Des ouvriers qui se tuent à la tâche pour construire une tour gigantesque, afin d’échapper à la Terre empoisonnée. C’est le pitch de cet album de science-fiction, et lorsque celui-ci est écrit par un journaliste spécialiste du genre, on ne peut qu’être intrigué par le résultat final de Vertigéo.
Dans un futur indéterminé, l’humanité frôla de peu l’extinction. Quelques survivants bâtirent des tours gigantesques pour s’élever dans les airs et échapper à un sol terrestre devenu inhabitable. Une société nouvelle se mit en place pour les construire. Les humains se spécialisèrent dans divers métiers, au sein d’une société fortement hiérarchisée.
L’histoire débute avec une tempête de cendres, durant la construction du quarante-neuvième étages de la tour baptisée Vertigéo. Très dangereuse, voire mortelle, pour les ouvriers, elle oblige les équipes à rentrer et à déclarer la journée stérile. Les chefs de chantier sont convoqués chez le chambellan, le relai de l’Empereur et gardien du temps, qui veille à ce que chaque ouvrier respecte son quota de travail. Le chambellan ordonne que le cinquantième étage soit terminé avant la nouvelle Lune, sous la surveillance des « punisseurs », ou sinon les chefs termineront dans une cage à mourir de faim et de soif, car « seule la poussée compte » !
Un récit se déroulant dans le futur, mais un sujet contemporain
Cet album est l’adaptation d’une nouvelle d’Emmanuel Delporte, publiée dans un ouvrage collectif en 2017. A travers un récit post-apocalyptique, les auteurs mettent en lumière la condition des travailleurs et l’abrutissement à l’extrême, du travail déconnecté de toute réalité. La vie des ouvriers de Vertigéo est uniquement dédiée à construire des étages. Lorsqu’un niveau se termine, il faut passer au suivant et ainsi de suite. Les travailleurs sont si occupés à leurs tâches, qu’ils n’ont pas le temps de se demander pourquoi ils font cela. Une métaphore d’une problématique contemporaine sur la perte de sens au travail.
Le scénariste Llyod Chéry est rédacteur en chef de Métal Hurlant et journaliste spécialisé dans la science-fiction avec son podcast « C’est plus que de la SF ». Autant dire qu’on a affaire à un grand connaisseur du genre et cela se voit tout au long du récit. L’écriture est très efficace, avec une intrigue qui va droit au but. Le contexte est rapidement posé et on comprend que les causes de la catastrophe qui ont conduit à la quasi-destruction de l’Humanité ne seront pas le sujet de l’histoire. L’album est découpé en plusieurs chapitres, qui peuvent se lire de manière autonome, chacun explorant une facette de l’univers, l’ensemble constituant une très bonne BD d’anticipation. S’il possède une fin et peut-être lu comme un one shot, un second tome a déjà été annoncé. Ce qui permettra de développer ce monde déjà bien mis en place avec cet album !
Un avenir sans couleurs
Le dessin réaliste d’Amaury Bündgen insère le lecteur dans cette société oppressive. Le choix du noir et blanc est un pari audacieux, mais réussi, et renforce le vertigineux dans lequel les personnages évoluent. La résolution est en couleurs (coloriées par Elvire De Cook), pas juste pour un aspect esthétique, mais participe à la conclusion.
A travers un univers post-apocalyptique, Vertigéo s’empare de sujets contemporains, principalement la perte de sens au travail, pour le dénoncer de manière efficace et avec de très beaux dessins en noir et blanc qui renforcent l’aspect oppressif de la société.
Une chronique écrite par : Adrien LAURENT
Informations sur l’album :
- Scénario : Llyod Chéry d’après Emmanuel Delporte
- Dessin : Amaury Bündgen
- Couleurs : Principalement noir et blanc, mais quelques pages couleurs réalisées par Elvire De Cock
- Éditeur : Casterman
- Date de sortie : Le 15 mai 2024
- Pagination : 131 pages en noir et blanc
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