Moi, Cléopâtre, dernière reine d’Égypte
Après nous avoir conté les aventures de Neith dans Le Roi de Paille, Isabelle Dethan revient en autrice complète pour un one shot dans lequel elle réunit une nouvelle fois toutes ses passions : raconter une histoire avec une femme au premier plan tout en assouvissant ses goûts pour l’Histoire et la civilisation égyptienne. Avec Moi, Cléopâtre, dernière reine d’Égypte Isabelle Dethan coche toutes les cases.

Kléopatra VII Philopator de la dynastie Ptolémaïque, dite Cléopâtre, est assise sur un rocher, au bord de l’eau, face à ce qui était autrefois le célèbre phare d’Alexandrie. La dernière reine d’Égypte a quitté le monde d’Osiris et découvre notre modernité, avec ses amas de pollution plastique flottants, en se demandant ce qui a bien pu arriver au monde Antique. La souveraine est aussi stupéfaite d’apprendre, par le petit singe qui l’a accompagné dans la mort, que de son règne et de sa personne, l’humanité n’a uniquement retenu, à l’image de quelques irréductibles gaulois bien connus, qu’elle avait un très joli nez. C’est ce prétexte, assez vexant pour la reine, que choisit Isabelle Dethan pour lui faire raconter son destin hors normes. Cléopâtre remonte jusqu’à sa plus tendre enfance et, tout en expliquant les rouages de la société et du pouvoir Égyptien, déroule le fil de sa vie entre joie, peine, amour, guerre, choix, obligations, politique, famille, complots et trahisons.

Véracité et fiction rigoureusement entremêlées
En créant une histoire dans l’Histoire, qui s’attache à la personnalité de Cléopâtre, l’autrice lui donne vie et rend le récit d’autant plus passionnant. Isabelle Dethan place la reine en narratrice de sa propre vie comme pour mettre en relief l’ambivalence dont elle a du faire preuve dans ses choix, ses sentiments et dans ses réflexions personnelles. Ainsi, elle est capable du meilleur pour son peuple comme du pire pour sa famille au point de faire tuer son frère. Elle est aussi prête à tout pour ses enfants tout en maintenant l’honneur de l’Égypte au point de trahir Marc Antoine, son plus grand amour.
Isabelle Dethan a également eu la bonne idée d’imaginer une amitié indéfectible entre Cléopâtre et la momie de Khéops, avec qui elle communique et à qui elle se confie. Cette situation n’est pas improbable dans la culture égyptienne puisque au même titre qu’ils croyaient que leur corps spirituel continuait d’exister dans l’au-delà, le fait de glisser une amulette en forme de langue recouverte d’or dans la bouche du défunt, lui permettait de discuter après sa mort.
Ce procédé permet, non sans humour, une narration originale de la contextualisation des évènements historiques avec le regard, tel un sage, de l’un des premiers pharaons appartenant à la IVème dynastie, qui a précédé celle des Ptolémée d’environ 2000 ans.
Le récit, ainsi mis en scène, rend l’Histoire accessible à tous, tout en conservant une grande rigueur, et il fait le lien entre les différents évènements sans pour autant trahir la vérité. L’autrice nous raconte, de sa jeunesse à sa mort, la vie de la fille de Ptolémée Aulète qui a intéressé et passionné l’humanité et sort le lecteur de la vision fantasmée de l’Égypte Antique et de Cléopâtre.

Isabelle Dethan : Un dessin réaliste
Comme à son habitude Isabelle Dethan a un dessin aussi précis que ses écrits. Tout aussi documenté, il illustre l’habitat, les habits, les scènes de vie et les traditions. Il sert également le scénario tout en y ajoutant sa propre narration comme par exemple, lorsque en arrière plan de case, Ptolémée épie sa sœur et épouse Cléopâtre avec un regard haineux montrant ainsi sa détestation et le désir pressant de prendre sa place sur le trône.
L’application des couleurs directes à l’aquarelle ocre, bleue, rouge ou verte un peu passée, aspire le lecteur dans les planches. Cette colorisation donne l’impression d’entrer au plus près dans l’univers antique de la souveraine au point de créer une certaine intimité avec elle, intimité renforcée par les contrastes d’ombres et de lumières.

Avec Moi, Cléopâtre, dernière reine d’Égypte Isabelle Dethan offre un voyage immobile dans le temps et dans l’espace. Son récit et ses dessins fourmillent de détails et, loin des clichés, dressent de manière ludique, didactique, limpide et non sans sans quelques notes d’humour le portrait d’une femme au destin incroyable entre cruauté et sensibilité, la tirant de sa légende pour la rendre un peu plus humaine.

Une chronique écrite par : Xavier
Informations sur l’album :
- Scénariste : Isabelle Dethan
- Dessinatrice : Isabelle Dethan
- Coloriste : Isabelle Dethan
- Éditeur : Dargaud
- Date de sortie : Le 31 janvier 2025
- Pages : 208 pages en couleurs

