A la poursuite de Jack Gilet
Réalisée intégralement par David Ratte, A la poursuite de Jack Gilet, «est l’histoire d’un type qui fait un sale boulot, mais qui n’est pas pour autant un sale type». Jack Gilet a un drôle de métier, il est chargé d’exécuter des pauvres bêtes, jugées en procès. Un métier usant qui lui vaut la moquerie, le dédain et bientôt une terrible vengeance…

© A La Poursuite de Jack Gilet – David Ratte – Grand Angle
Etats-Unis, début du XXème siècle, tous les animaux responsables d’accidents, nuisances, dégâts et autres méfaits sont jugés devant les tribunaux. Aucun criminel ou hors-la-loi ne doit échapper à la justice divine qui conclut, dans la plupart des cas, à la peine capitale par pendaison. C’est à ce moment-là que Jack Gilet intervient, il est envoyé officiellement pour appliquer la sentence, et ce ne sont pas les ordres de mission qui manquent à travers tout le pays. Déjà victime de moqueries et de la désapprobation de sa mère qui trouvait bien plus honorable le métier de son défunt mari qui était bourreau d’hommes, le voilà à présent exposé au profond désir de vengeance de Winifred, la propriétaire d’une chèvre récemment exécutée.

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Une histoire inspirée de faits réels
Les procès d’animaux ne sont pas une invention de David Ratte et non plus une spécificité de la justice américaine. Cela avait déjà lieu au Moyen Age en France, en Suisse et dans les années 2000 en Macédoine et en Asie. Toutes sortes d’animaux ont été jugés et condamnés à mort ou même à payer des amendes en euros. Parmi les procès les plus connus, citons celui gagné par des termites au Brésil, celui d’une truie ou encore de l’éléphante Mary condamnées à la pendaison.
Dans son récit l’auteur prend cependant des libertés avec les histoires dans l’intérêt de son scénario et pour qu’il soit moins brutal. Ainsi aux États-Unis les exécutions étaient réalisées par les polices locales et non par un bourreau itinérant comme Jack Gilet et la fin réservée à l’éléphante Mary à été totalement romancée.

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L’absurdité et l’obscurantisme dénoncés dans une histoire adoucie par l’auteur
Le récit met rapidement en évidence à quel point l’homme, pour faire face à ses peurs et son ignorance, peut être absurde et violent. Le lecteur assiste ainsi dans les premières pages à une succession de condamnations d’animaux plus grotesques les unes que les autres.
L’obscurantisme est quand à lui révélé avec le personnage du jeune Tom, qui s’accroche à Jack pour apprendre le métier, car ce qu’il désire plus que tout, c’est devenir bourreau d’humains et regrette qu’il ne soit plus possible «de se faire la main sur les indiens».
Mais ces sujets graves sont utilisés pour une histoire plus subtile qui permet de les rendre moins sérieux. Ainsi les évènements sont souvent présentés avec un trait d’humour qui accentue le coté absurde non sans un certain cynisme.
Et puis il y a les personnalités de Jack, un rêveur contrarié, Tom, un ado inculte fasciné par la mise à mort et Winifred, une jeune femme excessive. Bien que très différents les uns des autres, ils sont tous trois touchants, chacun à leur manière. Enfin, David Ratte ré-écrit l’histoire de l’éléphante Mary pour finir sur une fable positive pleine d’espoir et mettre en évidence la fragilité des hommes et des femmes.

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Une illustration grandiose
Impossible de ne pas s’arrêter sur la magnifique couverture en fond blanc avec l’éléphante grise, assise chaînes aux pieds, posant son regard inquisiteur sur un Jack prostré et dont le vert du costume, identique à celui du titre, se reflète dans les yeux du pachyderme. Derrière lui une ombre, arme à la main, laisse deviner une Winifred prête à tirer. Toute l’ambiguïté du récit est magistralement résumée.
Les dessins à l’aquarelle aux teintes et lavis pastel de nuances beige, vert pâle et rose, créent une ambiance douce et rappellent que le temps de l’époque western est révolu.
Un soin particulier à été apporté aux décors et arrières plans pour traduire l’immensité des villes et des paysages traversés. A plusieurs reprises des cases en demie, pleine ou double page font honneur à leur grandeur et à leur beauté, d’autant plus que les dessins sont très détaillés. Il ne manque pas un caillou au Grand Canyon ni une brique aux édifices. Cette précision et ces vignettes majestueuses mettent en évidence le contraste entre les grandes villes du début du XXème siècle, avec leur automobile et leur tramway, et les plaines du Far-West où l’on vit encore comme au XIXème siècle.

© A La Poursuite de Jack Gilet – David Ratte – Grand Angle
A la poursuite de Jack Gilet est une bande dessinée originale à plus d’un titre. Tout d’abord son sujet de départ, véridique et méconnu. Ensuite, la façon de s’arranger avec la vérité pour rendre l’histoire plus douce sans pour autant nier les faits. Puis, réussir à faire ressortir ce qu’il y a de pire dans l’âme humaine tout en lui trouvant une forme de compassion et finir par un message d’espoir. Enfin, la restitution de l’immensité de tout les décors de Cincinnati au Grand Canyon en passant par les paysages infinis des plaines, montre toute la dimension de cette histoire.

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Une chronique écrite par : Xavier
Informations sur l’album :
- Scénario : David Ratte
- Dessin : David Ratte
- Couleurs : David Ratte
- Editeur : Grand Angle
- Pagination : 128 pages en couleurs
- Date de sortie : Le 8 janvier 2025

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