènes se déroulant dans l’obscurité ou en pleine nuit notamment avec un usage des ombres aboutissant à un clair-obscur pertinent pour faire ressentir les ténèbres.

Randolph Carter tome 2 Soleil planche 38 — © Editions Soleil, 2025 – Randolph Carter tome 2 : Par-delà les portes d’ivoire et de corne – Simon TREINS, Jovan UKROPINA

La patte graphique se laisse d’autant plus admirer par l’utilisation de grandes cases où Ukropina peut se permettre de détailler et donc de sublimer les décors ou les créatures mystérieuses. Ce choix de cadre et de mise en scène fonctionne d’autant mieux pour les scènes d’expositions des évènements ou êtres fantastiques mais aussi pour les scènes d’action dont le lecteur ressentira l’impact frappant et le danger. Cependant à force de vouloir sublimement représenter les créatures et évènements surnaturels, ces derniers perdent quelque peu leurs aspects horrifiques et terrifiants. Ukropina montre qu’il sait parfaitement représenter l’horreur lovecraftienne mais la mise en scène fera davantage ressentir de l’émerveillement mais pas un quelconque sentiment d’effroi. Le lecteur fan de Lovecraft le regrettera quelque peu surtout s’il sait que le matériau de base est une horreur d’ampleur cosmique qui dépasse l’entendement humain.

Riches en allusions et en référence à l’œuvre d’Howard Philips Lovecraft, cette conclusion à l’odyssée de Randolph Carter fait la part belle à l’exotisme et une ambiance occulte et onirique. Cette immersion fonctionne grâce au récit mais aussi au dessin riche en détails et en jeux d’ombres. Cependant, le lecteur n’en ressentira aucun sentiment de peur ou d’horreur surtout si le principal protagoniste semble toujours stoïque et pas perturbé par les choses étranges dont l’album est pourtant riche.