West Fantasy tome 2 - Les Amis de la BD

Il est, en bande dessinée comme ailleurs, des concepts qui semblent à la fois inédits et pourtant évidents. Mélanger le western et la fantasy en fait clairement partie : des Elfes en natifs proches de la nature, des Nains chercheurs d’or au cœur des mines, des Gobelins macabres croque-morts et des Humains… qui détruisent tout. Nouvel univers issu de l’imagination fertile de Jean-Luc Istin, West fantasy revient avec une seconde histoire complète, chez Oxymore, qui introduit la race des Elfes.

Lorsqu’elle découvre les corps sans vie de sa tribu, et surtout de sa propre fille, l’elfe native Isha invoque le totem de son peuple pour découvrir les coupables et le moyen de se venger. Elle part alors à la recherche du Wendigo, esprit traditionnel de la mythologie des Natifs. De son côté, le gobelin croque-mort Shiinkel suit l’impitoyable marshal Douglas Reeves dans l’espoir de gagner quelques deniers et os à rogner. Ces trois personnages vont être entraînés dans un tourbillon de violence à la poursuite d’un trio de militaires cruels et diablement dangereux.

Le bon, la brute et le verdâtre

Après avoir lancé des séries à grand succès chez Soleil, notamment le Monde d’Aquilon (Elfes, Nains, Orcs & Gobelins…) ou les Maîtres Inquisiteurs, c’est chez Oxymore, toute jeune maison d’édition créée par Mourad Boudjellal, que le créateur d’univers Jean-Luc Istin est revenu en fanfare avec un nouveau concept au nom sans équivoque, West Fantasy. Mettant en scène des peuples issus des univers merveilleux comme les Elfes, les Nains, les Gobelins, et bientôt les Orcs, la série fait la part belle à la magie, notamment à travers les Totems qui forment la ligne conductrice entre les tomes, tout en baignant dans une ambiance western avec ses fonctions habituelles. Natifs, chercheurs d’or, croque-morts, chasseurs de primes évoluent dans des récits tragiques et rédempteurs, sans pour autant tomber dans la caricature. La grande réussite narrative de la série est en effet de parvenir à mêler ces deux univers de façon logique, et même évidente.

Dans ce deuxième tome, la narration est assurée par le gobelin Shinkel, avec son regard à la fois sombre et ironique : une idée judicieuse pour impliquer le lecteur un peu plus dans l’histoire tout en évitant un côté trop larmoyant (la facilité aurait été de donner la narration à Isha). Les personnages sont profonds, leurs caractères sont bien définis et justifiés par leur parcours. Le manichéisme n’est pas au rendez-vous : d’un côté un trio pas très sympa, de l’autre un second trio carrément mauvais. Seule Isha parvient à susciter l’empathie du lecteur. Mais loin d’être un défaut de la narration, tous ces personnages négatifs parviennent à donner au récit une noirceur captivante qui sème le doute au lecteur quant à l’issue de cette quête de vengeance.

Pas des gueules de porte-bonheur

Après le duo Bertrand Benoit au dessin et Nanjan aux couleurs sur le premier tome, cette seconde aventure est mise en image par Marco Itri et Olivier Héban. L’illustrateur italien, déjà à l’œuvre sur la série Orcs et Gobelins, confirme son talent pour les récits fantasy, à la fois grâce à des personnages charismatiques et variés, faisant la part belle à leurs émotions, et à des paysages somptueux, dans la grande tradition du western. Les deux trios antagonistes sont la grande réussite visuelle de ce second tome. Shiinkel est tout aussi ambigu que dans le premier tome, avec son sourire carnassier, alors que la belle Iisha alterne entre douceur et puissance selon les émotions qui la traversent : la sérénité peut laisser rapidement la place à une sauvagerie sans borne. Personnage multifacettes par excellence, le marshal Reeves possède le physique de l’emploi : un regard perçant derrière ses lunettes de soleil noires comme son âme, une grande moustache ornant un sourire tout sauf aimable et un long manteau de circonstance. De l’autre côté, le trio Borgne-Manchot-Deadface apporte à la série un aspect steampunk des plus appréciables en plus de trois pures gueules de méchants.

Les décors naturels sont grandioses, des forêts luxuriantes aux plaines sans fin. On retrouve également avec plaisir les lieux habituels du western : le ranch au milieu du désert, le canyon, le cimetière, ou encore la ville dont chaque recoin peut cacher un danger… Personnages comme décors sont magnifiés par la richesse de la palette de couleurs d’Olivier Héban (un habitué des univers de Jean-Luc Istin : le Monde d’Aquilon, Merlin, Conquêtes…), collant toujours parfaitement à l’ambiance du récit, des couleurs froides des scènes menaçantes aux teintes lumineuses des paysages sereins.

En prenant le meilleur des thèmes du western et de la richesse de la fantasy, Jean-Luc Istin propose avec West Fantasy un univers passionnant et surtout riche en promesses pour les prochains tomes. Dans la lignée d’un premier récit qui faisait déjà la part belle au tragique et à l’implacable violence, Le Croque-Mort, l’Elfe et le Marshal creuse un peu plus sa diégèse en intégrant les elfes (natifs) et leur persécution par les humains (colons) dans une quête de vengeance passionnante servie par des dessins et couleurs superbes. Un nouveau récit complet dans un univers cruel qui ne laisse que peu de répit à ses personnages. Rendez-vous fin août avec un troisième tome qui verra l’apparition des Orcs.