Tisseuse

claire

il y a 9 heures

Léna Canaud est autrice et illustratrice de bande dessinée. Avec « Tisseuse », publiée chez Ankama en 2025, elle signe sa première bande dessinée en créant un monde imaginaire fascinant qui interroge notre rapport au temps.

Ethel vit avec sa grand-mère. Ensemble, elles détiennent un secret. Il existe de l’Autre Côté, un monde semblable au leur mais qui évolue dans une temporalité différente, sept ans plus tôt. Chaque personne a un alter ego de l’Autre Côté. Il est possible de lui écrire pour essayer de rectifier sa trajectoire de vie. Il suffit de confier une lettre à la grand-mère d’Ethel, Gardienne, qui la transmet de l’Autre Côté par un puits caché derrière sa maison. Dans l’autre monde, les Tisseuses réceptionnent ces lettres et influent discrètement sur la vie des alter ego en essayant de réparer leur histoire.

Ethel suit le chemin de sa grand-mère et s’apprête à devenir une Gardienne. Mais dans son cœur, elle préférerait rejoindre l’Autre Côté et devenir une Tisseuse. Alors quand son amoureux, Saule, décède dans un accident et que sa grand-mère disparait à son tour, plus rien ne la retient. Elle décide d’aller retrouver Saule de l’Autre Côté.

Un univers fantastique

Avec « Tisseuse », Léna Canaud crée un univers à part entière et emporte le lecteur dans un voyage initiatique. Les codes du fantastique sont utilisés à bon escient avec des mondes parallèles, des secrets, une boutique cachée, un puits exauceur de souhaits, des alter ego…

Tout est réalisé avec grâce et délicatesse. La poésie se retrouve à la fois dans les mots et dans les illustrations. Avec un trait net et des couleurs savamment utilisées, certaines des planches rappellent le style des œuvres d’Hayao Miyazaki.

Chacun des mondes a un camaïeu de couleurs différent. Le monde des Tisseuses est symbolisé par un camaïeu sépia et celui des Gardiennes par un camaïeu de bleu. La palette de couleurs est volontairement limitée et le ressenti est celui d’un univers pétillant et virevoltant, teinté de mélancolie et de nostalgie.

Le rapport au temps

« Tisseuse » est un album qui invite à réfléchir sur le temps qui passe et le poids des souvenirs. Est-il possible et souhaitable de changer son passé ? Ethel, en parcourant les deux mondes, poursuit son apprentissage, cherche sa place, découvre le besoin de faire des choix et qu’un monde ne vaut pas mieux que l’autre. « Ce monde n’est pas meilleur que le tien. Nous avons simplement pris un chemin différent . »

Léna Canaud utilise un langage accessible pour aborder des thèmes actuels et adultes. S’il pourrait être tentant de classer « Tisseuse » en bande dessinée jeunesse, les thèmes, subtilement amenés, parleront plutôt à un public adulte avec une réflexion autour des choix de vie, des regrets et des liens.

« Tisseuse » est un très bel album onirique, longuement mûri. Il laisse en bouche un délicieux goût d’infini dont il serait vraiment dommage de se priver !