Parker tome 1 : La proie

mathieudepit

il y a 4 mois

Au lancement de sa fameuse collection « Série Noire », l’éditeur Gallimard prévenait ses lecteurs : les volumes proposés, consacrés au genre policier ou thriller, n’ont pas vocation à être de classiques intrigues à énigmes ou des récits de loyaux détectives pourchassant de vilains criminels. Il s’agit d’action, d’angoisse, de violence. Ce discours pourrait être emprunté par les éditions Dupuis qui, dans cette même veine, inaugure sa collection « Aire Noire » avec une adaptation de Parker, le héros de Richard Stark.

©Aire Noire – Parker tome 1 : La proie – Richard Stark / Kieran / Headline

Iowa, 1969. Une banque comme une autre, d’une ville du Midwest comme une autre. C’est la cible choisie par Parker et ses complices habituels pour un braquage a priori sans risque. Le souci, c’est que Benny, en qui il a toute confiance, a imposé George dans l’équipe. Ce dernier, chargé de véhiculer les cambrioleurs, est nerveux et n’inspire aucune confiance à Parker. Une fois le forfait effectué, le mauvais pressentiment du braqueur va s’avérer : George abat sans pitié ses complices pour empocher le magot. Malheureusement pour lui, Parker parvient à fuir et dès lors, il n’aura qu’un seul objectif, retrouver George, se venger et faire main basse sur les dollars. Le territoire entier des États-Unis ne sera pas de trop pour le traître qui devient la proie d’une bête féroce lancée à ses trousses.

©Aire Noire – Parker tome 1 : La proie – Richard Stark / Kieran / Headline

De l’éternité des personnages emblématiques

Le lecteur a très certainement rencontré, au hasard d’un ouvrage, roman ou BD, le personnage classique de l’anti-héros au physique athlétique, tiré à quatre épingles, froid et rigoureux, l’arme au poing, la cigarette ou la bouteille toujours à portée de main. Issu de l’imagination du romancier américain Richard Stark, Parker est de ceux-ci. Mais, même s’il repose de façon assumée sur les bases classiques citées plus haut, le personnage n’en est pas moins original. Loin du « méchant » supposé romantique respectant le code d’honneur des truands et portant des émotions cachées en lui, Parker est un braqueur qui veut faire le job sans s’encombrer de mondanités ou d’artifices. Le personnage est intéressant dans le sens où, malgré sa carrure, sa force de caractère et sa détermination, il n’est pas invincible, ni super-héros. Il n’impose pas forcément le respect, se fait avoir, lui qui est réglo – du moins dans son activité – et être trahi ne lui paît évidemment pas. Le scénariste D. Headline, avec La Proie, adapte Un petit coup de vinaigre, 12^ème roman de Parker. La transition de l’ouvrage en BD est particulièrement bien vue. Headline construit en effet La Proie de façon intéressante, en respectant à la fois les codes de la bande dessinée et du roman, voire du film noir : il place les récitatifs qui sonnent comme autant de voix off, sait manier les ellipses pour intriguer le lecteur et alterne la narration entre le point de vue de Parker et celui d’autres personnages. Le tout se suit comme un bon divertissement façon « plaisir coupable » où la fin de l’histoire, à l’image du reste, n’est pas du tout morale.

©Aire Noire – Parker tome 1 : La proie – Richard Stark / Kieran / Headline

Le roman noir version BD

C’est le dessinateur Kieran qui met en images cette nouvelle adaptation de Parker, en succédant notamment à D. Cooke, ayant précédemment publié un ouvrage faisant date*, et cité en fin d’album par les auteurs. Le travail de Kieran, certes différent de celui de Cooke, est tout à fait acceptable et convient parfaitement à l’intrigue de ce nouvel opus. Anguleux, haché, le trait sûr, mais sans être détaillé, le dessin de La Proie est dans la parfaite osmose avec le scénario rugueux d’Headline. L’activité de storyboardeur de Kieran se ressent à la lecture, notamment par l’imagination et la force du découpage alternant pleines pages ultra travaillées et planches plus classiques. Aussi, le dessinateur ajoute astucieusement des éléments permettant au lecteur de ressentir le mystère et le danger permanent qui rôdent autour de Parker, comme les formes d’empreintes digitales qui parsèment l’ouvrage. La mise en page de chacune des cases, très cinématographique, usant du noir et jouant avec les ombres permet à Kieran de multiplier les références aux films noirs et d’en apporter l’ambiance dans cette BD visuellement très attractive.

©Aire Noire – Parker tome 1 : La proie – Richard Stark / Kieran / Headline

La Proie, nouvelle adaptation de Parker inaugure de façon réussie « Aire Noire » le nouveau label des éditions Dupuis. Fidèle à l’ambiance des romans noirs et permettant d’introduire un personnage principal loin du politiquement correct, l’ouvrage est bien construit, de manière à attirer davantage que les fans de littérature « pulp » policière.